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"Pour une nouvelle Ecole Primaire" (une tribune de G. Fotinos)

Paru dans Scolaire le lundi 23 août 2021.

Georges Fotinos*, auteur de plusieurs études nationales sur les directeurs des écoles maternelles et élémentaires et sur le climat scolaire des écoles primaires, adresse à ToutEduc cette note, "Pour une nouvelle Ecole primaire, L’ETABLISSEMENT PUBLIC DU 1ER DEGRE", que nous publions bien volontiers. Selon la formule traditionnelle, les opinions exprimées n'engagent que leur auteur.

Depuis plus de 20 ans pour lutter contre la perte régulière de l’efficience globale de notre système éducatif mesurée par des enquêtes internationales mais aussi nationales, plusieurs décisions politiques étayées par des travaux scientifiques et des rapports institutionnels ont été axées sur la nécessité de concevoir une autre organisation de la base de notre système éducatif : l’Ecole Primaire.

Cette orientation bien qu’inscrite dans des lois, propositions de loi et rapports de missions parlementaires reposant principalement sur des rapports ministériels n’a jamais pu être mise en œuvre par défaut de consensus auprès d’une majorité d’acteurs , partenaires et usagers de l’école .

La crise éducative provoquée par le Covid 19 et ses conséquences alliées à une forte prise de conscience de la nécessité d’une responsabilisation et participation citoyennes inscrites dans une dynamique de déconcentration générale n’a pas de meilleure traduction rapide pour notre école (et sa communauté éducative) que la mise en œuvre de son autonomie statutaire.

Moment particulièrement propice et unique qui réunit actuellement dans ce cadre général porteur : les collectivités territoriales, les syndicats des personnels du 1er degré réformistes, des partenaires et usagers de l’école.   

UN LONG ET CHAOTIQUE CHEMINEMENT

Etonnamment on note que le « statut » de l’école primaire publique est quasiment inchangé depuis la loi Guizot de 1833 qui dispose que l’école est « organiquement incluse dans la structure communale et entièrement placée sous sa dépendance ». L’école n’a aucune autonomie administrative ni financière et est pilotée de l’extérieur. La loi de décentralisation de juillet 1983 n’a eu que très peu d’impact sur la répartition des compétences entre communes et Etat. Ce dernier conserve la maîtrise des responsabilités régaliennes « la définition des contenus et de l’organisation éducative et la charge de la rémunération du personnel dont il assure la gestion » 

Les dates qui suivent marquent les « tentatives » pour faire évoluer ce « statut » en regard d’un objectif, améliorer le fonctionnement du système scolaire pour développer le bien-être et la réussite des élèves

→En 1998 le ministre de l’Education nationale, de la recherche et de la technologie demande au recteur Claude Pair un rapport sur « Rénovation du service public de l’Education nationale : responsabilité et démocratie ». L’objectif visé est « pour que l’Education nationale rende un meilleur service il est nécessaire d’en améliorer le fonctionnement et pour cela d’adapter son organisation »

Pour ce faire le rapporteur préconise de :

- Réunir les écoles trop petites dans des regroupement pédagogique ayant le statut d’école

- Créer des Etablissements du 1er degré rassemblant les écoles qui appartiennent au secteur du collège et ayant des fonctions pédagogiques, administratives, gestionnaires, de partage des ressources, de participation démocratiques, de relations avec l’enseignement du second degré, de l’environnement culturel

En 2004 l’article 86 (confirmé par le conseil constitutionnel) de la loi relative aux libertés et responsabilités locales introduit un changement majeur. L’Etat peut créer exceptionnellement des établissements publics d’enseignement primaire (EPEP) dont la propriété est transférée de plein droit à la collectivité territoriale compétente. La voie de mise en œuvre choisie est l’expérimentation à l’initiative d’une commune ou d’une coopération communale sur une durée de 5 ans. A noter que son décret d’application bien que modifié après consultations n’a jamais été publié. La majorité des syndicats de personnels exerçant dans le 1er degré était fortement opposée à ce projet considérant cette mesure comme « un transfert du pouvoir éducatif aux communes »

En 2008 une proposition de loi relative à la création des établissements publics d’enseignement primaire rouvre le dossier en proposant d’aligner le statut des EPEP sur celui des EPLE en introduisant une automaticité de création au-delà de 10 classes . Au regard de l’opposition quasi générale des maires pour qui cette réforme avait pour conséquence « la perte du bien vivre de proximité des élèves, des problèmes d’organisation et de financement des transports scolaires, le développement de la désertification des villages, l’accentuation de la concurrence avec l’école privée » ce texte n’a donné lieu à aucune suite .

En 2015 le rapport demandé par le ministre de l’Education nationale à l’IGEN/IGAEN sur « Pilotage et fonctionnement de la circonscription du 1er degré » préconise dans un scénario la disparition des circonscriptions avec réforme du statut juridique des Ecoles.

