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Marseille : de quels leviers dispose la nouvelle municipalité pour reprendre en main les écoles ?

Paru dans Scolaire le jeudi 25 mars 2021.

Le très mauvais état de bon nombre d'écoles à Marseille est connu depuis que notre confrère Libération l'a révélé. Une nouvelle municipalité a été élue. Comment envisage-t-elle la question scolaire ? Pierre Huguet, adjoint en charge de l’éducation, des cantines et du soutien scolaire, des cités éducatives, professeur de lycée professionnel, nous dit comment il voit la situation et envisage son redressement.

Pierre Huguet : Savez-vous quelle est la seule grande ville française qui n'était pas membre du RFVE (le réseau français des villes éducatrices, ndlr) ? Marseille. Nous avons immédiatement pris contact, une façon symbolique d'affirmer que la Ville est de retour sur la question éducative. En arrivant aux responsabilités, nous avons surtout constaté que la situation était bien pire que nous ne l'imaginions. L'école est d'ailleurs affichée comme la priorité du mandat. Pour répondre à ce défi, trois autres adjoints sont également mobilisés: Marie Batoux pour l'éducation populaire et le périscolaire, Sophie Guérard pour l’enfant dans la Ville, et Pierre-Marie Ganozzi pour le plan école.

ToutEduc : Quand vous dites que la situation est pire que prévu, vous parlez du bâti ?

Pierre Huguet : Ce n'est qu'un aspect du dossier, mais il est lourd. La ville compte 472 écoles, dont une trentaine de sites scolaires du "type Pailleron", dont la structure métallique ne résiste pas au feu. La précédente municipalité envisageait un "partenariat public privé". Nous y avons vu un aveu d'échec et la conclusion de 25 ans d’abandon de l’école publique. Nous voulons définir une nouvelle trajectoire pour le financement de ces travaux, et pour toutes les autres écoles pour lesquels des aménagements ou des restructurations sont nécessaires. C’est le sujet porté par mon collègue Pierre-Marie Ganozzi, adjoint en charge du plan école d’avenir, le premier grand chantier.

ToutEduc : Mais il y a des urgences ?

Pierre Huguet : Oui, et nous avons engagé dans un premier temps 30 M€ pour y faire face. C’est l’une des premières décisions du Conseil municipal de juillet 2020. Cela concerne des travaux d’entretien et d’urgences de bâtiment en termes de sécurité, sûreté et sécurisation. Sur ce dernier point, la Ville aura traité 90 % des objectifs au cours du 1er semestre 2021. Mais il n'y a pas que le bâti. Depuis 25 ans, il n'y a eu aucune anticipation, la sectorisation n'a jamais été revue pour tenir compte des dynamiques démographiques internes à la ville et remettre de la mixité sociale dans les écoles. Nous devons tout reprendre, le processus est en cours.

ToutEduc : C'est donc le fonctionnement même des écoles qui est en jeu ?

Pierre Huguet : Oui, le personnel a été délaissé. Pour la gestion des agents des écoles, la ville est divisée en quatre services territoriaux, ces services peuvent compter jusqu'à 900 agents et un seul cadre A ! Officiellement, la ville compte 1 250 ATSEM (agent territoriaux spécialisés des écoles maternelles, ndlr) pour 1 200 classes, donc il serait possible d’avoir une ATSEM par classe. Mais cela, c'est sur le papier. La réalité est bien différente, il nous faut mettre en place une politique de gestion des ressources humaines, inexistante jusque-là. Le métier d’ ATSEM a changé en 25 ans ; c’est cela qu’il faut repenser. Afin de mener ce chantier sur le fonctionnement, nous avons choisi la méthode de la concertation. Nous avons fait appel à un cabinet spécialisé dans ce domaine qui, depuis le mois de janvier, a réalisé 200 entretiens individuels ou collectifs auprès d’agents. En effet, pour que chacune puisse dire où il en est, et sans se situer dans un rapport hiérarchique, ces entretiens devaient être conduits par une structure extérieure à la municipalité.

ToutEduc : Les RH constituent donc votre second gros chantier.

Pierre Huguet : En effet, c’est le second chantier qui repose sur le recrutement mais aussi sur une réorganisation, sinon les mêmes causes causes produiront les même effets. Aujourd’hui, ce travail de concertation sur la refondation de l’école, nous l’ouvrons à tous les acteurs : les parents, les enseignants, le DASEN, les inspecteurs, les DDEN, les maires de secteur, les associations d’éducation populaire et les enfants eux-mêmes. Des groupes de travail réunissant agents et enseignants permettent de discuter du quotidien, d'échanger des bonnes pratiques, de penser le temps de l'enfant en cohérence sur la totalité de la journée.

ToutEduc : Comment votre action s'inscrit-elle dans la politique nationale ?

Pierre Huguet : A Marseille, un élève sur deux scolarisé dans le primaire relève de l'éducation prioritaire, mais il faut ajouter ceux qui sont scolarisés dans des écoles dites "orphelines", des écoles qui pourraient relever de l’éducation prioritaire. Pour l’instant, l’État ne souhaite pas ouvrir le dossier de la modification de la carte de l’éducation prioritaire. La semaine dernière, j’ai rencontré Nathalie Elimas (la secrétaire d’État en charge de l'éducation prioritaire, ndlr) qui est venue présenter à Marseille les CLA (contrats locaux d'accompagnement) car l'académie d'Aix-Marseille est incluse dans cette expérimentation. L’approche a pour but de sortir les écoles d’une vision "REP / non REP" qui laisse des "trous dans la raquette"… C'est aussi notre préoccupation et un axe de notre action.

ToutEduc : Finalement, de quels leviers disposez-vous, en dehors des moyens financiers, pour faire avancer la question scolaire à Marseille ?

Pierre Huguet : Le troisième grand chantier est celui du projet éducatif. Sous la précédente mandature, les associations en particulier celles de l’éducation populaire répondaient à des appels à projet et montaient des actions, mais sans un véritable pilotage assumée par la Ville. Le principal levier, c'est la capacité à mobiliser tous les outils comme le PEDT, la Caisse des écoles, les Cités éducatives et réunir tous les acteurs comme l’État, la CAF… afin de rechercher des synergies et une cohérence d’ensemble au service d’une politique éducative dont il convient de rechercher le sens et le contenu puisqu’elle n’existait pas jusque-là. Nous formons une équipe imaginative et déterminée, nous voulons que les habitants de Marseille puissent de nouveau être fiers de l'école publique, c’est la volonté du maire Benoît Payan. C'est une impérieuse nécessité pour l'épanouissement des personnels et l'avenir des enfants comme pour le développement de Marseille.

Propos recueillis par P. Bouchard, relus par P. Huguet

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