Archives » Dossiers

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

"Le consentement de la victime, loin d'excuser le prédateur, aggrave son crime" (B. Defrance)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice le vendredi 29 janvier 2021.

Le philosophe Bernard Defrance nous adresse cette tribune, que nous publions bien volontiers

"Dans les affaires d'atteintes sexuelles d'adulte à enfant, voilà qu'à nouveau certains invoquent la possibilité d'un consentement de la victime, qui devrait apporter la preuve de son non-consentement pour aboutir à une condamnation de l'adulte. Dans plusieurs affaires, il s'est trouvé des magistrats pour relaxer des adultes sur cette base, et l'on voit ressortir ce vieux soupçon à l'égard de la victime dans la bouche d'un philosophe qui s'indigne du "lynchage" médiatique de l'auteur des faits...

Or, invoquer le consentement éventuel de la victime mineure, c'est oublier que c'est précisément parce que l'enfant est, ou peut paraître, consentant, voire "demandeur" de jeux sexuels (on connaît la force des curiosités enfantines), que l'adulte doit s'y soustraire, marquer l'interdit, et même l'incarner. Relire le discours d'Alcibiade dans le Banquet. Et donc, quand le pédophile invoque le consentement de l'enfant, il aggrave son cas ! N'importe quel professeur ou éducateur peut témoigner des "demandes" des enfants, surtout lorsqu'ils ou elles sont affronté(e)s à des situations familiales de carences affectives graves voire de violences. Où s'arrêtent les câlins ? La qualification criminelle est évidente quand l'adulte séduit, manipule et exerce chantages divers. Mais le crime est tout aussi réel si c'est l'enfant qui cherche à séduire et que l'adulte se révèle incapable d'incarner l'interdit. Et il est probable que les dégâts futurs sur la construction de la personnalité sont plus graves dans ce deuxième cas, parce que, si, dans le premier, la prise de conscience peut ouvrir à la révolte, à une saine colère, dans le deuxième cas, honte et culpabilité peuvent interdire la résilience, avec la circonstance aggravante du souvenir de la jouissance éventuellement ressentie...

Il conviendrait dès lors d'évacuer complètement ces arguties sans fin sur cette histoire de consentement et de fixer dans la loi les rapports d'âges des acteurs : tout le monde semble d'accord pour porter la possibilité de relations sexuelles au même âge que celui de la responsabilité pénale, c'est-à-dire 13 ans, laquelle devrait être clairement et nettement fixée pour se conformer enfin aux exigences de la Convention relative aux droits de l'Enfant, et on peut saluer le vote récent, à l'unanimité, du Sénat pour considérer comme criminelle toute relation sexuelle entre adulte et enfant de moins de 13 ans. Mais reste la question des relations entre mineurs et entre adultes et mineurs de 15 ou 18 ans.

Et quitte à invoquer Platon, on peut en revenir à un principe énoncé dans La République : c'est l'écart d'âge et l'écart social entre partenaires qui est ici décisif. Ce qui pourrait donner la déclinaison suivante à inscrire dans la loi, de l'interdit de toute relation sexuelle :

- entre tout acteur de plus de 13 ans avec moins de 13 ans ;

- entre acteur entre 13 et 15 ans avec acteur en différence d'âge de plus de 5, 7 ou 10 ans (limite à discuter) ;

- entre acteur de moins de 18 ans avec tout partenaire ayant autorité, membres de la famille, professeurs, éducateurs, médecins...

En tout cas, il importe que l'argument du prétendu consentement de la victime soit définitivement rejeté dans l'application de la loi, et même reconnu comme circonstance aggravante.

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →