Les écrans nuisent-ils aux enfants ? Les certitudes manquent (E. Gentaz, revue de l'ANAE)
Paru dans Petite enfance, Périscolaire, Culture le mardi 28 septembre 2021.
"Nous manquons encore cruellement de données scientifiques concernant l'impact des écrans sur le développement des jeunes enfants", estime Edouard Gentaz (U. de Genève, CNRS) qui signe l'éditorial du dernier numéro de la revue ANAE. Il ajoute qu' "il n'existe pratiquement pas d'équipes de chercheurs en France qui examinent cette question", même si "de nombreux ouvrages, plus ou moins polémistes, rassurants ou alarmistes, ont été publiés", et si la question est sérieuse : "En France comme aux Etats-Unis, plus de 65 % des enfants de deux ans regardent la télévision quotidiennement, lui consacrant en moyenne plus de deux heures par jour."
Le chercheur évoque une méta-analyse publiée par la revue JAMA Pediatrics qui conclut qu'une exposition importante aux écrans "impacte négativement le développement du langage du jeune enfant", notamment lorsque le téléviseur est allumé en bruit de fond. "Cependant, des corrélations positives ont été trouvées entre le développement du langage et le co-visionnement, ainsi qu'avec les programmes pour enfants à visées éducatives". Une autre étude, publiée dans la Developmental Review, conclut à "un lien significatif entre le temps d'exposition aux écrans et le développement de troubles externalisés et attentionnels". Une étude publiée par l'Infant Mental Health Journal montre que les enfants dont les parents sont "très connectés" sont moins curieux et davantage introvertis de leur environnement que les enfants de parents "peu connectés". E. Gentaz évoque encore une étude de la Child Development qui souligne les effets négatifs de l'interruption des échanges entre un enfant et son parent parce que celui-ci répond à la sonnerie de son portable...
En attendant d'autres études, notamment en contexte francophone, "l'accompagnement parental semble indispensable" et "le co-visionnage semble être une solution raisonnable pour limiter (...) l'utilisation passive des écrans (...) tout en permettant de prendre en compte les contraintes familiales contemporaines". E. Gentaz cite aussi l'académie américaine de pédiatrie qui recommande "de proscrire toute exposition aux écrans" avant 18 mois, puis "de limiter le temps d'exposition au maximum" tout en "préconisant l'accompagnement parental au cours du visionnement".
L'éditiorial en libre accès ici. Le n° 173 de la revue est consacré à "l'efficacité en orthophonie" et l'un des articles montre que, dans ce domaine également, l'essentiel des donnéees "repose sur des travaux effectués auprès d'enfants anglophones" et que l'on peut "s'interroger sur la transposabilité des résultats à d'autres systèmes à base alphabétique comme le français".