Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Cyberharcèlement : auditionnés au Sénat, les réseaux sociaux restent réticents à la fin de l'anonymisation des profils

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice le jeudi 24 juin 2021.

“Parfois les utilisateurs n'ont pas conscience d'être dans une situation de harcèlement en ligne, c'est tout a fait vrai, la définition n'est pas forcément connue et comprise“ expliquait Sarah Khemis, responsable affaires publiques et relations institutionnelles du réseau social TikTok lors d'une audition au Sénat mercredi 23 juin.

Comme elle, des représentants d'Instagram, propriété de Facebook, et de Snapchat (Twitter n'était pas présent) ont participé à la mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Sa présidente, Sabine Van Heghe considère qu'il est “indispensable d'agir immédiatement“ car selon elle le cyberharcèlement, ce “tsunami de haine et de violence“ tend à se disséminer, et ne s’arrête plus aux portes de l'école, via notamment les messageries privées.

Menaces, insultes, piratage, chantage... Face aux problèmes liés au cyberharcèlement, pendant une première heure très consensuelle les représentants des réseaux sociaux présents ont décliné leurs outils de prévention, d'intervention, à l'instar de Magalie Tuffier (directrice des politiques publiques d’Instagram France) qui évoque les CGU (conditions générales d'utilisations, informations obligatoires figurant lors de l'inscription sur un réseau social, ndlr) où “le cyberharcèlement est explicitement mentionné, il est interdit, ce n'est pas toléré car cela ne met pas les utilisateurs en confiance“. Beaucoup de moyens auraient été investis dans la modération (35 000 personnes dans le monde feraient partie d'équipes de sécurité chez Facebook), avec pour ce faire un mélange d'intelligence artificielle et de modération humaine. Jean Gioné, directeur des politiques publiques de Snapchat, assure lui que “dès qu'il y a connaissance d'un contenu illicite nous le retirons“ et sa collègue Sarah Bouchahoua parle d'un “agissement des modérateurs en moins de deux heures“.

Les interventions des sénateurs Jacqueline Eustache-Brinio, de Toine Bourrat et de Hussein Bourgi ont ensuite permis de traiter plus en profondeur les sujets de l'anonymat, de la responsabilité des différents acteurs, ou encore de l'inscription de mineurs sur ces réseaux. Concernant le débat sur l'âge d'inscription sur les réseaux sociaux, la sénatrice Micheline Jacques a évoqué “des enfants de 8-9 ans qui ont des profils Facebook mis en ligne par leurs parents qui ont menti“ lors de leur inscription. Pour Magalie Truffier, de Facebook il n'est “pas normal“ qu'il y ait usurpation d'identité. Tous les représentants ont rappelé l'âge légal de 13 ans pour s'inscrire sur leur application.

Au sujet des problèmes liés l'anonymat, Jean Gonié de Snapchat a évoqué l'expérience du Royaume-Uni, où deux systèmes ont été testés, l'un avec carte bancaire, l'autre où il fallait utiliser sa carte d'identité pour créer un compte. Selon lui, “les anglais ont montré que c'était un vrai échec, le gouvernement britannique avait lancé une mission sur le sujet et ils sont arrivés à la même conclusion“. Sa consoeur Sarah Bouchahoua complète ce propos : “sur la transmission des cartes d'identité c'est une question très sensible, au niveau européen on est en train d'en parler, parce qu'il y a la question de la cybersécurité et la question de l'harmonisation“. Pour Magalie Tuffier d'Instagram/Facebook, “la carte d'identité, c'est une question de vie privée, on ne pourrait pas la demander parce que cela inclut trop d'informations personnelles“. Sarah Bouchahoua y voit également plusieurs problèmes. “Imaginons, dit-elle, que je prenne l'identité de ma mère et que je m'inscrive avec. Il y a aussi la question de la cybersécurité avec toutes les ingérences étrangères et les risques de cyberattaque, c'est assez compliqué“.

“Ce sont 1% des contenus qui posent problème“, estime Eric Garandeau, directeur des politiques publiques de TikTok France, assurant qu'il dialogue avec la CNIL et se veut très attentif à ses recommandations, tout en menant de nombreuses actions de prévention (dont une avec Jean-Michel Blanquer). Comme tous les réseaux sociaux, TikTok est partenaire d'e-enfance et travaille en partenariat avec les autorités via des plateformes comme Pharos (permettant de signaler des contenus abusifs, ndlr). Il ajoute que 92% vidéos sont supprimées avant leur signalement, et 83% avant d'avoir été visionnées une fois. Le sénateur Hussein Bourgi évoque lui les conséquences concrètes qu'il voit au quotidien, au contraire de ce qu'il nomme des “opérations marketing". Il souligne la responsabilité partagée que prône chacun des acteurs (école, état, parents) mais signifie n'avoir pas beaucoup entendu parler de celle des réseaux sociaux : “Je ne voudrais pas que toute la société sous-traite ses problèmes à l'Education Nationale, elle ne doit pas tout faire à la place de la société et des parents“, ajoute-t-il.

Jean Gonié (Snapchat) considère que les réseaux sociaux n'ont pas le même fonctionnement et ne peuvent être comparés. Il estime que le danger sur certains réseaux vient de “critères de vanité, une sorte de course à l'échalote en ligne où se multiplient les commentaires et likes, chacun voulant avoir son quart d'heure de célébrité à la Warhol. Il y a quelque chose de très important lié à l'économie de l'attention, c'est pour ça que chez Snapchat il n'y a pas de commentaires“. Ainsi, selon lui, “la viralité et le critère de vanité sont des choses qui font que parfois le cyberharcèlement peut être décuplé et très dangereux“. Il considère que le problème de fond vient de la massification des contenus.

Sarah Khemis assure organiser sur TikTok des mises en situation pour se rendre compte des problèmes liés au cyberharcèlement, et sur la réaction à adopter (que faire, qui alerter), Magalie Tuffier explique avoir développé sur Instagram trois outils “assez pionniers et concrets“ (restriction pour les harceleurs, avertissement par IA, filtrage des contenus par mots-clés), pourtant, pour la sénatrice Sabine Drexler, “les dégâts vont crescendo, il faudrait vraiment agir en amont car même si un contenu peut être supprimé, le mal est déjà fait“.

Tous les réseaux sociaux ont mis en avant l'éducation nécessaire des enfants et des parents. Pour Jean Gonié de Snapchat, “les parents doivent être présents à l'ouverture du compte“. Il estime qu'ils ont un rôle à jouer et ne le jouent pas. “Nous essayons de trouver le bon équilibre entre sécurité et autonomie, ça explique qu'on ne peut pas non plus être trop intrusif“, estime Eric Garandeau, de TikTok, qui ajoute : “Nous avons conscience que rien n'est jamais parfait, il existe toujours des astuces de la part d'utilisateurs pour contourner les règles, ils jouent au jeu du chat et de la souris, nous sommes dans l'amélioration constante des procédures et techniques pour être toujours plus efficaces."

Jean Gonié souligne que ce débat représente un moment-clé, qu'il est nécessaire de se poser ces questions, mais il ne voit “pas assez d'ambition“ dans la route prise à Bruxelles (au niveau des règlementations, ndlr). Selon lui, “c'est assez cosmétique, il faut aller beaucoup plus loin. Ce n'est pas parce qu'on demande à une plateforme de mettre en place des pare-feus, de faire des audits que l'outil va changer profondément. L'outil ne changera pas.“

Prochaine étape de la mission d'information, l'audition d'influenceurs mercredi 30 juin.

La vidéo ici

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →