Archives » Recherches et publications

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Soins de santé de l'enfant : à l'école et dans les PMI, des métiers peu attractifs (IGAS)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Justice le mercredi 23 juin 2021.

“Un panorama des professionnels de santé de l’enfant qui se révèle préoccupant“ expose l'IGAS dès les premiers éléments de sa mission portant sur la pédiatrie et l’organisation des soins de santé de l’enfant en France.

Rendu public à la mi-juin, ce rapport de l'inspection générale des affaires sociales fait état d'une situation qualifiée de difficile, avec un recul démographique important de la pédiatrie libérale (8 départements connaissent une densité inférieure à un pédiatre pour 100 000 habitants), et où “l’âge moyen des pédiatres libéraux laisse présager une aggravation de la situation puisque 44% d’entre eux ont plus de 60 ans". Celui-ci soulève ainsi la “question majeure d’accès aux soins pédiatriques pour certaines populations“, un enjeu “renforcé par la contraction des effectifs médicaux de la PMI et de la médecine scolaire, dont le rôle préventif est essentiel, en particulier auprès des plus précaires“.

Mais quel est l'état de santé des enfants ? Selon l'IGAS, “sur une longue période, l’état de santé des enfants s’est considérablement amélioré en France et dans les pays de l’OCDE. Ainsi, certaines infections autrefois courantes, ajoute-t-elle, telles que la poliomyélite, certaines méningites ou la rougeole ont quasiment ou totalement disparu grâce à la vaccination. Et d'ajouter que “l’Académie américaine de pédiatrie a récemment classé parmi les progrès majeurs en pédiatrie la prévention des maladies infectieuses avec la vaccination, la guérison de cancers de l’enfant, les progrès considérables dans la prise en charge des enfants prématurés, ou encore l’augmentation de l’espérance de vie des enfants souffrant de maladies chroniques.“

Cependant, sur une période plus récente, l’évolution de l’état de santé des enfants et des adolescents semble plus contrastée. Ainsi, des évolutions favorables sont constatées pour l’état de santé bucco-dentaire des enfants (en 2015, 68% des enfants scolarisés en classe de CM2 sont indemnes de caries, soit une amélioration de 8 points par rapport au taux de 2008) ainsi que pour l’obésité et le surpoids des enfants en France, qui se stabilisent, voire régressent pour les plus jeunes. Toutefois, certains indicateurs ont stagné ou se sont dégradés dans les années récentes, et l’état de santé des enfants et des adolescents français est moyen en comparaison internationale. D’après l’UNICEF, la France serait classée 17ème sur 40 concernant la santé et le bien-être des enfants. De plus, le taux de mortalité infantile en France est légèrement supérieur à la moyenne de l’OCDE (28ème position de la France sur 44 pays en 2017). Il est stable en France depuis 2005, alors qu’il a tendance à baisser dans les autres pays européens. La France est plus touchée par le surpoids des enfants que la moyenne de l’OCDE : 32,4% des enfants de 5 à 9 ans sont concernés, contre 31,4%en moyenne dans l’OCDE (27ème position française).

Par ailleurs, à l’instar de l’ensemble de la population, la santé des enfants et des adolescents est marquée par une hausse des maladies chroniques. Ainsi, le nombre d’enfants de moins de 15 ans ayant une affection de longue durée a progressé de 23% depuis 2012, alors que la population de cette tranche d’âge a diminué de 1% sur cette période. En 2018, 370 000 enfants avaient une affection de longue durée, soit 3,2% des moins de 15 ans.

Le rapport de l'IGAS explique ensuite que les inégalités sociales en matière de santé commencent dès le plus jeune âge, apparaissant “avant même la naissance, avec des différences de suivi prénatal et de comportements à risque pour l’enfant à naître“. Ainsi, 94% des femmes cadres déclarent ne pas avoir fumé pendant leur grossesse contre 66% des ouvrières. Les habitudes de vie, les facteurs culturels et économiques ainsi que l’exposition environnementale contribuent à creuser ces inégalités dans l’enfance.

