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Le Sénat défend la “spécificité“ d'un enseignement agricole menacé (mission d'information)

Paru dans Scolaire le mardi 05 octobre 2021.

"Nous avons tapé du poing sur la table." Nathalie Delattre rappelle que le Sénat a voté, "à une très large majorité", contre le budget 2021 de l'enseignement agricole et que cette position de la chambre haute a créé "une onde de choc". Avec son groupe, le RDSE, elle a ensuite profité d'une "niche parlementaire" pour lancer une "mission d'information" dont le rapport, transpartisan, a été adopté à l'unanimité, comme le souligne Jean-Marc Boyer, président de la mission. Il a été présenté à la presse ce 5 octobre.

La sénatrice, rapporteure, indique à cette occasion que le vote de l'an dernier a permis à Julien Denormandie d'obtenir cette année "une inflexion du budget" alors qu'il avait, pour le PLF 2021, "perdu tous ses arbitrages". Le budget 2022 de l'enseignement agricole bénéficiera d'une rallonge de 43,5 M€, dont la moitié est destinée à un rattrapage de salaire pour les enseignants, tandis que les suppressions de postes prévues, 110, sont ramenées à 16 ETP.

Mais surtout, le rapport met en exergue "la pépite" qu'est cet enseignement, comme le souligne Marie-Pierre Monier, vice-présidente de la mission. Pour elle, le modèle pédagogique inventé dans les années 80, a permis cette excellence. "On n'a pas su faire mieux, on peut sans doute l'embellir, mais il n'y a pas lieu de le renouveler." Il a d'ailleurs de meilleurs résultats que tous les autres systèmes d'enseignement, que ce soit au brevet, au baccalauréat, au BTS ou en termes d'insertion professionnelle. La sénatrice ajoute que l'Education nationale a copié le CCF (contrôle en cours de formation) : "L'enseignement agricole a une longueur d'avance." Les membres de la mission d'information sont pourtant conscients des risques qu'il court, alors que les moyens manquent, mais que les besoins de la société sont importants, qu'il s'agisse de la transition écologique et de la qualité des produits alimentaires ou de la déprise agricole. Quelque 200 000 exploitants vont partir à la retraite dans les cinq ans et on ne compte que 13 000 installations chaque année (65 000 sur cinq ans). Seuls 35 % des élèves de l'enseignement agricole sont formés aux métiers de l'agriculture, 20 % se destinant aux métiers du paysage et 42 % aux services à la personne.

Interrogée sur le projet HECTAR de Xavier Niel et et Audrey Bourolleau (voir ToutEduc ici), Nathalie Delattre se refuse à prononcer le nom d'une personne qui n'a pas même répondu au courrier d'invitation de la mission. Pour elle, des initiatives privées de ce type vont se multiplier, proposant des formations courtes sans commune mesure avec celles de l'enseignement agricole public, privé ou en alternance avec les MFR (maisons familiales rurales), ces établissements étant parfaitement capables de monter de telles formations si elles répondent à un besoin. La mission est davantage inquiète de la concurrence de l'Education nationale, qui met en place des CAP de crémier-fromager ou d'entretien du paysage, et qui peut implanter un établissement à proximité d'un lycée agricole. D'ailleurs l'Education nationale méconnaît l'enseignement agricole. "Lorsque le proviseur d'un lycée agricole appelle le principal d'un collège pour proposer de venir informer les élèves de 4ème et de 3ème de cette possiblité en termes d'orientation, il s'entend fréquemment répondre 'inutile, on leur en a déjà parlé', à moins qu'il ne soit invité et ne trouve comme auditoire que les élèves les plus en difficulté. Les autres, l'Education naitonale veut les garder." Pour les sénateurs, le transfert aux Régions de l'information sur l'orientation est une chance à saisir, puisque les collectivités connaissent bien leurs établissements agricoles et les défendent.

La mission est également inquiète d'un risque de découragement. La crise sanitaire a durement touché les finances des lycées qui n'ont pas pu vendre les produits de leurs exploitations, ni louer leurs locaux le week-end, ou poursuivre le portage de repas. Certains personnels se demandent s'ils ne seraient pas mieux considérés s'ils étaient rattachés à l'Education nationale qui a plus de poids dans les discussions avec Bercy. La mission les met en garde, le modèle pédagogique serait mis à mal, ainsi que leurs établissements qui maillent tout le territoire, y compris loin des centres urbains.

Il faut dès lors revaloriser l'image de l'enseignement agricole, dont les 163 diplômes ont souvent "des noms barbares" et constituent un maquis "illisible", et même le rebaptiser "enseignement agricole, des sciences du vivant et des territoires", ce qui correspondrait davantage aux domaines qu'il couvre. Mais ce renouveau suppose également d'en finir avec "l'agri-bashing" et de "travailler sur le bien-être des agriculteurs", leur niveau de rémunération et de leurs retraites, la prévention du suicide... Et dans l'immédiat, la mission "exige" que Julien Denormandie soit présent lors du débat budgétaire sur l'enseignement agricole, lequel se trouve inclus dans la mission "enseignement scolaire".

Voici plusieurs des propositions de la mission d'information:

"Etablir un nouveau projet stratégique pour l’enseignement agricole" dont la spécificité doit être "réaffirm(ée)".

"A titre conservatoire, annuler au titre de 2022 les suppressions d’emploi prévues dans le schéma prévisionnel d’emplois pluriannuel 2019-2022", "réévaluer et augmenter les moyens humains de l’enseignement agricole", "consolider le maillage territorial de l’enseignement agricole".

"Simplifier et adapter la cartographie des formations proposées par l’enseignement agricole autour d’un tronc commun enrichi de spécialisations".

"Evaluer les demandes de reconversions professionnelles vers les métiers de l'agriculture et prévoir les moyens budgétaires nécessaires à l’accompagnement de ces futurs agriculteurs".

"Utiliser pleinement le bio et les autres pratiques agronomiques innovantes comme éléments de réflexion intégrés à un socle général de connaissances suffisant pour permettre aux futurs agriculteurs de choisir leur modèle".

"Poursuivre et renforcer la lutte contre les stéréotypes de genre sur la base des recommandations formulées par le Sénat dans son rapport Femmes et agriculture : pour l’égalité des territoires".

"Renforcer l’information des enseignants sur le contenu des métiers proposés par l’enseignement agricole, y compris hors champ agricole".

"Utiliser pleinement l’obligation de stage en troisième pour mieux faire connaître les métiers du vivant et l’enseignement agricole (...) Lancer une nouvelle campagne ambitieuse de promotion de l’enseignement agricole à destination du grand public".

"Affirmer la nécessité de respecter le principe de parité salariale entre l’Éducation nationale et l’enseignement agricole et revaloriser en particulier rapidement les auxiliaires de vie scolaire (AVS) et les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH)."

La liste complète de ces propositions et une synthèse du rapport ici, le rapport lui-même sera téléchargeable ici

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