Des métiers nécessaires, mais pas reconnus.. les personnels de l'éducation ont rejoint "le back-office de la société" (UNSA - éducation)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 16 septembre 2021.
La proportion des personnels de l'éducation qui recommanderaient à un proche d'exercer leur métier a baissé d'au moins dix points depuis 2013, et est passée sous la barre des 50 % pour tous les métiers. De même l'adhésion aux choix politiques diminue, une diminution qui "s'accélère depuis 2019". La demande de formation "devient moins prioritaire", ce qui "semble accompagner la perte de sens des métiers" ...
L'UNSA éducation organisait hier 15 septembre une table ronde pour les responsables de la fédération qui se demandaient si le bien-être des enseignants contribuait à la réussite des élèves. A cette occasion, Denis Adam (Centre de recherche et d’histoire sociale de l’UNSA Education) a présenté les principaux résultats d'une analyse des différentes éditions, depuis 2013, du "baromètre annuel" que publie chaque année l'organisation syndicale.
L'étude "met en évidence des nuances et parfois de réelles différences entre les métiers". Les enseignants, CPE et PsyEN attendent "une meilleure reconnaissance de leur métier accompagnée d’une revalorisation financière" et ils sont "fortement" déçus. Les personnels de direction (2nd degré) sont "passionnés par leur métier", mais "souffrent d’une perte progressive de sens dans leurs missions" et subissent "des pressions sans qu’elles soient compensées par des satisfactions professionnelles". Les personnels administratifs "voient leurs conditions de travail se transformer et se détériorer". "L’incapacité de l’Éducation nationale à endiguer la pénurie de médecins scolaires conduit les infirmièr·es à une multiplication de leurs missions alors que leur travail est insuffisamment reconnu"...
L'étude révèle aussi d'autres différences. Les moins de 35 ans recommanderaient davantage leur métier que les 55 ans et plus, mais ils sont "moins en accord avec les choix politiques faits" et se sentent moins reconnus que leurs aînés. Les femmes sont plus heureuses de pratiquer leur métier mais sont moins satisfaites des conditions de travail. Quant à la santé et au bien-être au travail, ce "sont les thèmes qui progressent fortement tout au long des 8 années du baromètre pour tous les métiers, même s'ils sont davantage mis en avant par jeunes et les femmes".
Denis Maillard (Fondation Jean Jaurès), se demande dans quelle entreprise les cadres ne seraient pas déstabilisés s'ils changeaient aussi souvent de PDG, de cadres dirigeants et de plan stratégique. Eric Charbonnier (OCDE), interrogé sur la notion même de réussite des élèves, indique que l'OCDE commence à ajouter à ses indicateurs l'épanouissement et l'acquisition des compétences nécessaires au xxième siècle, il souligne l'importance de l'interdisciplinarité, de la coopération, il fait remarquer que la Finlande a confié la formation des enseignants à l'Université pour développer la place de la recherche en éducation, mais que "c'est un échec en France", où les débats se posent plus souvent en termes quantitatifs que qualitatifs.
Bien évidemment, pour l'UNSA, l'augmentation des salaires est un des leviers sur lesquels agir pour améliorer le bien-être des enseignants, ce qui aurait un effet pour une meilleure qualité de l'éducation, mais à condition de jouer sur d'autres leviers, lutter contre l'usure et la démotivation de personnels pour lesquels on a trop souvent misé sur la "vocation", qui sont amenés à douter de leurs compétences, et qui perdent le contact avec les finalités même de leur action. Il faut "faire appel à des leviers intrinsèques", à leur "capacité à s'émerveiller". Or les personnels de l'éducation ont rejoint "le back office de la société", ces métiers dont la crise sanitaire a mis en évidence la nécessité, mais qui n'ont pas reçu pour autant davantage de considération.