Harcèlement scolaire et cyberharcèlement : la mission d'information souhaite davantage contraindre les réseaux sociaux au niveau européen (Sénat)
Paru dans Scolaire le vendredi 24 septembre 2021.
Le mercredi 15 septembre, ToutEduc rendait compte de la campagne de dénigrement et de cyber-harcèlement se propageant sur les réseaux sociaux envers les élèves de 6ème sous le hashtag #anti2010 (voir ici). La viralité et la rapidité de diffusion de ces messages ont conduit le ministre de l'Education à réagir en envoyant une lettre aux chefs d'établissements et en communiquant par le biais d'une vidéo. Sur LCI (voir ici), il a de plus déclaré que “Tiktok a supprimé les messages avec le hasthag anti-2010. (…) Ce n'est pas normal que ce soit le ministre qui soit obligé d'intervenir là-dessus, les choses doivent être faites en amont“ et il a convoqué les responsables des plateformes lundi 27 septembre à 16h.
Cette actualité est au cœur du travail effectué par la mission d'information sénatriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, qui rendait son rapport hier 23 septembre. Selon sa rapporteure, “le harcèlement scolaire est un drame individuel mais aussi collectif“, dont les chiffres sont éloquents : 6 à 10 % des élèves subiraient une forme de harcèlement, pour un total de 800 000 à 1 million d'enfants victimes de harcèlement scolaire chaque année. De plus, ajoute-t-elle, “les réseaux sociaux en démultiplient les conséquences dramatiques“, avec 1/4 des collégiens, principalement des jeunes filles, qui auraient été victimes de cyberharcèlement.
Face à ce “fléau qui, surtout dans sa dimension cyber, porte atteinte au vivre-ensemble“, 35 mesures sont ainsi préconisées par les 23 membres de la mission, avec la “volonté d'accélérer la prise de conscience et d'une mise en place de nouvelles réponses“, précise Colette Mélot. En effet, même si les pouvoirs publics ont pris la mesure du phénomène depuis 10 ans et tentent d'éradiquer le phénomène, la sénatrice considère que “la panoplie des outils est paradoxalement trop étendue“, et que “beaucoup sont inconnus ou insuffisamment utilisés“, "l'arsenal juridique (est) insuffisamment défini face au harcèlement“.
A l'aube de la présidence française de l'Union européenne (janvier 2022), la recommandation 34 du rapport souhaite que la lutte contre le cyberharcèlement en soit une de ses priorités. Aussi, et à défaut de pouvoir les contraindre sur la scène nationale, la mission propose d'organiser régulièrement des stress-tests adaptés aux réseaux sociaux pour vérifier que les objectifs assignés en matière de suppression des contenus litigieux sont bien atteints (recommandation 16), et de promouvoir l'instauration d'un name and shame pour les inciter à “être véritablement moteurs dans la lutte contre le cyberharcèlement scolaire“ (recommandation 17).
A l'échelle du pays, la mission souhaite faire de la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement une grande cause nationale dès 2022/2023, avec la mobilisation de tous les acteurs, à commencer par les personnels de l'éducation. Le rapport recommande d'intégrer dans la formation initiale et continue des enseignants une sensibilisation à l'empathie et à la détection des situations de harcèlement. 65 % des enseignants s'estimeraient mal armés face au harcèlement, du fait d'un manque de formation, de difficultés à le détecter ou d'une abscence de soutien de la hiérarchie.
Colette Mélot indique qu'elle souhaiterait qu' “idéalement tous les adultes qui concourent à la vie de l'enfant puissent être formés“, mais trouve l'idée difficile à mettre en œuvre car les personnels ne sont pas tous issus de la même tutelle et “cela demande beaucoup de temps et de moyens pour le faire“.
Concernant les élèves, ils pourraient notamment être impliqués dans la rédaction du règlement intérieur de l'école. Le sénateur Hussein Bourgi, un des membres de la mission, est intervenu pour souligner qu'éloigner un élève harcelé de son collège n'est pas la solution, car il se retrouve parfois l'année d'après dans le même lycée que son harceleur. La recommandation 30 du rapport a pour objet de développer le recours aux stages pour les personnes condamnées, ainsi que les TIG traitant spécifiquement de ces questions pour les enfants harceleurs.
En outre, selon lui, “il y a une responsabilité toute particulière des parents qui achètent et offrent le téléphone“, et il pense qu'un tel achat doit s'accompagner d'une pédagogie et d'une éducation face aux risques que représente le cyberharcèlement. Pour la sénatrice Colette Mélot, “les parents doivent être informés tant sur le plan de la conduite des enfants à avoir que sur ce qu'ils encourent“.
Au niveau de l'institution enfin, le rapport propose de mesurer précisément par cycle scolaire et par région l'ampleur du harcèlement scolaire, et de faire remonter au niveau de l'académie les faits de harcèlement. Colette Mélot regrette à ce propos qu'au niveau scolaire, “les sanctions ne sont pas adaptées, la plupart du temps il n'y a pas de déclaration faite par les établissements, on essaie de trouver un moyen de faire de la médiation, on a peur que cela se sache or il y a du harcèlement dans tous les établissements scolaire ! Il faut se préoccuper du harceleur et de la victime, il ne faut pas que les établissements scolaires fonctionnent en vase clos, il faut qu'ils en parlent à la justice, que la communauté agisse autour de tous ces problèmes.“
Différentes actions d'information et de communication sont également prévues, de la diffusion d'un flyer à l'inscription de numéros d'appel dans les cahiers de correspondance en passant par une contrainte de diffusion de vidéos de sensibilisation par les réseaux sociaux. La sénatrice indique enfin que la généralisation du programme pHARe (voir ici), expérimenté dans 6 académies, même si il n'a fait l'objet d' “aucun retour pour l'instant“, doit être suivie avec une grande attention.
Un grand débat doit se tenir le jeudi 7 octobre au Sénat.