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Mathématiques : un tableau sombre, quelques lueurs d'espoir (G. Longuet, rapport au Sénat)

Paru dans Scolaire le lundi 21 juin 2021.

Les performances des élèves en mathématiques sont "en constante dégradation", constate Gérard Longuet. Rapporteur spécial d'une mission de la commission des finances du Sénat "sur l’attractivité du métier d’enseignant en mathématiques", il dresse un tableau sombre de la situation. "Les difficultés des élèves français commencent dès le CP (...). Les évaluations à l’entrée en sixième mettent en évidence de fortes disparités géographiques et sociales. Ainsi, 72 % des élèves au niveau national maîtrisent les connaissances attendues en mathématiques. Mais cette proportion est de 56 % pour l’académie de Créteil et inférieure à 50 % dans les outre-mer. A contrario, la part des élèves maîtrisant les connaissances attendues est de 79,6 % dans Paris intra-muros."

Les résultats des élèves français sont d'ailleurs "largement inférieurs à ceux de la moyenne européenne", la France n’amène que 2 % de ses élèves au niveau avancé en mathématiques, alors qu’ils sont en moyenne 11 % dans l’OCDE, et jusqu’à 50 % à Singapour. Or, "le volume horaire d’enseignements de mathématiques est comparable en France et dans les autres pays européens", ce qui pose la question de l'efficacité de cet enseignement.

 

En ce qui concerne le recrutement des enseignants, la situation est plus nuancée. "La hausse du nombre des enseignants entre 2012 et 2018 a été plus importante que dans les autres disciplines (...). Les postes offerts aux concours de mathématiques ont régulièrement augmenté. Ils ont cru de 500 postes au Capes externe entre 2010 et 2020, et de 151 à l’agrégation externe sur la même période (...). Contrairement à l’ensemble des professeurs, la population d’enseignants en mathématiques s’est considérablement rajeunie depuis 2010." Mais alors que, jusqu’en 2010, les taux de couverture (rapport entre nombre d'admis et de postes ouverts, ndlr) du Capes comme de l’agrégation étaient proches de 100 %", ils ont chuté "pour atteindre 58,6 % au Capes externe de mathématiques en 2014 et 65,1 % en 2016 à l’agrégation externe de mathématiques", malgré "une moindre sélectivité" : "Le taux de réussite au Capes de mathématiques en 2017 était de 43,8 %, contre 25 % en sciences de la vie et de la Terre (...). Les élèves qui se destinent à un métier d’enseignant ont un niveau en mathématiques proche de 510 points à l’enquête PISA 2012, soit un score plus bas que les élèves se destinant à d’autres études supérieures (...). En 2019, sur le logiciel d’orientation Parcoursup, on comptait ainsi 256 000 vœux pour intégrer des licences de droit, 110 000 vœux pour des licences de psychologie et seulement 55 000 vœux pour des licences de mathématiques."

Le sénateur dénonce plus globalement la faiblesse des salaires : "l’enquête PISA 2012 établit une corrélation positive entre le niveau de salaire des enseignants et la performance globale des élèves sur l’échelle de PISA. Les pays ayant les scores moyens les plus élevés sont également ceux où les salaires sont les plus hauts, c’est-à-dire sont supérieurs à 115 % du produit intérieur brut (PIB) par tête. C’est notamment le cas du Japon, de la Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas et de la Belgique, pour lesquels les salaires des enseignants représentent en moyenne 135 % du PIB par tête. À l’inverse, la France ne dépense que 105 % du PIB par tête."

Résultat, alors que la part des contractuels augmente dans "l’ensemble des disciplines générales" de deux points, en mathématiques, elle a plus que doublé (2,8 % à 6,7 %) et "certains candidats peuvent être retenus malgré un avis défavorable des corps d’inspection, l’objectif consistant parfois davantage à assurer une présence qu’à proposer un véritable enseignement disciplinaire", notait déjà en 2014 l'inspection générale.

