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Dans deux tiers des pays du monde, il n'existe aucune disposition juridique assurant la gratuité et le caractère obligatoire de l'enseignement préprimaire (UNESCO)

Paru dans Petite enfance, Scolaire le vendredi 26 février 2021.

Un nouveau rapport de l'UNESCO, publié le 29 janvier 2021, montre que, dans deux tiers des pays du monde, il n'existe aucune disposition juridique assurant la gratuité et le caractère obligatoire de l'enseignement préprimaire et qu'un enfant sur deux ne reçoit toujours pas d'enseignement préprimaire à l'heure actuelle. Or, souligne l'UNESCO, "l'éducation et la protection de la petite enfance (EPPE) sont de plus en plus reconnues comme essentielles à la réalisation d'un large éventail de droits éducatifs, sociaux et économiques". L'organisation évoque notamment des travaux de l'ECDI (UNICEF's Early Childhood Development Index) qui montrent que les pays où l'enseignement préprimaire est gratuit et obligatoire "ont un taux supérieur de bien-être de la petite enfance", et les "bénéfices" en termes de résultats d'apprentissage et de compétences socio-émotionnelles sont identifiés au travers de recherches internationales. L'étude de l'UNESCO, menée sur 2020 et qui porte sur près de 200 pays, "s'adresse aux décideurs, chercheurs, à la société civile et à tous les responsables qui ont un rôle crucial à jouer dans la promotion et la mise en oeuvre des droits des enfants à l'éducation préprimaire". Elle liste notamment pour les décideurs un ensemble de leviers qui peuvent favoriser l'intégration de l'éducation préprimaire et de la petite enfance dans les pays.

En effet, sur les 193 pays couverts par l'étude, l'UNESCO constate que 63 ont adopté des dispositions juridiques assurant la gratuité de l'enseignement préprimaire, 51 l'ont rendue obligatoire dans leur cadre juridique national et 46 ont adopté les deux modalités. La plupart des pays qui ont adopté ces dispositions sont des pays à hauts et moyens revenus et se situent en Amérique latine et dans les Caraïbes, en Amérique du Nord, et en Europe. Certains d'entre eux, 17, ont adopté des dispositions spécifiques pour cibler des groupes vulnérables qui peuvent avoir un accès facilité ou prioritaire à l'enseignement préprimaire, tels que des enfants issus de ménages à faibles revenus, souffrant de troubles ou de handicaps, ou, dans un moindre degré, issus de groupes autochtones. Les pays les moins nombreux à avoir intégré l'obligation d'éducation préprimaire et / ou à offrir la gratuité de celle-ci sont situés majoritairement en Afrique, dans les États arabes, en Asie et dans le Pacifique.

Obligation et gratuité de l'éducation préprimaire favorisent l'augmentation des inscriptions

Or, malgré une augmentation du nombre d'inscriptions dans l'enseignement préprimaire partout dans le monde depuis 1999 (avec une accélération à partir de 2010), c'est dans les pays qui ont instauré ces dispositifs d'obligation et / ou de gratuité que cela a augmenté le plus, observe l'UNESCO (à l'exception de l'Asie de l'Est et du Pacifique où les taux de scolarisation à ces âges ont atteint plus de 80 % en 2018, taux qui placent ces territoires derrière les parties du monde qui affichent les plus gros taux, l'Europe et l'Amérique du Nord qui étaient proches de 90 % de scolarisation en 2018). Ainsi, entre 1999 et 2018, le taux de scolarisation a doublé dans les pays qui ont instauré l'obligation ou la gratuité de l'enseignement préprimaire (il est passé de 41,4 % à 82,8 %), alors qu'il n'a augmenté que de 10 points dans les pays dépourvus d'un cadre légal concernant l'enseignement préprimaire (taux passé de 52,9 % à 63 %).

