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Comment éduquer au politique ? Un outil proposé par les universités de Louvain (UCL) et de Bruxelles (VUB)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 19 octobre 2021.

"Les pédagogies Montessori, Freinet, Steiner-Waldorf, Decroly, l’école démocratique, l’école en plein air, en forêt, le Home Schooling, le  Unschooling, la Slow Education, l’éducation positive, la pédagogie institutionnelle et différentielle, etc. : la liste des écoles et des initiatives dites 'alternatives' peut donner le vertige. Elles se multiplient en cette première moitié du xxie siècle", constatent Frédéric Darbellay, Zoe Moody Maude Louviot (U. de Genève) qui publient sous le titre "L’école autrement ? Les pédagogies alternatives en débat" un important recueil d'articles sur cette "nébuleuse", dont il s'agit de "comprendre les origines, les diffusions, les fonctionnements et les innovations pédagogiques et institutionnelles à l’œuvre dans ces structures éducatives d’un type autre. Celles-ci proposent de penser et d’imaginer l’école autrement. Cet « autrement » peut grosso modo être énoncé soit sur un mode affirmatif (parfaitement légitime), comme dans le titre de l’ouvrage très bien documenté et autoréflexif de Le Menn (L’école autrement. Mon tour du monde des pédagogies alternatives, 2018), soit sur un mode plus interrogatif qui tente d’ouvrir un espace de questionnements sur les enjeux multifacettes des pédagogies alternatives, tout en apportant des réponses nuancées et non définitives. Cette deuxième modalité préside à l’origine, la conception et l’organisation du présent ouvrage collectif.

our d’horizon international

Ce livre ne vise pas à faire une présentation générale et une analyse des grandes figures et des courants de l’Éducation nouvelle (Montessori et Freinet en première ligne) et/ou de pédagogies alternatives plus récentes.

 

Marie-Laure Viaud (chapitre 2) rend compte de l’intérêt de plus en plus marqué pour les pédagogies alternatives ou différentes, malgré leur positionnement encore à la marge des systèmes scolaires classiques. Elle insiste sur le rôle et l’influence des contextes socio-politiques sur l’essor et le développement de ces pédagogies. Cette mise en perspective internationale est filée par Olivier Francomme (chapitre 3) avec l’exemple de la pédagogie Freinet en Chine. L’introduction récente de cette pédagogie, qui favorise notamment la coopération et le tâtonnement expérimental, met en tension une tradition scolaire aux racines multimillénaires et une modernité pédagogique alternative, entre liberté créatrice et obéissance de l’enfant

 

La créativité comme objectif, pratique ou résultat des activités pédagogiques est fréquemment évoquée comme un axe central des écoles alternatives. Le chapitre 10 (Maud Besançon, Laurine Peter et Todd Lubart) fait le point sur un cadrage théorique des travaux sur cette compétence créative en contexte scolaire et éprouve la capacité de différentes pédagogies à la développer chez les élèves. Dans la même veine, le chapitre 11 (Édouard Gentaz, Sylvie Richard et Catherine Rivier) porte sur l’évaluation des effets de la pédagogie Montessori sur le développement psychologique de l’enfant et les apprentissages scolaires. Sans généralisation abusive, Ghislain Leroy et Émilie Dubois (chapitre 12) posent la question de l’apparente liberté des enfants dans certaines classes Montessori au regard des règles et des interdits, en mettant en évidence les processus de socialisation entre volonté de liberté et conformation aux ordres et injonctions.

 

ans les années 1920, juste après le moment des Lumières Chinoises (le Mouvement pour la nouvelle culture), certaines institutions chinoises ont invité des pédagogues universitaires étranger·ère·s, tel John Dewey, qui a donné 78 conférences dans des écoles normales chinoises4 et dont les idées sur « l’école démocratique » ont reçu beaucoup de succès

 

ce livre contribue finalement à penser et organiser l’espace des pédagogies alternatives en constellation, au sens où celles-ci sont amenées à se définir, se délimiter, à entrer en débat et à se positionner dans le champ éducatif pour gagner en compréhension et reconnaissance. Que faut-il au fond entendre dans l’idée d’alternative ? Une voie nouvelle dans la manière de concevoir et développer les systèmes éducatifs, en opposition radicale au système scolaire traditionnel rivé à sa forme scolaire et son organisation disciplinaire. Ou alors une voie alternative qui affirme sa différence, son altérité et son ouverture à d’autres pratiques pédagogiques possibles, non-strictement disciplinaires et qui réinventent la forme scolaire dans une perspective complémentaire, dialogique et interdisciplinaire

 

eux situations très contrastées : d’un côté, des pays où ces écoles sont peu nombreuses, dans une situation souvent précaire, et d’un autre côté, des pays où, tout en restant minoritaires et en marge du système, ces écoles se développent plus facilement et sont mieux acceptées.Le premier ensemble comprend trois pays, la France, le Chili et l’Italie, qui possèdent, d’après les études citées plus haut, plusieurs points communs. Dans l’enseignement public, la place des écoles alternatives ou expérimentales y est très restreinte. Orellana-Fernandez (2017) n’en fait pas mention pour le Chili. En Italie, indique Sola (2017), les grand·e·s pédagogues dont les principes se sont diffusés dans le monde entier ont eu paradoxalement peu d’impact dans leur propre pays : il n’existe qu’une unique école Pestalozzi dans tout le pays, de rares écoles Reggio dans la seule ville éponyme (contre plus de 1 500 écoles de ce type aux États-Unis), et les peu nombreuses maternelles Montessori ne sont pas publiques