La perte d'attractivité du métier d'enseignant

Cette difficulté n'est pas spécifique à la France. "Parmi les 43 systèmes éducatifs du réseau Eurydice, 60 % des pays déclarent faire face à une pénurie d’enseignants dans certaines disciplines", notamment "les STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques)". Et cette pénurie "n’est dans l’ensemble pas corrélée au niveau de rémunération des enseignants (...). La perte d’attractivité du métier d’enseignant est durement ressentie par l’ensemble des pays européens. En France, 55 % des nouveaux entrants déclaraient que l’enseignement était leur premier choix, contre 72 % pour les plus âgés (...). Ainsi, le métier d’enseignant est un métier 'par défaut' dans près de la moitié des cas chez les enseignants débutants." Dans les pays européens, "plus le niveau d’éducation des parents est élevé, moins leurs enfants envisagent une carrière dans l’enseignement" alors qu'au Japon ou en Corée, "l’enseignement est une voie d’orientation privilégiée".

Les augmentations de salaire ne peuvent donc pas constituer la seule réponse, même si le rapporteur spécial se félicite "des avancées du Grenelle de l’éducation" à cet égard mais il considère que "la priorité doit aller à la mise en place d’une formation initiale plus adaptée pour les enseignants du premier degré, et à celle d’une formation continue à la hauteur des enjeux dans le second".

La réforme de la formation initiale "peut permettre d’approfondir la formation disciplinaire des candidats", toutefois "la dimension pédagogique en master Meef reste assez limitée et ne permet pas aux étudiants d’être pleinement préparés à la réalité d’une classe". Le rapporteur spécial salue à cet égard "l’expérimentation, à partir de septembre 2021, d’une licence préparatoire au professorat des écoles (le parcours préparatoire au professorat des écoles ou PPPE) sous forme de classe préparatoire, sur le modèle des CPGE, partagée entre lycée et université et comportant des périodes d’alternance. 24 parcours préparatoires au professorat des écoles, couvrant 22 académies, sont expérimentés à compter de la rentrée 2021."

Une "parente pauvre"

Mais la formation continue "demeure la parente pauvre dans le second degré" même si la situation s'améliore : "l’indicateur de participation à des actions de formation continue est en hausse en France depuis 2013. Il est passé en cinq ans de 64 % à 83 %, mais reste le plus faible parmi l’OCDE (...). Dans le cas particulier des mathématiques, les programmes sont en outre moins mouvants que dans d’autres disciplines, ce qui incite moins les professeurs à se former, face à un sentiment d’immuabilité de la matière."

Gérard Longuet attend beaucoup du "plan mathématiques" déployé après la remise du plan "Villani-Torossian" et il salue la mise en oeuvre d'ici 2023, partielle ou totale de la plupart des 21 mesures qui en sont issues, notamment la formation continue organisée en "constellations" pour le premier degré : "Les enseignants se sont visiblement investis dans la réforme, dès lors qu’on dénombre aujourd’hui 5 260 constellations (3 168 en 2019), soit près de 40 000 professeurs concernés." Mais le nombre des "référents mathématiques" qui doivent les accompagner est inférieur de moitié à ce qui était attendu, faute de pouvoir recruter parmi les conseillers pédagogique dont le nombre n'a pas augmenté.

Dans le second degré, la principale réforme "est la mise en œuvre des laboratoires de mathématiques (Labomaths)" qui devraient favoriser les échanges entre les professeurs du secondaire et de l’enseignement supérieur. "Lors de leur création en 2019, près de 150 laboratoires étaient ouverts. Leur nombre est en augmentation régulière pour atteindre 256 en 2021, dont un tiers en lycée environ." Les équipements de certains des laboratoires "sont actuellement financés par les régions, mais le temps passé par les enseignants dans les laboratoires n’est actuellement pas indemnisé. Le rapporteur spécial considère que les laboratoires ne pourront être pleinement attractifs pour les professeurs que lorsque les financements seront à la hauteur." D'ailleurs, le crédit relatif à la formation continue des enseignants "ne permettra pas de rattraper le déficit accumulé par la France dans ce domaine par rapport aux autres pays européens", d'autant que leur sous-consommation "est un phénomène récurrent".

 Le rapport ici

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