Pour autant, l'analyse des données faite par l'UNESCO montre que ce n'est pas seulement la mise en œuvre de ces cadres qui joue sur les taux d'inscription. Celle-ci doit en effet, selon l'organisation, être subordonnée à des investissements significatifs et à des engagement en termes d'organisation et d'opérationnalisation pour rendre universel cet accès.

Instaurer une gouvernance intersectorielle

Au regard des observations faites dans le cadre de ce travail, même si celui-ci comporte plusieurs limites (y compris concernant la revue de littérature et la collecte de données), les rapporteurs identifient donc quatre leviers qui pourraient permettre aux décideurs de promouvoir cet enseignement préprimaire - au-delà même de la mise en œuvre de dispositions légales pour l'obligation et la gratuité de l'enseignement préprimaire qui "garantit l'extension de [son] accès". Il faut d'abord renforcer la gouvernance et ne pas se contenter d'inscrire des objectifs politiques, peut-on lire dans le rapport, gouvernance qui passe par une approche "intersectorielle", dans l'organisation comme la prise de décision. Elle doit donc intégrer tous les acteurs concernés : au niveau gouvernemental, ceux de la santé, de l'éducation et de la protection sociale, ce à quoi s'ajoutent des représentants de la société civile (fédérations, organisations de parents), des autorités régionales et locales et des organisations non gouvernementales.

Les rapporteurs invitent aussi à davantage d'engagement financier, constat étant qu' "une priorisation et des investissements insuffisants constituent une politique sans vision à long terme". À ce titre, peuvent être mis en place, en plus de financements "traditionnels", des "mécanismes innovants de financement", tels que des impôts dédiés, contrats d'engagements, contributions privées.

Pour faciliter la mise en œuvre des mesures, les auteurs recommandent aussi de donner une même définition de l'éducation préprimaire obligatoire et gratuite dans tous les textes et documents politiques, y compris les textes qui encadrent les modalités de mise en oeuvre des mesures. Or, l'étude souligne qu'actuellement dans certains pays, il y a "incohérence", voire parfois "contradiction", au sein d'un même territoire entre cadres légaux, déclarations politiques et objectifs. Au niveau de la gouvernance, les pays doivent également s'attacher à suivre et à évaluer les progrès, tant du point de vue de l'accès de tous les groupes de population, que du point de vue de la qualité des programmes, ce qui inclut la formation des enseignants, les financements, les infrastructures et les résultats en termes d'apprentissage.

Renforcer la formation des enseignants du préprimaire pour garantir la qualité de l'éducation

Enfin, le rapport fait également état d'une possible "incidence" négative dans certains pays de l'élargissement soudain de l'obligation et de la gratuité de l'enseignement préprimaire si les enseignants ne sont pas suffisamment préparés et formés à celui-ci. Cela a été le cas au Ghana, par exemple. À ce titre, les auteurs du rapport jugent "primordial d'assurer le renforcement des capacités des établissements de formation des enseignants et de recruter un personnel enseignant formé au niveau préprimaire". L'UNESCO avait déjà souligné en 2017 la nécessité d'augmenter la qualification des enseignants à tous les niveaux. Or, selon des données exploités par l'organisation en 2020, en 2018, seuls 46 % des enseignants à ce niveau étaient formés dans les pays à faibles revenus.

Le rapport souligne aussi, même s'il n'y a pas de standard international pour l'encadrement, que le taux d'encadrement généralement "admis" pour garantir la qualité de l'éducation au préprimaire est de 15 enfants pour un adulte formé. Alors qu'en 2018 ce taux d'encadrement se situait en moyenne entre 18 et 15 pour les pays à revenus moyens et à haut revenus, ce taux atteignait quasiment 30 enfants pour un enseignant dans les pays à faibles revenus. Et seules la Croatie, la Finlande, la Slovéquie et le Tonga avaient un ratio inférieur à 15 enfants par enseignant.

Le rapport "Right to pre-primary education: a global study" (en anglais) ici

Camille Pons

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