En juin 2020, le brutal démantèlement de l’école Freinet d’Hérouville-Saint-Clair, dans le Calvados, qui a mis un terme aux 43 années de vie et d’apprentissages en pédagogie Freinet10, en est un autre exemple

Le deuxième ensemble de pays comprend, parmi les pays du panel considéré, le Québec, Taïwan et l’Allemagne. La Belgique et la Tchéquie appartiennent également à cet ensemble, même s’ils n’ont pu être intégrés dans le schéma ci-dessous (voir figure 1) par manque de données suffisantes, et l’on pourrait également y adjoindre la Grande-Bretagne (Hugon et Lawes, 2017). Ici, les écoles alternatives sont plus nombreuses et leur développement est facilité, dans le privé comme dans le public

 

e développement des écoles alternatives est plus important dans les pays décentralisés et où les initiatives locales sont valorisées, et dans ceux qui mettent l’accent sur l’épanouissement de la personnalité de l’enfant – probablement parce que les principes de l’Éducation nouvelle sont alors plus facilement acceptés dans l’opinion. À l’inverse, les écoles différentes apparaissent peu nombreuses et dans une situation souvent précaire dans les pays où les exigences académiques sont fortes et où la priorité est donnée à la transmission du savoir, et dans ceux qui ont une longue tradition centralisatrice et unitaire, la pédagogie et l’organisation de l’école étant alors perçues comme étant l’affaire des seul·e·s professionnel·le·s de l’École et de l’État.

 

La troisième catégorie que nous présentons ici est constituée d’écoles, d’enseignant·e·s ou d’organisations (associations, fondations, etc.) qui revisitent de façon très nette ces pédagogies pour leur permettre d’être mises en œuvre auprès des enfants les plus déshérité·e·s. Ces pratiques, en bas à droite de la figure 2, étant les moins connues, nous en donnerons trois exemples. Le premier est celui des écoles Montessori fondées par des mouvements humanitaires, en Afrique (nous en avons relevé dans neuf pays : Égypte, Zimbabwe, Tanzanie, Côte d’Ivoire, Burkina, Éthiopie, Ghana, Guinée et Congo), en Amérique latine (Pérou, Haïti, etc.), en Asie du Sud-est (Cambodge, Népal, etc.)22, mais aussi dans certains quartiers déshérités des pays industrialisés23

 

 

La recherche éducative officielle chinoise, telle que je l’ai côtoyée, est ancrée dans une tradition qui ne dispose pas de l’éventail des disciplines comme dans les systèmes occidentaux, et qui ignore les sciences cognitives. Elle trouve souvent ses fondements dans des conceptions relativement anciennes, telles que le béhaviorisme, où ce qui est recherché est le réflexe conditionné, l’obéissance de l’enfant, sa soumission à l’adulte. Traditionnellement, « le bon élève chinois doit être le premier, ce qui se traduit par compétition et concours ; et il doit être obéissant, par la soumission inconditionnelle à l’adulte et aux personnes relevant d’une autorité »6. Nombre d’expérimentations montrent bien cette tentation de vouloir tout diriger, tout contrôler, selon un programme préétabli, qui puisse être répété en tous lieux, en toutes heures, pour tou·te·s les enfants. L’enseignant·e est de ce fait réduit·e à un·e simple répétiteur ou répétitrice de séquences précises, avec un matériel précis, en nivelant les individus, à l’opposé de toute prise en compte individuelle des enfants

 

Si l’école maternelle chinoise peut s’ouvrir à des pratiques pédagogiques variées, il n’en est plus de même à partir de l’école primaire : tout·e enfant scolarisé·e dans un autre environnement éducatif que le système public ne pourra poursuivre ses études universitaires en Chine. Ainsi, il ou elle est voué·e à aller à l’étranger pour poursuivre ses études

C’est au début de l’année 2010 que les premiers courriers sont arrivés à l’ICEM (Institut Coopératif de l’École Moderne, pédagogie Freinet) depuis la Chine, pour une demande d’aide à la création d’écoles maternelles coopératives (Francomme, 2017)10. Après une année d’échanges électroniques intensifs, en avril 2011 a eu lieu la première formation à la pédagogie Freinet en Chine, à Hangzhou.

 

À l’entrée dans une école Freinet, coopérative, les jeunes parents chinois·e·s vivent des contradictions : d’un côté, ils et elles souhaitent l’école la meilleure, la plus adaptée et à l’écoute de leur enfant, et d’un autre côté, ils et elles n’ont pas abandonné l’obéissance, la compétition, la soumission à l’adulte. C’est un monde vécu, qui les a souvent traumatisé·e·s, mais pour lequel il n’existe pas encore de modèle de substitution

 

La marchandisation de l’éducation
Nombre d’investisseur·se·s ont bien compris les demandes des parents qui sont prêt·e·s à investir dans l’éducation de leurs enfants. La pédagogie Freinet, institutionnelle, coopérative, n’échappe pas à la règle : à peine introduite, déjà copiée, déjà la proie de personnes cupides. À titre d’exemple, notons qu’une des traductions du mot Freinet en mandarin a déjà été déposée et soumise à un droit de propriété. De nouvelles écoles coopératives naissent, sans que l’aspect coopératif soit réellement respecté, la falsification étant un avatar de la mondialisation de la recherche du profit, même en Chine.

 

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