L'Ecole a-t-elle les moyens d'être républicaine, universaliste, dans un contexte de diversité ? (ouvrage collectif)
Paru dans Scolaire le mercredi 24 février 2021.
"Les immigrés et leurs descendants mettent à l'épreuve les institutions de l'Etat-providence d'une façon singulière et forte, quoiqu'à bas bruit (...). On voit partout travailler une contradiction entre le principe universel égalitaire qui forme le socle de nos institutions, et une vie publique agitée de propos xénophobes ou islamophobes, une vie sociale où discrimination et ségrégation ethniques font partie de l'expérience ordinaire, avec des répliques au sein de l'Ecole, potentiellement chez toutes les catégories d'acteurs de l'Ecole, élèves, parents et personnels (...)." C'est l'une des conclusions que tire Françoise Lorcerie des rencontres du "Réseau international Education et diversité" qui ont abouti à la publication d'un recueil de 32 contributions qui détaillent les situations en France et en Belgique, Suisse et Québec francophones.
Chercheuse (CNRS) spécialiste des politiques "dites d'intégration" des populations d'origine maghrébine, elle constate que l'Ecole a reçu mandat "d'égalité des chances et d'universalité" mais que les personnels "ne sont pas forcément outillés pour ce faire". Elle constate aussi que le mot "diversité" n'a pas le même sens en France et au Québec où les immigrants doivent envoyer leurs enfants dans les écoles "françaises" de façon à renforcer le poids démographique des francophones, d'où "une doctrine d'ouverture culturelle et de respect des particularismes des nouveaux arrivants". En revanche, l'idéal interculturel prôné par les institutions européennes "suscite peu d'adhésion, sinon un rejet" en France, Suisse, Belgique, où l'emploi du mot "diversité" exprime "l'existence d'une nouvelle conflictualité sociale, qui n'épouse pas les mêmes formes que les antagonismes de classe". Il est donc attendu de l'Ecole qu'elle soit "plus vertueuse que la vie publique ou que la vie sociale". Or "il y a tout lieu de penser que les professionnels de l'Ecole (...) ont tendance à partager les représentations majoritaires des problèmes et des difficultés des élèves minoritaires (...). C'est pourquoi une formation consistante sur les préjugés et les relations intergroupes est une composante cruciale des formations professionnelles initiales des personnels scolaires en contexte de diversité. Là où elle n'existe pas, ce devrait être une priorité de la prodiguer."
"Education et diversité", collectif sous la direction de F. Lorcerie, Presses universitaires de Rennes (ici), 384 p., 32€