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Placement des mineurs protégés : il faut résorber progressivement le recours aux hébergements de type hôtelier (IGAS)

Paru dans Périscolaire, Justice le lundi 08 février 2021.

Faire "reculer" le recours à l'hôtel pour accueillir des jeunes confiés à l'ASE (Aide sociale à l'enfance) en développant des solutions alternatives, et encadrer et piloter ce recours, telles sont les grandes recommandations que fait l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport rendu public le 25 janvier 2021, "L'accueil des mineurs protégés dans des structures non autorisées ou habilitées au titre de l'aide sociale à l'enfance". Ces grandes recommandations s'appuient sur plusieurs constats négatifs faits par la mission à l'origine du rapport : l'hôtel présente "des dangers bien identifiés" (faible contrôle de la qualité des lieux d'accueil, promiscuité dans les chambres, faible surveillance du gérant, proximité de lieux de trafics etc.), et le suivi, pour beaucoup de ces jeunes, "s'apparente à une présence ponctuelle bien plus qu'à un véritable accompagnement". Les orientations données par les inspecteurs (qui n'invitent pas, en revanche, à interdire ce type de recours même si ça peut demeurer un "objectif", car aujourd'hui la jurisprudence ne le permet pas et cette interdiction pourrait susciter des "difficultés pratiques") font l'objet de 15 recommandations concrètes à mettre en œuvre à courte échéance (la plupart en 2021, certaines jusqu'en 2022). Outre l'hôtel, le rapport traite également des structures dédiées à l'accueil de mineurs sur les temps extra-scolaires et disposant d'un agrément "sport" ou "jeunesse et éducation populaire" auxquels les départements recourent aussi régulièrement.

Premiers grands constats faits par les inspecteurs, même si le nombre moyen de mineurs accueillis à l'hôtel s'élève à seulement 5 % des jeunes de l'ASE (chiffre fin 2019), l'accueil en structures non autorisées est aujourd'hui "une réalité largement installée", même si le phénomène "demeure encore aujourd'hui concentré sur quelques départements, principalement franciliens et du sud de la France" et "concentré sur certains types de situations pour lesquelles les dispositifs traditionnels d'accueil de l'ASE sont inadaptés".

95 % des mineurs hébergés à l'hôtel seraient des MNA

Ainsi le recours à cette modalité d'accueil concerne particulièrement les mineurs non accompagnés (95 % des mineurs hébergés à l'hôtel seraient des MNA et 28 % des MNA admis à l'ASE seraient pris en charge à l’hôtel). Ce recours massif à l'accueil en hôtel peut s'expliquer par "la rapide croissance de leur nombre (le flux annuel de nouveaux entrants a été multiplié par 7 en 5 ans) et les contraintes de leur prise en charge (langue, incertitudes sur l'âge, absence de parents, demande d'asile pour une minorité…)". Point très négatif dans cette prise en charge, la durée du placement à l'hôtel des MNA peut être "au long cours". Même si elle s'établit en moyenne à 3 mois, "de nombreux cas de MNA hébergés à l'hôtel pour une durée supérieure à 6 mois voire 1 an ont été rapportés".

Ce recours plus fréquent concerne aussi ceux qui mettent en échec les solutions d'accueil collectif habituelles (les enfants en grandes difficultés ou à difficultés multiples présentant pour certains de forts troubles du comportement qui se traduisent par des passages à l'acte) pour préserver le fonctionnement de la structure en charge du mineur (Maisons d'enfants à caractère social, dites MECS, ou foyers de l'enfance). Pour autant, même si les Départements reconnaissent que le recours à l'hôtel "s'impose en situation de crise", celui-ci "traduit plus largement les carences institutionnelles de prise en charge", regrettent les auteurs du rapport.

Les jeunes ayant connu l'hôtel moins diplômés, moins en études et moins actifs que l'ensemble de jeunes de l'ASE

Outre s'affranchir des dangers identifiés par la mission de l'IGAS, la résorption de l'accueil à l'hôtel apparaît aussi "nécessaire pour une très grande majorité des jeunes hébergés". Car si les Départements mettent en place un suivi continu, avec une présence éducative permanente à l'hôtel pour les jeunes qui présentent de très forts troubles du comportement, le suivi, pour les autres, est "très éloigné de ce niveau d'intensité" et "s'apparente à une présence ponctuelle bien plus qu'à un véritable accompagnement". Les inspecteurs observent aussi de possibles impacts en termes de réussite : les jeunes ayant connu l'hôtel ont un niveau de diplôme en moyenne moins élevé que l'ensemble de jeunes de l'ASE, ils se déclarent moins nombreux à être en études et la proportion d'inactifs y est également plus élevée (5 % contre 2 %).

