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La valorisation de la voie professionnelle ne s’arrêtera pas ! (tribune)

Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 06 janvier 2021.

Hélène Cénat, collaboratrice de ToutEduc, nous propose cette tribune sur la voie professionnelle que nous publions bien volontiers. Selon la formule consacrée, les opinions exprimées n'engagent que leur auteur.

Les expressions "voie professionnelle" et "valorisation" ont une fâcheuse tendance à toujours être associées. De nombreux acteurs se sont engagés dans cette valorisation, aussi bien issus de l’administration publique que du monde des organisations. De ce côté, la liste est longue : entreprises, associations, syndicats patronaux et salariés, branches, monde consulaire… Il doit bien y avoir des raisons pour cela. Sont-elles politiques ? Avant, nous parlions d’enseignement technique. La notion est révolue. Cependant, comme le précisait Vincent Troger, auteur de L’Histoire de l’enseignement technique, "il est un enjeu idéologique de premier ordre et est donc perpétuellement l’objet de vifs débats." Et ces débats continuent et continueront.

Quand nous prenons en compte les propos des acteurs d’aujourd’hui, l’ "excellence" est l’argument le plus utilisé. En 2018, le chef étoilé, Régis Marcon, rendait son rapport, symbole d’une volonté publique et privée de promotion de cette voie éducative, à Jean-Michel Blanquer : "La voie professionnelle scolaire : viser l’excellence." (ici). On parlait alors d’ "attractivité retrouvée". La volonté affichée était : "Rendre l’envie aux élèves de vivre l’excellence de la voie professionnelle."

De son côté, Jean-Michel Blanquer utilise ce filon de l’excellence dans sa communication. Il parle de "transformation du lycée professionnel". Selon lui, "le lycée professionnel peut s'appuyer sur des atouts majeurs : l'expertise, l'engagement des professeurs et le dynamisme pédagogique qui irriguent l'enseignement professionnel français. Le partenariat avec les régions et avec le monde professionnel permet une intelligence collective au service de la réussite."

Il est clair que le lycée professionnel change. Il est "lycée des métiers" (créé par Jean-Luc Mélenchon) ou "campus d’excellence" (créé par Vincent Peillon) ancré dans son territoire, en adéquation avec les besoins des entreprises et bien accueilli par les instances locales. Il tient compte des profils des apprenants. Il est tourné vers les métiers d’avenir. Les matières générales y ont apparemment leur place. Il se doit également d’inclure de l’apprentissage et de la formation professionnelle continue dans son offre. Que de belles images !

Pourtant, la voie professionnelle semble encore souffrir d’un défaut de bonnes images. Selon un sondage BVA d’octobre 2020 (ici), 72% des parents privilégient pour leurs enfants une orientation vers l’enseignement général et technologique. La voie générale dispose d’un atout clé aux yeux des parents : 55% pensent qu’elle permet davantage d’accéder à l’enseignement supérieur… A quel enseignement supérieur pensent ces parents ? Peut-être, à l’offre qui évolue en permanence, à des BTS, à des licences professionnelles, à des masters professionnels, à des diplômes d’ingénieurs…, à des diplômes professionnalisants proposés, notamment, dans les "campus" ou dans les "lycées des métiers".

D’après le sondage, paradoxalement, les parents attribuent à la voie professionnelle de nombreux atouts qui correspondent à la politique de valorisation. Selon eux, il permet d’intéresser et motiver les jeunes pour 39% des parents (contre seulement 7% pour l’enseignement général et technologique), de trouver un emploi (34% contre 6%) ou de révéler les compétences des jeunes (33% contre 7%).

Mais de quelle voie professionnelle parlons-nous ? De l’initiale, de la scolaire (avec périodes en entreprise obligatoires et CCF, contrôles en cours de formation), du CAP, du BAC Pro, du BTS, de celle qui tend vers les diplômes du supérieur ou de l’apprentissage qui peut aller du CAP au Bac + 5 et donc qui regroupe tellement de profils de jeunes divers ?

Quand l’apprentissage est évoqué, quel que soit son niveau ou son profil, le statut du jeune peut être aussi bien : réellement apprenti avec le contrat qui va avec, celui sous contrat de professionnalisation (qui depuis des années est sensé se fondre avec le contrat d’apprentissage) ou stagiaire de la formation professionnelle (pas de contrat mais comptabilisé comme apprenti dans les chiffres donnés aux médias).

A l’écoute des chiffres, nous avons l’impression que l’apprentissage est le remède à tous les maux dont souffre notre jeunesse, donc notre avenir. Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion parle de "nouveau record malgré la crise". Cela serait dû à la prime à l'embauche des jeunes et les effets de la réforme de 2018. Ces mesures se seraient traduites par une hausse inattendue de 19 % des contrats d'apprentissage cette année, qui devraient atteindre le nombre de 420 000 (tous niveaux confondus, et avant vérification que tous aient effectivement un contrat avec une entreprise, ndlr). Ici, il y a comme un effet d’aubaine. Lors d’un entretien que ToutEduc a pu avoir avec la FNADIR (ici), Roselyne Hubert, présidente de cette fédération de directeurs de CFA, nous signalait l’arrivée de nouvelles entreprises intéressées par la prime. La communication de valorisation aurait fonctionné. Mais est-ce que ces entreprises nouvelles dans le dispositif ont des tuteurs formés à l’accueil de jeunes en apprentissage ?

N’oublions pas non plus que dans le nouveau cadre légal, les entreprises peuvent créer leur propre CFA ! Outre le fait que ces créations pourraient permettre aux entreprises d’avoir le personnel formé selon leurs souhaits, il y a du financement. Toutefois, s’il y a insertion, de vrais projets et de vraies possibilités de parcours professionnels qui suivent, si c’est le cas, il n’y a rien à dire. Depuis la loi du 5 mars 2014 et celle de Pénicaud de 2018, l’assainissement des financements et de l’utilisation de la taxe d’apprentissage est mis en place. Par exemple, les CFA sont principalement financés aux contrats d’apprentissage réellement signés. Des niches de financement sont toujours possibles, mais elles passent par des appels à projets ciblés, aux niveaux local, national et européen, avec des rendus de dossiers que nous pouvons espérer solides, s’il n’y a pas utilisation des réseaux d’influence.

Hélène Cénat

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