Deux organisations possibles sont présentées ;

-La création d’un établissement public du socle commun (EPSC) « pour une continuité pédagogique affirmée ». Le nouvel établissement comprend un Collège et les Ecoles élémentaires et maternelles de son secteur. Il est dirigé par un Principal assisté d’adjoint(s) dont un pour le 1er degré

-La création d’un établissement public du 1er degré (EPEP) entité ou groupe d’écoles doté d’un CA qui élabore un projet, possède une autonomie budgétaire et d’utilisation des moyens ; un directeur devenu chef d’établissement exercerait des fonctions pédagogiques et administratives.

→Enfin en 2019 un amendement présenté par quatre députés insère dans la loi sur l’Ecole de la confiance la création des « établissements publics des savoirs fondamentaux » (EPSF). Ces derniers regroupent les classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles situées dans le même bassin de vie. Le regroupement des écoles est décidé par les préfets et les collectivités locales . L’EPSF est dirigé par un principal de collège accompagné d’un directeur qui soit un « Perdir » ex PE pour les écoles.

Pour clore ce chapitre et résumer cette « évolution » Xavier Darcos ministre de l’Education nationale lors de son audition devant la Commission Culturelle du Sénat en Juillet 2008 déclarait « J’espère pouvoir dans le 1er trimestre qui arrive faire faire une avancée considérable sur la question de l’Etablissement du 1er degré. Pour ne pas dire une avancée définitive. »

UN CONTEXTE INEDIT ET FAVORABLE

En effet on remarque à travers cette diachronie mais aussi en prenant en compte les impacts récents de la pandémie sur le fonctionnement de nos écoles que, désormais, plusieurs obstacles et oppositions à la réorganisation de l’Ecole primaire ont été levés.

Il s’agit d’abord de la prise de conscience générale par la communauté éducative de l’importance de l’école et de la nécessité de développer son identité avec l’aide et le soutien des usagers et partenaires locaux. Vu sous un angle institutionnel, recentrer le système éducatif sur l’Ecole et l’Etablissement et remplacer l’organisation pyramidale nationale par une systémique horizontale territoriale.

Pour ce faire les différentes enquêtes récemment menées et publications professionnelles indiquent que des acteurs et partenaires de l’école hier encore réticents pour un véritable statut de l’école ont un positionnement plus positif.

Pour une bonne part ils considèrent que cette crise a fait évoluer leur pratiques éducatives sous la pression d’une responsabilisation accrue et a introduit pour faire face à la contingence quotidienne des « imprévus » la nécessité de créer et d’innover.

D’autre part il faut noter que cette situation anxiogène a considérablement amélioré les rapports Ecole/Famille , crée une solidarité professionnelle, et fortifié le sentiment d’appartenance à l’école pour la très grande majorité de ses acteurs, usagers et partenaires.

Quant à l’évolution du positionnement des collectivités locales (voir « En 2008… ») les débats du Sénat sur le statut de directeur d’école et l’audition par ce même Sénat de l’AMF sur « le devenir de l’école de proximité » montrent un possible qui soit  « dans un cadre de changement qui préserve l’école de proximité dans un maillage territorial réaliste et non concentré ».

In fine deux avancées déterminantes d’origine institutionnelle participent à la création de ce contexte favorable.

-La première d’initiative parlementaire concerne la reconnaissance par la loi de « l’autorité fonctionnelle » du directeur d’école et d’une formation professionnelle adéquate pour l’exercer,  mesures soutenue par les syndicats réformistes des personnels du 1er degré.

-La seconde d’origine ministérielle qui généralise l’autoévaluation des Etablissements/Ecole sous l’autorité du HCEE (Haut comité d’évaluation de l’Ecole)

A noter pour compléter ce cadre la manifestation d’intérêt portée par les syndicats réformistes à ces avancées ainsi que leurs demandes insistantes et récemment renouvelées de la création d’un Etablissement du premier degré (conférences de presse, dépêches, publications) 

Un sondage réalisé par l’IFOP pour le SE/UNSA en mars 2021 auprès des directeurs d’école indique que pour ces derniers l’évolution pour l’avenir de l’école passe en priorité (sur 4 questions) « par une évolution du statut de l’école vers un établissement du premier degré pour renforcer son autonomie sans faire du directeur le supérieur hiérarchique ».  

POURQUOI UN ETABLISSEMENT PUBLIC DU 1ER DEGRE

Tous les exemples nationaux et internationaux montrent que l’AUTONOMIE de l’Ecole apporte -dans le respect des principes directeurs et des valeurs républicaines du système éducatif national -, tant pour les enseignants que pour les élèves les moyens pour améliorer la réussite et le bien être scolaire. Les micro-exemples que sont les écoles fonctionnant sur les modèles de mouvements pédagogiques complémentaires de l’école publique en apportent une preuve.

Un relevé sommaire de quelques points situant l’intérêt de donner un statut à l’école c’est-à-dire de donner à l’école la capacité administrative, juridique et financière d’un établissement public :

∗ permettre les initiatives, promouvoir le pouvoir de créer et d’innover  « aujourd’hui la plupart des projets s’épuisent dans un labyrinthe administratif ou se voient trop souvent bloqués »

∗pouvoir répondre dans l’urgence aux spécificités locales des élèves et des familles
∗permettre aux personnels d’être les moteurs du changement 
∗laisser les enseignants penser leur métier dans une dynamique collective

∗donner à l’école une identité et un pouvoir reconnus et légitimes
∗devenir un acteur majeur dans les projets éducatifs locaux
∗pouvoir créer une formation continue de terrain à la demande de ses acteurs.

