Lego, une "innovation" en retard sur la "méthode Boscher" (E. Charmeux)
Paru dans Scolaire le jeudi 14 janvier 2021.
Une méthode de lecture peut-elle être déclarée "expérimentale", alors qu'elle ne diffère "en presque rien des méthodes syllabiques existantes"? C'est la question que pose Eveline Charmeux sur son blog à propos de la méthode Lego, en cours d'expérimentation dans 370 écoles (voir ToutEduc ici). Celle qui a consacré sa vie à l'enseignement de la lecture et de la grammaire ne cache pas qu'elle est scandalisée. Pour elle, "on est revenu à la méthode Boscher" (1901) en pire.
En effet, avec la méthode Boscher comme avec "Léo et Léa", "on commence par les lettres qu'on assemble comme des perles pour former des syllabes" ce qui constitue "une activité au moins ludique, — certes, sans rapport avec la lecture — mais qui avait le mérite d'être accessible à des petits de six ans". Avec Lego, "on étudie d'abord les sons et leurs relations avec les lettres", or "les lettres sont infiniment plus faciles à repérer pour (les enfants) que les sons".
Mais on retrouve dans toutes ces méthodes "les mêmes syllabes vides de sens", et des phrases "absurdes ou ridicules". La pédagogue prend l'exemple de la page consacrée au L qui donne à déchiffrer "Lila râla". Elle fait remarquer que ce verbe "ne s'emploie de façon officielle et précise que pour désigner l'affreux gémissement qui précède la mort. S'agit-il ici des derniers moments de cette pauvre Lila ? Est-ce bien raisonnable d'évoquer une scène pareille pour des enfants de six ans ?" A moins qu'il ne s'agisse de manifester son mécontentement, dans un registre familier : "Drôle de façon de parler dans un lieu comme l'école." Les autres phrases proposées sont "Lila a ri", "Ali ira là" et Eveline Charmeux s'amuse de "l'audace narrative" de l'auteur qui mélange passé simple et passé composé avant de se demander "c'est où, là ?". Pour elle, "faire 'lire' de telles phrases, c'est bousiller par avance toute connaissance sérieuses sur le fonctionnement de la langue, et handicaper le travail de grammaire futur".
Pour elle, il est clair que le ministre maltraite les enfants auxquels sont infligées "des tâches qu'ils sont incapables de comprendre" et les enseignants, "contraints de faire du dressage pour obtenir que les petits fassent ce qu'ordonne ce monsieur".
Le site de "l'amie scolaire" ici