Selon les chiffres du rapport, “en 2013, 12% des enfants de grande section de maternelle sont en surcharge pondérale et 3,5% sont obèses ; les enfants de milieu social modeste sont plus souvent en surcharge pondérale et celle-ci persiste plus souvent au cours de l’enfance et de l’adolescence. Ainsi, 7% des enfants de cadres sont en surcharge pondérale et 1% sont obèses, contre respectivement 16% et 6% chez les ouvriers. Ces fortes inégalités sociales se retrouvent en termes de santé bucco-dentaire (8% des enfants de cadres ont au moins une dent cariée contre 30% pour les ouvriers), de pratique sportive ou d’exposition aux écrans : en 2015, 8% des enfants de cadres contre 16% des enfants d’ouvriers passent au moins deux heures par jour devant un écran en semaine.“

Cet état de santé des enfants français diffère aussi selon les territoires. En témoignent les départements d’Outre-Mer où “les indicateurs de santé ainsi que les déterminants de santé des enfants sont plus défavorables qu’en métropole“, la mortalité infantile y étant deux à trois fois plus élevée. Elle varie selon les départements d’outre-mer : 5,7 pour 1000 enfants en Martinique, 6,7 à la Réunion, 8 pour 1000 en Guyane, 8,2 en Guadeloupe et 10,1 pour 1000 à Mayotte (contre 3,5 en moyenne en France). A l’inverse, la mortalité infantile varie relativement peu entre les régions métropolitaines. De plus, selon l'IGAS la prévalence du surpoids et de l’obésité est plus importante chez les enfants d’Outre-mer, quel que soit leur âge, que la moyenne française. Il en est de pour la santé bucco-dentaire : les enfants scolarisés dans les DOM ont deux fois plus souvent des dents cariées non traitées qu’en Métropole. Enfin, la santé des enfants est particulièrement dégradée à Mayotte, où des situations de carence nutritionnelle sont observées chez les enfants : la malnutrition frapperait 10% des enfants de 4 à 10 ans“.

Le cas des problématiques spécifiques des enfants vulnérables et des enfants malades est par la suite étudié. Les enfants et adolescents pris en charge au titre de la protection de l'enfance (environ 300 000 mineurs) “pourraient être mieux prises en charge par le système de santé“ explique le rapport, selon lequel “les situations de handicap sont surreprésentées chez ces enfants, ainsi que les problématiques de santé mentale. Or leurs parcours de santé sont souvent heurtés, leurs examens de santé ne sont fréquemment pas réalisés, et leur accès aux soins peut être difficile.“

Le rapport porte l'exemple d'une expérimentation “actuellement menée dans plusieurs territoires, dont la Loire-Atlantique, pour déployer un parcours de soins coordonné des enfants et adolescents protégés“, avec pour objectif de “garantir le suivi de santé (notamment somatique) de l’ensemble des mineurs en protection de l’enfance, en s’appuyant sur un réseau de professionnels de santé libéraux spécifiquement formés“. Ainsi, en Loire-Atlantique, “les premiers retours attestent d’une mobilisation des médecins et de leur vif intérêt pour les formations proposées sur la protection de l’enfance, souvent méconnue". Toujours sur ce thème, il apparaît que “les enfants et adolescents souffrant de violences restent encore mal repérés, alors qu’ils représenteraient plus de 10% de la population. Les professionnels de santé restent peu nombreux à signaler des violences“.

