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Questionnaire sur les enfants de trois ans : les raisons d'un malaise

Paru dans Petite enfance, Scolaire le dimanche 24 janvier 2021.

Notre confrère du Café pédagogique a dévoilé, jeudi 21 janvier, l'existence d'un questionnaire adressé à certains enseignants de petite section de maternelle. Pour chacun des enfants, ils doivent renseigner une "grille d'observation élève" de plusieurs pages dont les items, toujours selon notre confrère, sont tous relatifs au comportement de l'enfant. Celui-ci répond-il mal à l'adulte "souvent, parfois ou jamais" ? refuse-t-il de rentrer dans une activité ? réfléchit-il avant d'agir ? perd-il des vêtements. ? coupe-t-il la parole ? a-t-il des accès de colère ? Cette information a provoqué de nombreuses réactions négatives, voire scandalisées (voir ici le blog d'Eveline Charmeux), beaucoup y voyant une nouvelle tentative de repérage des troubles des conduites du jeune enfant, après l'échec de la tentative de l'INSERM qui, en 2005, avait suscité l'initiative "Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans" (voir Wikipedia ici) pour dénoncer le fichage des bébés.

Sur son site, la DEPP explique qu'il s'agit de tout autre chose à savoir la phase expérimentale préalable à la constitution d'un panel pour un suivi longitudinal (sur plusieurs années) des acquis des enfants dont on connaîtrait les caractéristiques à l'origine. Mais, insiste le service statistique de l'Education nationale, "les informations recueillies sont protégées par le secret statistique et servent uniquement à l’établissement de statistiques. L’exploitation de l’enquête (...) ne donne lieu à aucune diffusion d’informations individualisées." (voir ToutEduc ici, le site de la DEPP ici)

Même ainsi, la démarche de la DEPP pose questions. ToutEduc a pu se procurer un document retranscrivant les questions adressées à des élèves pour évaluer, là aussi sur échantillon, leur niveau en fin de CE2 et donc les effets des dédoublements de CP et CE1. Ces questions sont issues d'une application fonctionnant sur tablette, chaque élève muni d'un casque écoute les questions et répond directement sur la tablette. Pour cause de pandémie, la passation en a été retardée et a eu lieu à la rentrée de cette année en CM1. A coté d'items du type "Compléter une syllabe par une autre pour former un mot" ou "Compléter la légende d’une image avec le mot qui manque", "Choisir la bonne opération pour résoudre un problème simple", d'autres questions sont davantage personnelles, "À quel point aimes-tu lire à l’école ?", "À quel point aimes-tu faire de l’écriture chez toi ?", ou, avec un smiley plus ou moins d'accord, plus ou moins mécontent, "Je trouve qu’on me demande assez mon avis à l’école", que "les adultes me respectent", que "ça se passe bien à l’école", "que le maître ou la maîtresse explique assez les choses difficiles". Outre celles qui amènent l'élève à porter un jugement sur les personnels de l'école, d'autres portent sur ses caractéristiques psycho-sociales, comme "Je trouve que c’est facile de me faire des amis à l’école", ou "Je me sens bien dans mon école".

Il semblerait que ces items davantage personnels soient démarqués d'une enquête sur le bien-être et l'estime de soi qui avait été conçue, il y a de cela plusieurs années, pour des élèves de collège par une équipe universitaire. Or leur réponse nécessitait l'accord explicite des parents et de l'élève qui avait donc le droit de ne pas répondre. Dans le cas présent, on ignore si les parents sont informés de la présence de ces questions qui ne relèvent pas du pédagogique et si les élèves ont été prévenus qu'ils avaient le droit de ne pas répondre. Il n'est pas impossible que la même logique ait joué pour la constitution du questionnaire adressé aux petites sections de maternelle.

Or certaines des questions que l'enseignant.e doit renseigner sur des enfants de trois ans l'amènent à porter des jugements qui, même si le traitement des questionnaires par la DEPP est anonymisé, risquent d'induire un "effet Pygmalion" (l'enfant se comporte effectivement comme l'adulte pense qu'il pourrait se comporter, dans un mécanisme de prédiction auto-réalisatrice), au minimum durant l'année de petite section, mais peut-être au-delà, selon les modes de transmissions d'un.e enseignant.e à un.e collègue propres à chaque école. D'autre part, les parents ne semblent pas être informés de leur droit à faire retirer des informations concernant leur enfant, conformément au RGPD. Enfin, les enseignants sont méfiants. Lorsqu'ils font passer les tests nationaux (et non pas sur échantillon comme dans le cas présent) aux élèves de CP et de CE1, ils voient apparaître sur leur écran "classe de Mme (ou M.) xxx" et la liste de leurs élèves. Ils peuvent logiquement en déduire que les résultats de leurs élèves seront associés à leur dossier personnel. Là encore, selon nos informations, la DEPP s'en défend, explique que c'est uniquement une facilité pour l'administration de l'école lorsqu'elle prépare le matériel informatique nécessaire à la passation des tests qui sont anonymisés, mais ce n'est précisé nulle part. Ces tests supposent en effet pour leur passation dans de bonnes conditions une relation de confiance avec l’administration, un strict respect du RGPD et qu’aucune confusion entre évaluation des acquis cognitifs et caractéristiques psychosociales ne s’y glisse...

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