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L'exemple gitan : approches linguistiques et didactiques pour une réussite de tous les enfants à l'école (ouvrage)

Paru dans Scolaire le vendredi 25 juin 2021.

“Trouver une raison intrinsèque à la culture gitane dite orale permet, bien entendu, de disculper l'école et l'institution scolaire à propos d'un éventuel échec scolaire de ces élèves. (..) Il est inutile de se voiler la face. Il n'y a pas d'autres raisons valables que la situation socio-économique des quartiers, résultat des politiques de la ville de ces 40 dernières années en France.“ Voici un exemple des commentaires qu'émet un collectif d'universitaires dans un ouvrage destiné à “aider les enfants des communautés gitanes à réussir scolairement“.

A travers une étude ethnographique centrée sur l'enfant, menée pendant une année dans deux grandes villes du sud de la France (dont Perpignan), Nathalie Auger, professeure des universités en sciences du langage à l'Université Paul Valéry - Montpellier III, et son équipe analysent la langue des familles gitanes, les discours produits par leurs enfants à l'école et leurs interactions avec les enseignants.

Pour fonder cette analyse “linguistique“, les chercheurs remontent l'histoire des différentes branches de communautés Rom qui trouvent leur origine dans le Nord de l'Inde. Des communautés déportées et exclues depuis le XIeme siècle, de l'Inde vers l'Europe. Celles qui sont étudiées aujourd'hui ont eu la particularité, en s'implantant dans la région du Roussillon, de voguer des deux côtés des Pyrénées (française et espagnole) selon le travail saisonnier.

Dans les quartiers où ils vivent aujourd'hui, les plus paupérisés de France, le taux de pauvreté dépasserait 55% selon l'INSEE, le taux de chômage serait de l'ordre de 92% et la réussite scolaire inatteignable. “Le rapport annuel des inspections générales 2009 fait le constat de l'échec massif des enfants de famille gitane et signale des actions qui ne s'inscrivent pas dans la durée“ ajoutent les universitaires, qui se demandent quelles approches linguistiques et didactiques mettre en avant pour que l'école puisse inclure tous les enfants.

La langue des gitans est le catalan roussillonnais. La communauté gitane l'appelle le “gitan“, vocable dont la représentation donnée est celle d'une langue qui a le même nom que celui de la population, “ce qui renforce la communauté dans sa cohésion“ précisent les auteurs, même s'il existe une “représentation négative des personnes extérieures“. Elle peut apparaître ainsi moins légitime, moins valable ou sérieuse et être dévalorisée car mal définie, or pour les chercheurs cela s'avère “crucial si du point de vue des apprentissages scolaires on vise à utiliser les ressources langagières des élèves afin de les soutenir dans l'apprentissage du français et des diverses matières scolaires“.

Pourtant, les chercheurs notent une alternance des langues de façon courante sur les lieux d'accueil parents-enfants, une attitude décrite comme très majoritaire dans le cas de situations bilingues. Mais il apparaît que “certains enseignants ont encore du mal à s'imaginer que l'enseignement du français comme langue seconde puisse construire des compétences linguistiques à partir d'une langue autre que celle de l'école. Il est certain que la langue des gitans fait l'objet d'une réception ambigüe qui rend cette conception didactique difficilement envisageable.“

S'il semble que dans la culture gitane, l'oral est sacralisé, l'écrit, qui peut représenter une forme d'insécurité (notamment pour les parents), est très présent dans leur utilisation du numérique via des sites internet ou des blogs, dans lesquels ils mélangent et alternent les langues.

“Les différences entre culture gitane et culture scolaire sont tangibles et complexes : horaires et rythmes scolaires, rapport à l'apprentissage et aux savoirs... s'ajoutent à la question de la place de l'écrit. Les enfants doivent s'adapter aux réalités des deux mondes, ce qui n'est pas chose aisée car seule l'école de la République prévaut“ : ainsi, “il existe bien une culture de l'écrit“ chez les gitans, exposent les chercheurs. En étudiant les évaluations nationales d'un groupe d'élèves de CE1 en français, ils concluent même que “les élèves gitans réussissent mieux que leurs camarades non gitans à niveau socio-économique égal“. Par la suite, ils étudient les erreurs ou la graphie propres aux mots de rédactions et de dictées d'élèves de CM2 pour reconnaître la nature des difficultés à l'écrit, et procéder ainsi à une “démystification d'un bon nombre d'idées reçues“ quant aux difficultés réelles des élèves.

Des pistes pédagogiques sont ensuite proposées, les chercheurs expliquant que “les enjeux pour la réussite scolaire des élèves gitans sont d'ordre divers mais interreliés : mise en place d'une pédagogie à la tâche, lien entre pratiques orales et écrites, prise de conscience et travail de la variabilité intra et inter-langues“.

“Le public gitan est depuis longtemps montré du doigt comme étant un public à la marge, difficile à scolariser“, ce que les chercheurs traitent en abordant le sujet de l'absentéisme, très présent chez les gitans (jusqu'à 75% des élèves). Il est en effet plus dur de faire progresser un élève s'il est absent, ce qui amène les chercheurs à la considération didactique selon laquelle “la pédagogie différenciée (modification de la manière d'enseigner pour s'adapter aux élèves, ndlr), préconisée par les instructions officielles de l'Education nationale, est donc plus que jamais d'actualité dans cette situation. (..) On peut suggérer qu'une approche par unités d'apprentissage sous forme de séances autonomes permettrait de se libérer d'un renvoi permanent aux séances précédentes."

Enfants gitans à l'école et en famille, ENS éditions, 263p, 17€.

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