A quoi sert d'évaluer les élèves ? Les Cahiers pédagogiques s'interrogent
Paru dans Scolaire le mardi 13 avril 2021.
"En mathématiques, les élèves scolarisés dans les classes sans notes réussissent mieux les épreuves standardisées du brevet", indique Pierre Merle. Le sociologue signe l'une des contributions au dernier numéro des Cahiers pédagogiques où il évoque 'une évaluation statistique mise en oeuvre dans l'académie d'Orléans-Tours avec des élèves de 3ème. Il trouve de plus remarquable que "l'écart entre les élèves des milieux favorisés et les élèves des milieux défavorisés" y ait été réduit de moitié, sans que cela nuise aux meilleurs élèves "qui regrettent pourtant les notes": "supprimer cette source de motivation n'exerce pas d'effet négatif. En revanche, "l'efficacité du dispositif est moins marquée en histoire-géographie et indétectable en français, pour des raisons encore non élucidées".
Son évaluation est d'ailleurs difficile "en raison de la diversité des pratiques propres (...) à chaque professeur", mais elle a montré que "les évaluations négatives ("rouge", "non atteint", "maîtrise insuffisante", etc.) sont des sources de 'résignation acquise' et de décrochage", tandis que le LSU (livret scolaire unique) "est susceptible de constituer une contrainte institutionnelle contre-productive en raison d'échelles d'évaluation parfois mal adaptées ou d'items mal pensés"...
Comme le soulignent Sylvie Grau (INSPE de Nantes) et Isabel Pannier (psychologue) qui ont coordonné le dossier, "l'évaluation, tous en parlent, les enseignants, les élèves, leurs familles" et "l'impératif évaluatif imprègne toute la société". Mais ne faudrait-il pas "sortir de l'évidence, questionner l'évaluation, sa raison d'être, son fonctionnement, ses implications, en s'intéressant à ce qu'elle apporte pour les apprentissages". Un enseignant, professeur des écoles, témoigne d'ailleurs de sa gêne : "L'évaluation permet-elle (aux élèves) d'apprendre ? Spontanément, j'ai envie de dire non, ou du moins 'pas grand chose' (...) et je reste très mal à l'aise avec ce mot, cette pratique, dont le rapport à la norme du su-pas su, acquis-non acquis, reste profondément ancrée malgré mes efforts pour en sortir."
"L'évaluation pour apprendre", numéro 568 (mars-avril 2021) des Cahiers pédagogiques (le site ici)