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Hommage à Samuel Paty : les échos du terrain font état d'une grande solitude

Paru dans Scolaire le dimanche 17 octobre 2021.

Intervenant sur France-Culture (L'Esprit public) ce 17 octobre, Jean-Michel Blanquer a fait part d'un "ressenti positif" à propos de l'hommage à la mémoire de Samuel Paty. Dans un courrier adressé aux recteurs, le ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports rappelait que cet enseignant avait été assassiné le 16 octobre 2020 et souhaitait "dans chaque école et chaque établissement scolaire, un hommage (lui) soit rendu". Qu'en a-t-il été sur le terrain ? Sans prétendre à une quelconque exhaustivité, les témoignages recueillis par ToutEduc sont très éloignés d'un ressenti positif.

C'est ainsi que Fabienne, IEN, en charge de l'enseignement général en lycée professionnel est amère : "Des collègues m'ont contactée pour m'avouer leurs réticences ou leurs dégoûts d'avoir ce sentiment que ce moment important, essentiel, ne soit pas préparé en amont. Selon la plupart d'entre eux, surtout après une autre rentrée scolaire, toujours difficile et toujours anxiogène et, déjà à six semaines, tout le monde est sur les rotules, pour ainsi dire, les injonctions du Ministre, qui tombent du jour au lendemain, ne laissent pas de temps de préparation."

Leila, enseignante de Lettres modernes opine : "Je n'ai eu l'information de la direction que mercredi, deux jours avant la commémoration. C'est quand même un peu court, n'est-ce pas ? Mais j'ai fait mon boulot, sans avoir froid aux yeux... J'ai montré les caricatures, Mahomet, Jésus... Et j'ai parlé de la laïcité." Didier, proviseur d'un lycée d'enseignement général "regrette ce côté hâtif de la hiérarchie, du ministre, notamment, qui donne l'impression de se lever le matin avec, à chaque fois, une idée... Cela perturbe le travail quotidien. Toutefois, les collègues profs se sont réunis, se sont organisés pour que tout se passe bien pour les élèves, seul(e)s face à cette sorte de 'je fais et point à la ligne'..". Pour Corinne, professeure de Lettres classiques, interrogée jeudi, un jour avant la commémoration, "rien, aucun mail, n'est venu (l) 'informer de cet événement." Elle renchérit : "Je n'en ai pas du tout entendu parler au lycée, un épiphénomène sans doute ? J'ai alors fait un cours sur Camus, le dernier chapitre de L’Étranger...". En ce qui concerne Nadine, enseignante dans un collège REP+, cela ne l'intéresse pas, car "le travail sur les valeurs de la République, l'esprit critique, la laïcité, le vivre ensemble..." demeurent "sa fonction", et il n'est pas question qu'elle en fasse un événement.

"Cela ne veut pas dire que l'assassinat de notre collègue ne me hante pas tous les jours. Nous sommes mal organisé(e)s pour que chacun prenne ses responsabilités, à commencer par le ministre." Quant à Luc, enseignant d'anglais, il a le moral "à zéro". Pour lui, "l'assassinat de Samuel Paty est un traumatisme." Ce que son chef d'établissement "ne doit pas ressentir, car il semble et fait mine de protéger le bahut des débordements extérieurs, de se protéger, sans doute, surtout, qu'en ce moment, effectivement, ça déborde, des personnes, jeunes et adultes extérieurs au lycée, veulent en découdre avec les élèves du lycée. "J'ai cependan consacré une heure à parler de notre collègue assassiné, du fanatisme religieux." Ce que Olivier, lui aussi professeur d'anglais dans un lycée polyvalent, a fait et développé dans un cours "sur le fanatisme religieux avec une affirmation : quand la religion échappe à la raison", en ajoutant qu'il l'a fait de son "propre chef" parce que, "collectivement, il ne s'est rien passé, le lycée étant muet et sourd, (hormis la minute de silence annoncée par un haut parleur)", aux propositions "faites par les professeurs à l’administration avant même les directives officielles".

Camille, professeure des écoles, abonde dans ce sens : "Rien n'a été décidé avant, dit-elle. Je ne savais pas ce que j'allais faire, mais j'ai fait. J'ai des élèves de maternelle, nous n'avions pas organisé de commémoration. Moi, je travaille toute l'année sur la tolérance, la communication, la paix, l'expression des émotions avec mes élèves. Je n'ai pas parlé de Samuel Paty. Je ne veux pas jouer à la pleureuse, comme le souhaite M. Blanquer qui donne des ordres, qui pense que le peuple de l’Éducation nationale lui appartient." De son côté, Joris, également professeur des écoles, s'interroge : "Nous avons vendu du rêve. Et lequel ? Le rituel ? Pour ma part, j'étais paumé sur la question... Je me suis échiné devant l'injonction du ministre. Mes élèves de primaire avaient les yeux hagards. Ils ont, néanmoins, appris que l'échange est dans le soutien..." Zélia, élève de CE2, retient qu'au lieu d'une minute de silence, sa maîtresse en a observé deux...

Propos recueillis par Rabah Aït-Oufella

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