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Outre mer : une mission éducative plus ardue qu'en métropole, sans que les conséquences en soient tirées (Cour des comptes, Sénat)

Paru dans Scolaire le jeudi 18 février 2021.

La Cour des comptes publie l'enquête qu'elle a réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat, "sur l’organisation, le fonctionnement, le coût et les résultats du système scolaire dans les cinq académies d’outre-mer" sur lesquelles pèsent "maintes caractéristiques communes, géographiques, climatiques et socio-économiques dont le cumul rend objectivement la mission éducative plus ardue que dans la plupart des académies métropolitaines".

Ces cinq académies se différencient cependant par la taille, par le niveau de vie, par "la faible connaissance du français à Mayotte et la complexité du plurilinguisme en Guyane", mais aussi par des évolutions démographiques "très contrastée", puisque les populations diminuent aux Antilles et sont stabilisées à La Réunion "alors que la Guyane et Mayotte connaissent des taux de progression vertigineux". La Cour des comptes évoque des "modes de fonctionnement du système scolaire peu satisfaisants", notamment du fait d'un "faible taux de remplacement des absences des enseignants", trois fois inférieur à celui de la métropole dans les Antilles.

Pour la Cour, les résultats scolaires sont "difficiles à apprécier", mais "les évaluations menées lors des Journées défense et citoyenneté pour les jeunes de 17 ou 18 ans montrent qu’en moyenne nationale 11,5% d’entre eux sont en difficulté de lecture alors que ce taux est de 27,2% pour La Réunion, 32% pour la Guadeloupe, 34% pour la Martinique, 51% pour la Guyane et 73,7% pour Mayotte", des différences de taux qui ne se retrouvent pas dans les résultats aux examens nationaux et qui "restent largement inexpliqués par le ministère".

Ces académies bénéficient d' "un effort budgétaire incontestable", notamment du fait des "sur-rémunérations versées aux agents titulaires affectés en outre-mer", mais aussi de l’extension du dispositif d’éducation prioritaire "à environ la moitié du territoire à la Martinique et à La Réunion et à la quasi-totalité de Mayotte et de la Guyane". Le coût d’un écolier dans ces rectorats par rapport à la moyenne nationale peut être de 65% supérieur à ce qu'il est en métropole. Cette situation est également due au fait que le nombre d'enseignants ne diminue pas avec la démographie et que un quart des enseignants antillais se trouvent "hors la classe"(contre 6 % en métropole)

Mais la Cour dénonce surtout "une organisation calquée sur le modèle métropolitain", "sans laisser aux recteurs des marges suffisantes dans l’application des règles pour répondre efficacement aux réalités locales". Le dialogue de ces académies avec le ministère "ne fait pas une place suffisante aux spécificités locales: il reprend à l’identique les priorités ministérielles de facto difficilement applicables (les rythmes scolaires à Mayotte, par exemple), des difficultés localement très importantes (la question linguistique en Guyane) n’y sont pas traitées."

Cette prise en compte des spécificités vaut surtout pour la Guyane et à Mayotte, "où l’éducation nationale est confrontée à plusieurs défis majeurs: celui du nombre d’enfants à scolariser dans des bâtiments déjà saturés, quasiment privés de cantines et dépourvus de places d’internat, celui de l’attractivité pour les enseignants, celui de la langue maternelle qui n’est généralement pas le français." Il faudrait "assouplir les règles de recrutement" et celles qui prévalent pour l’éducation prioritaire, de façon à "éviter d’appliquer uniformément la règle des heures de pondération qui consomme des heures précieuses sans effet prouvé" et à "trouver des modalités d’action de terrain plus réalistes en donnant aux recteurs de nouvelles marges de manœuvre pour affecter les moyens". Elle préconise d'ailleurs d' "adapter le dispositif d’éducation prioritaire aux réalités locales, voire y substituer un dispositif spécifique pour les académies ultramarines ou certaines d’entre elles (Guyane et Mayotte)". 

Le sénateur Gérard Longuet, rapporteur pour la commission des finances, estime pour sa part que "le principal enjeu auquel est confronté le ministère de l'Éducation nationale dans ces trois académies est celui de l'adaptation de la gestion des personnels aux évolutions démographiques en cours". Il relève aussi qu'aux Antilles, "la majeure partie du déclin démographique des îles (...) a été absorbée par l'enseignement public" alors que "la part de la population scolarisée dans le secteur privé est en constante augmentation". Il souligne en outre que "les taux de non scolarisation sont extrêmement élevés" en Guyane où il varie "entre 3 % et 10 %" pour les 6-16 ans, et il serait de "plus de 30 % pour Mayotte". Quant aux taux de scolarisation des 3-5 ans, "il décroît à Mayotte depuis deux ans en raison du manque de salles de classe, aggravé par le dédoublement des CP." Le sénateur note aussi que "les établissements sont fréquemment surchargés, conduisant à des stratégies d'occupation parfois étonnantes", puisque à Mayotte, les locaux "sont utilisés selon un principe de rotation".

En ce qui concerne les sur-rémunérations des enseignants, il calcule "qu'en moyenne, un enseignant certifié gagne environ deux tiers lors de sa titularisation de plus qu'un enseignant en métropole". S'y ajoutent, à La Réunion et aux Antilles "une moyenne d'âge et un taux d'enseignants hors classe supérieurs à ceux observables en métropole".

Le sénateur met aussi l'accent sur la question linguistique. "Près de 70 % des enfants scolarisés en Guyane ont une langue maternelle autre que le français, comprise parmi la trentaine de langues vernaculaires du territoire. Cette proportion est encore supérieure à Mayotte." Il faudrait que les enseignants bénéficient "d'une formation, tant pour les sensibiliser au sujet des langues locales que pour leur permettre de développer des pratiques pédagogiques adaptées".

Le rapport de la Cour des comptes ici, le rapport de Gérard Longuet ici

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