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Expérimentation de la mixité sociale dans les collèges haut-garonnais : un premier bilan positif

Paru dans Scolaire le jeudi 07 octobre 2021.

C'est un premier bilan qui a été présenté comme "positif", hier mercredi 6 octobre 2021 par le Conseil Départemental de Haute-Garonne, de l'expérimentation menée sur plusieurs collèges pour améliorer la mixité sociale. Les élèves de deux collèges situés dans des "ghettos", constitués par 85 % de familles défavorisées contre une moyenne de 35 % au niveau du département, sont les cibles de ce dispositif qui a été élargi depuis cette rentrée aux CM2 sur la base du volontariat. Cette expérimentation a consisté à "déplacer" les nouveaux collégiens vers 11 collèges favorisés, avec des mesures d'accompagnement spécifiques. Ce sont des navettes gratuites avec un accompagnateur, des actions de médiation dans les établissements d'accueil assurées par l'AFEV (Association de la fondation étudiante pour la ville) sur les pauses méridiennes ou en classe avec les enseignants, pour ce qui concerne les mesures portées par le Département. Elles représentent un investissement annuel de 900 000 euros sur un budget total de 56 millions d'euros. Des mesures ont été par ailleurs portées par l'Éducation nationale, partenaire de l'expérimentation : 25 élèves par division, notamment en 6e, contre une moyenne de 27 dans le département (soit 17 divisions fléchées sur l'ensemble des moyens du 2nd degré), 6 postes à temps plein de professeurs des écoles dédiés à la liaison écoles-collèges, un professeur référent dans chacun des 11 collèges d'accueil pour l'accompagnement personnalisé et l'aide au travail personnel, et des formations. Lancé dès la rentrée 2017 pour le premier niveau (des 6e) de l'un de ces collèges (Raymond Badiou), le projet a vu ainsi sa première "cohorte" d'élèves ayant bénéficié de ces réaffectations, une centaine, entrer au lycée à cette dernière rentrée. Au total, ce sont 1140 élèves qui sont concernés par cette expérimentation (lire ici et ici).

Ainsi, au niveau des résultats scolaires, ce sont, selon les données livrées ce jour par le CD31 et l'Éducation nationale, 63 % des élèves qui ont obtenu leur DNB "là où la proportion n'était que de 50 % de réussite pour les élèves scolarisés à Badiou", soit 13 points de plus, 21 % qui ont eu entre 11 et 12 "là où ils n'étaient que 11 % à Badiou" (+10 points) et 33 % qui ont eu plus de 12, "là où ils n'étaient que 4,6 % à Badiou" (+28 points).

Une orientation "accompagnée" et "visiblement choisie"

Mêmes tendances "positives" visiblement pour l'orientation, même si ces éléments n'ont pas fait en revanche l'objet de comparaisons chiffrées. Mais le directeur académique des services départementaux de l'Éducation nationale, Mathieu Sieye, juge, d'une part que c'est une orientation "accompagnée" et "visiblement choisie", puisque 94 % des élèves sont entrés au lycée, 52 % en seconde générale, un taux, certes "en dessous de la moyenne départementale mais au-dessus des collèges prioritaires", et 35 % en lycée professionnel, "avec une proportion plus forte en seconde et non en CAP" (7 % ont choisi un CAP). En outre, tous les élèves ont été affectés, "et quasiment tous au premier tour et sur leurs premiers vœux", indique-t-il encore.

Autre objet de satisfaction pour les partenaires : 4 enfants sur 5 ont choisi d'entrer au lycée du secteur rattaché au collège où ils avaient été accueillis, malgré les temps de transport supplémentaires que cela implique pour eux, et non une orientation sur le secteur d'origine.

Des enjeux sociologiques également en cours d'évaluation

À ces premières analyses qui doivent néanmoins être installées "dans la durée", précise Mathieu Sieye, s'ajoute une évaluation menée par une doctorante en "Sciences de l'éducation et de la formation" auprès de 60 personnes, sur des "enjeux sociologiques" (évolution des comportements et rapports sociaux entre élèves, implication des familles, travail des équipes pédagogiques...). Le rapport doit être rendu au Département en fin d'année 2021. Dans les tendances qui se dégagent déjà figurent le sentiment d'appartenance aux établissements d'accueil, le recours aux réseaux d'entraide entre élèves, l'autonomie des élèves dans les moyens de déplacement et l'ouverture culturelle.

Le dispositif est "exemplaire" à divers titres, selon Étienne Butzbach, le coordinateur du Réseau Mixités à l'école du Centre national d'étude des systèmes scolaires (CNESCO), et pourrait servir de modèle à l'échelle nationale. Étienne Butzbach a notamment salué "l'ampleur" du dispositif (11 collèges, plus de 1000 collégiens de zones prioritaires et 6000 concernés en tout), un "investissement massif qui a donné sa crédibilité au projet", et, "autre force de l'expérimentation", selon lui, "son caractère multidimensionnel", ce à quoi s'ajoute sa capacité à mobiliser le tissu associatif et l'Éducation nationale. De plus, le dispositif a permis, indique-t-il, de "faire revenir des enfants (des quartiers défavorisés, ndlr) vers le public", alors que n'a pas été constatée par ailleurs de stratégie d'évitement sur les 11 collèges d'accueil.

Une concertation pour la carte scolaire du nouveau collège qui remplacera les 2 jusque là concernés par les réaffectations

Le président du conseil départemental Georges Méric a indiqué que la mixité sociale était "une priorité politique" du CD 31, parce que c'est "un moyen de lutter contre les inégalités" et le "déterminisme social". Celui-ci a rappelé que "les débuts de l'aventure [avaient] été difficiles car il [avait] fallu convaincre". Ce qui a été fait par la concertation : 130 réunions se sont tenues sur plus de 6 mois, dont 80 "citoyennes", notamment dans les quartiers et auprès de 1000 personnes, et ont permis de recueillir, selon le président, "l'accord de 95 % des parents".

Cette méthode doit être reconduite dès le 11 octobre pour définir la carte scolaire de la rentrée 2022 du collège Saint-Simon qui remplacera ceux de Badiou et Bellefontaine concernés par cette expérimentation, et qui sera situé "hors du ghetto" pour favoriser une mixité proche de la moyenne départementale. Cette concertation citoyenne concernera également un autre nouveau collège, le collège Guilhermy. Cinq réunions publiques sont déjà programmées dans les secteurs concernés. Cette nouvelle sectorisation doit être adoptée en janvier 2022 par le Département.

Le Département avait également élargi sa politique en faveur de la mixité sociale en instaurant un dispositif d'incitation financière, de bonus/malus, en fonction de l'engagement des établissements sur des projets de mixité. Enfin, trois autres collèges, classés REP+ dans des secteurs relativement mixtes mais qui subissent un phénomène d'évitement, font de leur côté l'objet de travaux importants pour favoriser le retour des populations plus favorisées.

Camille Pons

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