Est enfin discutée précisément la question de la santé des enfants et adolescents pris en charge par la protection de l’enfance et la PJJ : “les études disponibles montrent des carences importantes dans la prise en compte des besoins en santé des enfants et adolescents pris en charge par la protection de l’enfance par rapport à la population générale. (…) Surpoids, mauvais état bucco-dentaire, sommeil perturbé sont largement mis en avant dans les rares études auprès de cette population. Ces enfants sont nés plus souvent prématurés, hypotrophiques (des mensurations inférieures à la normale, ndlr), après des grossesses mal suivies ou l'exposition aux toxiques pendant la vie fœtale, et 25% d'entre eux ont dû commencer leur vie en service de néonatologie. Enfin, ces adolescents ont été (et souvent sont encore) très majoritairement maltraités. Certaines études centrées sur les foyers rapportent même des taux de 100%, si l’on étend la maltraitance aux abus et négligences sévères. Pourtant, l’accès aux soins des enfants et adolescents bénéficiant d’une mesure de protection est souvent difficile. D’après une étude de 2016 du Défenseur des droits, seul un tiers bénéficie d’un bilan de santé à l’admission. D’après les professionnels de l’aide sociale à l’enfance, les réticences de certains professionnels de santé à prendre en charge des mineurs couverts par la protection universelle d’assurance maladie (PUMA) sont fréquentes.“

Il existe pourtant, explique l'IGAS, “un système de suivi et de prévention de la santé de l’enfant foisonnant“, au sein duquel certains des examens de santé peuvent être réalisés à l’école “pour repérer de manière précoce les éventuels troubles de santé pouvant affecter les apprentissages“. Il existe le bilan de santé à 3-4 ans, à l’école maternelle, “qui doit être généralisé d’ici à 2022 (en parallèle de la scolarisation obligatoire dès 3 ans). Ce bilan de santé est actuellement réalisé pour environ 70% des enfants, avec de fortes disparités départementales. La visite, réalisée par la PMI, permet le dépistage des troubles de la santé, en particulier du langage oral.“ Vient ensuite la visite médicale des 6 ans à l’école, “qui vise en particulier le dépistage des troubles spécifiques du langage et des apprentissages“. Est précisé qu'elle “était auparavant obligatoire, mais elle est de moins en moins réalisée dans les faits, en raison de la démographie déclinante des médecins scolaires. Désormais, elle sera ciblée sur les enfants qui nécessitent un examen approfondi." Enfin, “une visite de dépistage est réalisée au cours de la 12ème année par un infirmier, prévue par l’arrêté du 3 novembre 2015. Son taux de réalisation est estimé à 62% des élèves.“

L'IGAS émet au total 21 recommandations, dont celle visant à “renforcer les mesures au profit de la santé scolaire et la PMI, institutions de médecine de l’enfant au rôle préventif et social essentiel“. Elle poursuit en citant plusieurs rapports qui “ont souligné les difficultés traversées par la PMI et la santé scolaire, en particulier en matière de recrutement d’effectifs médicaux. Or ces deux institutions jouent un rôle préventif et social essentiel en matière de santé de l’enfant, notamment pour la prise en charge des populations les plus vulnérables et précaires, et pour un suivi de santé universel (bilans à l’école).“

S’agissant de la santé scolaire, elle cite le rapport IGAS/IGEN/IGAENR de 2016 “qui préconisait une importante revalorisation financière des médecins scolaires pour renforcer leur attractivité et limiter les vacances de postes. La revalorisation des rémunérations des médecins scolaires par le ministère de l’Education nationale depuis fin 2015 ainsi que la création d’une formation de spécialité transversale (FST) Médecine scolaire dans le cadre de la réforme du DES de médecine visaient à renforcer l’attractivité de la profession, même si leurs résultats sont peu perceptibles à ce stade.“

Enfin, la mission de l'IGAS souligne la recommandation d'un rapport de la Cour des comptes de 2020 “de poursuivre les efforts de rémunération des médecins, de créer des services de santé scolaire dans les rectorats pour renforcer le pilotage de la santé scolaire et organiser le travail en équipes pluri-professionnelles (notamment entre médecins et personnels infirmiers)“. Selon la Cour des comptes, le développement de la complémentarité avec la médecine de ville doit être poursuivi, notamment pour l’examen obligatoire des 6 ans. A ce titre, la mission considère que les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé, ndlr) constituent un levier intéressant pour favoriser les relations entre professionnels de santé libéraux (ou centres de santé), de PMI et de santé scolaire.

Le rapport de l'IGAS ici

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →