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Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : au Sénat, une batterie de mesures pour une politique plus efficiente

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice, Orientation le jeudi 30 septembre 2021.

“Une situation durablement installée, qui n’a jusqu’ici fait l’objet que de réponses partielles et peu adaptées aux enjeux“, c'est en ces termes que la mission d'information sur les mineurs non accompagnés (MNA) et les jeunes en errance, dont le rapport a été adopté mercredi 29 septembre au Sénat, résume la problématique.

Les quatre rapporteurs constatent “une prise en charge actuellement peu cohérente, coûteuse et porteuse de risques pour des mineurs particulièrement vulnérables“, et dans le souci d'y apporter des solutions pérennes, formulent 40 propositions destinées à structurer une véritable politique nationale. Selon les chiffres du rapport, le nombre de MNA intégrant les dispositifs de protection de l’enfance est passé de 5 033 à 17 022 entre 2014 et 2017. Il a connu une légère baisse (1,5 %) en 2019 .

Est expliqué comment les personnes se présentant comme mineurs non accompagnés (MNA) font l’objet d’une procédure spécifique en amont de leur prise en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE), dont “il incombe au département de procéder à une évaluation sociale des demandeurs, le point crucial étant de déterminer s’il s’agit de mineurs“. 55 % des personnes évaluées ne sont pas considérées comme mineures à l’issue de ce processus. Le département est de plus tenu de mettre en place une “mise à l’abri“ (accueil provisoire d'urgence) des mineurs pour une durée théorique de 5 jours (le temps d'examen de leur situation, ndlr), un accueil qui semblerait n'être “pas toujours effectif“.

“Charges financières importantes“, “dépenses parfois très lourdes“..., selon le rapport le coût annuel de la prise en charge des MNA par l’aide sociale à l'enfance serait estimé à 1,1 milliard d’euros. De plus, la mission explique que le dispositif national d’orientation des MNA est fragilisé par la défiance de plusieurs départements, donnant lieu “à des pratiques de réévaluation des jeunes provenant d’autres territoires“. Elle ajoute que “sur l’ensemble du territoire, on peut constater un manque de cohérence de la politique conduite par les différents acteurs. La multiplicité des instances susceptibles d’être saisies (procureur de la République, juge des enfants, juge administratif) engendre une multitude de procédures parallèles, qui conduisent à la prise de décisions contradictoires.“

Face à ces défauts de pilotage et de coordination, les sénateurs souhaitent “réformer la gouvernance de cette politique, en y associant le ministère des affaires étrangères“. Par souci de cohérence, ils plaident “pour le transfert à l’État de l’évaluation et de la mise à l’abri des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés“, ajoutant que “la compensation par l’État doit couvrir l’intégralité des dépenses des départements afférentes à la prise en charge des personnes se présentant comme MNA pendant la durée de l’évaluation. Par ailleurs, l’ensemble des départements devraient recourir au dispositif AEM (appui à l'évaluation de la minorité) afin de fiabiliser les évaluations.“

En outre, les rapporteurs aimeraient “tendre vers la fin de l’hébergement à l’hôtel pour la mise à l’abri des personnes en cours d’évaluation“. Ils plaident pour pérenniser la contribution “exceptionnelle“ de l’État aux dépenses des départements, et pour revoir son mode de calcul en se basant sur l’effectif des MNA pris en charge par l’ASE, deux actions destinées à sécuriser les moyens financiers de la protection de l’enfance.

“La scolarisation des MNA n’est pas à la hauteur des enjeux dans beaucoup de départements“, affirment les rapporteurs qui déplorent que “les mineurs ne sont souvent pas scolarisés tant que se prolonge la phase d’évaluation de leur situation. Une fois les démarches entamées, les procédures devant les services de l’éducation nationale pour obtenir l’affectation des jeunes en établissement scolaire sont complexes et souvent trop longues.“

Ils jugent inacceptable une situation dans laquelle certains mineurs restent plus d’un an avant d’être scolarisés, “alors même qu’une scolarisation effective tout au long de la prise en charge par l’ASE, notamment en permettant au jeune d’acquérir la maîtrise du français, est une condition essentielle de l’accès à l’autonomie des Mineurs non accompagnés à 18 ans“.

Ils considèrent que les MNA doivent obtenir une carte de séjour une fois leur dix-huitième anniversaire passé, car si 93 % des demandes de titre de séjour reçoivent une réponse positive, la procédure d’obtention de ce titre “n’est pas toujours aisée et se trouve retardée, dans une part non négligeable des cas, par les vérifications de l’authenticité des documents étrangers d’état-civil du jeune“.