C'est à tous ces titres que la mission préconise de développer des solutions alternatives. Elle juge "indispensable" de financer la création de places d'internat offrant une prise en charge médico-sociale 365 jours par an et d'étudier au plus tôt celle de structures mixtes pérennes à double financement, offrant une prise en charge globale au titre de la protection de l'enfance et du médico-social. Les Départements doivent également, recommande-t-elle encore, prendre en compte l'existence de cas complexes lors de la programmation des créations de places et intégrer ces besoins particuliers dans les appels à projets afin de disposer de structures d'hébergement adaptées.

Établir des règles d'utilisation et des méthodologies de contrôle de ces hôtels

En revanche, certaines solutions envisagées par certains Départements qui ont conçu des appels à projets pour sortir leurs MNA de l'hôtel, ne lui semblent pas adaptées. Ainsi, la plupart l'ont fait "autour du développement de places en habitat semi-autonome ou diffus (appartements partagés dans le parc social ou libre, appart'hôtel)", ce qui "fait craindre le risque d'une orientation systématique des jeunes, en raison de leur seule qualité de MNA, contraire au principe d'une prise en charge adaptée à leurs besoins". En outre, les très faibles prix de journée associés à ces appels à projet (parfois inférieurs à 50 €) "interrogent a minima sur l'intensité et le contenu socio-éducatif du suivi des jeunes", écrivent les inspecteurs. Pour l'IGAS, ce recours à l'hébergement en appartement ne peut être préconisé "qu'à la condition qu'il s'accompagne "d'un socle minimal de prestations en matière d'encadrement et d'un véritable travail d'évaluation préalable du degré d'autonomie des jeunes orientés vers ce type de placement".

Autre grande recommandation, les Départements doivent encadrer ce recours à l'hôtel, constat étant que sur l'ensemble des schémas départementaux en protection de l'enfance consultés par la mission, aucun n'abordait la question de l'accueil de mineurs à l'hôtel, qu'il n'existe pas de "doctrine d'utilisation des hôtels fixant, y compris pour les structures autorisées à les placer, les profils de mineurs susceptibles d'y être accueillis, la durée maximale de leur hébergement et les critères de sélection des hôtels", ni, à quelques rares exceptions, de méthodologie des contrôles de ces derniers et des suites qui y sont données. De la même manière, les conseils départementaux ne disposent d'aucun pouvoir de contrôle sur les structures agréées jeunesse et sport, alors que souvent les séjours se prolongent "jusqu'à devenir un mode d'hébergement permanent pour les cas difficiles". Outre recommander d'adopter les textes réglementaires fixant les conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement applicables aux établissements de l'ASE, démarche qui relèverait de la responsabilité de la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale) avec un groupe de travail SNPPE (Syndicat national des professionnels de la petite enfance), la mission invite les Départements à intégrer l'accueil hôtelier dans les schémas départementaux de protection de l'enfance, ce qui implique d’en préciser les règles d'utilisation (profils de mineurs susceptibles d'y être accueillis, durée maximale d'hébergement et critères de sélection des hôtels) et à formaliser une méthodologie de contrôle des hôtels.

Un coût très élevé

Ce rapport est l'aboutissement de l'une des 2 missions dont l'IGAS avait été saisie suite à une agression mortelle, survenue en décembre 2019, entre deux jeunes confiés au service départemental de l'ASE, dans un hôtel de Suresnes où ils étaient hébergés. L'objectif était de "mieux cerner et comprendre cette réalité" du recours hors établissements et structures autorisés ou habilités par l'ASE pour l'accueil d'une partie des mineurs protégés, alors que jusque là il n'existait "aucune donnée consolidée sur ces modes et modalités d'accueil ; ni sur les effectifs, ni sur les contextes de recours, ni sur leur cadre juridique ; ni enfin sur leurs conséquences en termes de réponses aux besoins des publics pris en charge".

Notons aussi, parmi les constats négatifs que font les inspecteurs concernant ce recours à l'accueil hôtelier, que figure celui du coût, jugé "très élevé". Il est estimé, pour l'ensemble des Départements ayant répondu à l'enquête, à plus de 72 millions d'euros pour l'année 2019 et représenterait près de 6 % du total des dépenses de placement (hors accueil familial). Par extrapolation, ce montant pourrait s'élever au total à près de 250 millions d'euros au niveau de la France métropolitaine, calcule la mission.

Le rapport ici

Camille Pons

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