∗créer la base même d’une véritable auto-évaluation 
∗renforcer la cohérence entre scolaire, périscolaire et extra-scolaire

∗faire de l’école le lieu privilégié de rencontres et de la pratique républicaine du vivre ensemble local

CONCLUSION / SYNTHESE

Au regard des tentatives régulières depuis plusieurs décennies de donner un statut à l’école primaire, des impacts de la crise actuelle sur les personnels, usagers et partenaires de l’école et de l’évolution récente du positionnement de certains responsables de notre système éducatif il nous semble possible d’esquisser quelques pistes sommaires pouvant conduire à une nouvelle étape d’évolution de l’organisation de notre Ecole.
Dans le cadre d’une expérimentation prenant en compte différents modèles d’implantation (géographiques, sociales, économiques, d’organisations structurelles...) et de l’existence de l’intercommunalité scolaire :

→Création d’un Etablissement Public du 1er degré.
Cet établissement dans la plénitude de ses droits et obligations publics serait composé selon un seuil soit d’une Ecole primaire soit par les Ecoles de la circonscription primaire avec à sa tête un directeur (formé pour cette responsabilité). Chacune des école composant cet établissement garderait son directeur ou faisant fonction. Cette configuration assurerait le lien avec le collège sans dépendance et devrait convenir aux maires.

→Son conseil d’administration présidé par le directeur de l’établissement composé évidemment des représentants des personnels, de la commune où des communes et des parents pourrait intégrer des représentant des associations périscolaires, de certaines administrations départementales (ASE...) et régionales (DRAC…), de l’Université/Inspé ainsi que des personnalités qualifiées

→La gestion financière pourrait être assurée par le receveur municipal assurant la fonction de comptable de l’Etablissement public du 1er degré (à l’exemple du fonctionnement de la Caisse des écoles) ou par convention avec la collectivité locale par la mise à disposition d’un comptable assurant les fonctions d’agent comptable de l’établissement

→Les missions des IEN (inspecteurs de l’Education nationale, ndlr) de circonscription devraient évoluer et se concentrer sur l’Etablissement en privilégiant deux axes d’action : l’aide, le soutien, la formation pédagogique et l’autoévaluation (établissement, personnels, élèves). Ce changement peut s’inscrire dans un statut professionnel de personnel d’encadrement qui serait composé de 3 métiers (chef/directeur d’établissement, ingénieur conseil, évaluateur). Proposition accueillie favorablement et publiquement par 2 syndicats majoritaires de ces personnels (voir rapport Fotinos/Horenstein : le Moral des Personnels de Direction ; 2017, voir ToutEduc ici http://www.touteduc.fr/fr/archives/id-14218-l-autonomie-des-etablissements-redonnera-t-elle-le-moral-aux-personnels-de-direction-suite-de-l-enquete-de-georges-fotinos-et-jose-mario-horenstein-).

→Création d’un Comité des usagers composé de représentants d’associations et d’habitants du/des quartiers de/des écoles  (ces derniers élus). Lien avec le CA (pouvoir consultatif et de saisine, mais aussi de médiation).
In fine cette réforme majeure qui vise à construire un nouveau cycle vertueux de réussite pour l’école française et à ancrer de façon pérenne une politique ambitieuse d’aménagement du territoire, a vocation à être accompagnée de moyens en personnels- à définir-, tout en permettant les mutualisations et en donnant des perspectives de carrière tant aux enseignants qu’aux personnels des collectivités.

*Georges Fotinos, ancien chargé d’Inspection générale (Etablissement et Vie scolaire), vice-président de l’Observatoire des rythmes et temps de vie des enfants et des jeune, docteur en Géographie

Etudes sur le 1er degré

♦ Le climat scolaire à l’école primaire. Georges Fotinos, 
Etat des lieux-Analyse-Propositions (Mgen/Maif, 2006)
 Préface Philippe Meirieu . Tirage 35 000ex diffusés aux directeurs d’école
♦ L’état des relations Ecole-Parents, 
Entre méfiance, défiance et bienveillance. Georges Fotinos
, Une enquête quantitative auprès des directeurs (trices) d’école maternelle et élémentaire
, Casden/Espé Lyon/Université Lyon1/UNIRéS (12 000 ex diffusés aux directeurs d’école, 2013).
♦Le Moral des Directeurs d’école. Georges Fotinos et José-Mario Horenstein 
Qualité de vie au travail, burnout, avenir professionnel 
« Un levier majeur pour la réussite de l’école » (Casden, 2015) 
Tirage 35000 ex diffusés aux directeurs d’école
♦Les Impacts de la crise Covid 19 sur les Directeurs d’école de Paris 
Georges Fotinos et José Mario Horentein (Ville de Paris/Casden, 2020) 
Diffusion numérique à tous les directeurs d’ecole publique de Paris

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