“L’anticipation de l’accès à l’autonomie des MNA est très variable selon les départements“, relatent également les rapporteurs, précisant que “si certains octroient un contrat jeune majeur à quasiment tous les MNA jusqu’à leurs 21 ans, d’autres accompagnent le jeune pour des périodes de temps très brèves, voire conditionnent l’accès à un tel contrat, de telle sorte que la grande partie des MNA ne peuvent en bénéficier. Ce manque d’accompagnement après le dix-huitième anniversaire des jeunes aboutit alors à des difficultés matérielles et une insertion professionnelle compromise. Si à sa majorité, l’ancien MNA se retrouve sans solution et en situation irrégulière, la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance aura été vaine alors même qu’elle représente un investissement humain, éducatif et financier important.“

Les rapporteurs sont convaincus que l’enjeu crucial d’une scolarisation rapide des MNA peut être relevé grâce à une pré-scolarisation des jeunes arrivés dans le département (et qui ne sont pas manifestement majeurs), une coordination accrue entre les départements et les services de l’État, et une meilleure anticipation par l’éducation nationale des besoins à venir en unité pédagogiques spécialisées.

Enfin, le projet d’accès à l’autonomie “est préparé en amont et en co-construction avec le jeune grâce à un entretien devant se tenir à 17 ans. Cette mesure mise en place par la loi du 14 mars 2016, inégalement appliquée à l’échelle du territoire, doit être effectivement mise en œuvre dans tous les départements“. Les sénateurs préconisent que les départements “accompagnent plus systématiquement les mineurs non accompagnés grâce aux contrats jeune majeur en maintenant cet accompagnement jusqu’à l’obtention du diplôme ou de la qualification professionnelle“.

Autre point du rapport, seuls 5 à 10 % de mineurs non accompagnés font l’objet de mesures pénales (15 % à Paris). La très grande majorité des faits de délinquance seraient plutôt le fait de “jeunes en errance“ qui “se caractérise par une vulnérabilité marquée, avec notamment des addictions fréquentes à des substances psychotropes illicites“, dont une proportion importante sont en réalité majeurs et ne sont le plus souvent pas pris en charge par l’ASE, ne s’inscrivent dans aucun parcours d’insertion, et qui proviennent principalement des pays d’Afrique du Nord. La part de ces jeunes en errance sur le total des mis en cause à Paris aurait plus que doublé entre 2016 et 2020 (de 3 à 7 %).

Selon les rapporteurs, “le constat est sans appel : les infractions commises sont de plus en plus nombreuses, graves et violentes“. Ils ajoutent que cette délinquance “ne concerne plus les seuls centres-villes des grandes communes mais tend à se propager aux communes périphériques. (…) Certains territoires ultra-marins sont particulièrement exposés au phénomène. C’est le cas de Mayotte où l’insuffisante prise en charge des publics concernés nourrit l’insécurité chronique sur le territoire.“

Les rapporteurs ont observé que l’organisation et les moyens des forces de l’ordre ne leur permettent pas de répondre à l’intensification de la délinquance liée aux jeunes en errance. S'en suivrait un sentiment de découragement, notamment en raison de la difficulté d'identification des jeunes interpellés “qui se heurte tant à l’utilisation de multiples alias de leur part qu’au refus systématique de se soumettre à la prise d’empreinte“, conduisant “à les considérer systématiquement comme des primo-délinquants“, et qui s’opposerait autant à la gradation de la réponse pénale qu’à la mise en place d’un accompagnement adapté et au long cours.

Les rapporteurs recommandent d’ouvrir l’accès aux forces de l’ordre aux données contenues dans le fichier AEM, la création d’un fichier national des mineurs non accompagnés délinquants et le renforcement des sanctions liées au refus de se soumettre au relevé d’empreintes ou au délit de fourniture d’une déclaration de minorité mensongère. Ils portent aussi l'idée d’accords consulaires avec les pays d’origine pour l’identification de ces jeunes ainsi que le recours plus systématique aux canaux de la coopération policière.

Les sénateurs expliquent par ailleurs que la mobilité accrue des jeunes en errance “nécessite une présence renforcée des services de la police et de la gendarmerie nationales dans les transports ainsi qu’une coopération accrue entre ces deux entités. Des actions devraient ainsi être engagées pour mettre en place des unités mixtes police/gendarmerie référentes qui appuieraient, lorsque cela est nécessaire, les équipes sur le terrain face à l’extension géographique du phénomène de délinquance“.

La synthèse du rapport ici

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