L'éducation populaire, lieu de réflexion sur les déterminismes et les dominations sociales.
Paru dans Périscolaire le mercredi 26 mai 2010.
"Le système de l'éducation nonformelle doit faire reconnaître sa visée éducative dans les socialisations intergénérationnelles, dans l'éducation permanente tout au long de la vie, dans la démocratie culturelle, dans la citoyenneté participative. L'association représente un espace d'autoformation sur un territoire de proximité : une situation d'écoute et de coopération, un débat sur les besoins des populations, une analyse critique de l'action sociale et politique, la construction de réponses alternatives", pose Francine Grelier, dans son travail de thèse (Rennes-II) signalé par l'INRP. La doctorante souligne qu'idéalement l'association est un lieu de découverte de l'intérêt général, du rôle de citoyen, de la coopération et de la négociation.
Dans la réalité, cet idéal demanderait d'être remis constamment en débat. "Les représentations du système de l'animation oscillent entre naïveté et désenchantement." Après l'enthousiasme des années 70, les années 80 auraient porté avec elles une certaine fêlure dans la conception du rôle de l'animateur, considéré comme porteur du contrôle social, offrant un temps de loisir palliatif au mal de vivre et à la crise.
Contre ces extrêmes, la thèse définit la mission de l'animateur, qui ne saurait être conçue comme l'application à des situations concrètes de savoirs appris, mais comme la mise en oeuvre d'un "style", autrement dit d'une qualité de distanciation vis à vis des tâches. Elle pointe l'enjeu de leur formation: éviter les endoctrinements, apprendre à penser son expérience. "La critique des savoirs standardisés donne de la valeur aux savoirs d'engagement ", pointe t-elle. Cette marge de manoeuvre des animateurs tiendrait notamment à une "connaissance critique des réalités de domination".
Au sein des débats entre locaux et associatifs, un travail de prise de conscience des conflits de pouvoir et d'intérêts serait nécessaire, "pour négocier sur les objectifs de la cohésion sociale" et permettre de "dépasser les déterminismes et la fatalité". L'action associative serait le lieu de l'apprentissage du politique. "La participation au débat est souvent inégalitaire, parce qu'elle réflète la structure normative de la société, ou des groupes qui sont à l'origine du projet. (...) Il faut créer les temps et les espaces pour mettre en présence les uns avec les autres, et qu'ils se reconnaissent comme capables d'avoir des ressources à partager".
Au final, le champ de l'Education populaire serait un espace à la marge, un lieu d'expérimentation des changements par un "travail réflexif constant sur les enjeux de domination", permettant de rebondir ailleurs "dès qu'il y a institutionnalisation".