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Projet de loi "confortant le respect des principes de la République" : les dispositions qui intéressent l'éducation

Paru dans Scolaire le jeudi 10 décembre 2020.

Le projet de loi "confortant le respect des principes de la République" a été présenté hier 9 décembre au Conseil des ministres et publié sur le site de l'Assemblée nationale. En voici les principales dispositions intéressant les acteurs de l'éducation, accompagnées d'éléments de l'étude d'impact.

La loi est d'abord justifiée brièvement dans l'exposé des motifs : "Notre République s’est construite sur des fondations solides, des fondements intangibles pour l’ensemble des Français : la liberté, l’égalité, la fraternité, l’éducation, la laïcité. Un entrisme communautariste, insidieux mais puissant, gangrène lentement les fondements de notre société dans certains territoires. Cet entrisme est pour l’essentiel d’inspiration islamiste. Il est la manifestation d’un projet politique conscient, théorisé, politico-religieux, dont l’ambition est de faire prévaloir des normes religieuses sur la loi commune que nous nous sommes librement donnée. Il enclenche une dynamique séparatiste qui vise à la division. Ce travail de sape concerne de multiples sphères : les quartiers, les services publics et notamment l’école, le tissu associatif, les structures d’exercice du culte. Il s’invite dans le débat public en détournant le sens des mots, des choses, des valeurs et de la mesure."

En ce qui concerne les associations, l'article 6 prévoit que "toute association qui sollicite l’octroi d’une subvention (...) auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial s’engage, par un contrat d’engagement républicain, à respecter les principes de liberté, d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine et de sauvegarde de l’ordre public (...). S’il est établi que l’association bénéficiaire d’une subvention poursuit un objet illicite (...), l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention procède (...) au retrait de cette décision et enjoint au bénéficiaire de lui restituer les sommes versées (...)."

L'article 11 prévoit que "les organismes qui délivrent des reçus, attestations ou tous autres documents par lesquels ils indiquent à un contribuable qu’il est en droit de bénéficier des réductions d’impôt (...) sont tenus de déclarer chaque année à l’administration fiscale (...) le montant global des dons et versements mentionnés sur ces documents (...)."

L'étude d'impact précise que ces dispositions permettent "d’appréhender des situations qui ne pourraient être légalement résolues par la dissolution de l’association" ("une mesure extrême qui donne lieu à un contrôle de proportionnalité étroit du juge"), y compris pour "des associations dont l’objet est licite mais dont les modalités de fonctionnement ne sont pas compatibles avec les principes de la République" et "génèrent des troubles à l’ordre public". Il s'agit aussi de "faciliter l'imputation à la personne morale des comportements individuels" "de rattacher les agissements de leurs membres à la personne morale"

En ce qui concerne l’instruction en famille, l'article 21 prévoit que "l’instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés. Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille sur autorisation". Cette autorisation est délivrée "annuellement par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation" et "ne peut être accordée que pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées les convictions politiques, philosophiques ou religieuses des personnes qui sont responsables de l’enfant". Ces motifs sont "l’état de santé de l’enfant ou son handicap", "la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives", "l'itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique d’un établissement scolaire", "l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant".

"Lorsqu’elle est obtenue par fraude, l’autorisation (...) est retirée sans délai. L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans les quinze jours suivant la notification du retrait de l’autorisation, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’elles auront choisi." Ces dispositions "entrent en vigueur à la rentrée scolaire 2021".

En ce qui concerne les établissements d’enseignement privés, l'article 22, prévoit que "lorsqu’il constate que des enfants sont accueillis aux fins de leur dispenser des enseignements scolaires sans qu’ait été faite la déclaration prévue à l’article L. 441-1, le représentant de l’État dans le département prononce, après avis de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, l’interruption de cet accueil et la fermeture des locaux utilisés (...). L’autorité compétente de l’État en matière d’éducation met en demeure les parents des enfants accueillis dans l’établissement d’inscrire leur enfant dans un autre établissement d’enseignement scolaire, dans les quinze jours suivant la notification qui leur en est faite (...). Le fait d’ouvrir un établissement d’enseignement scolaire privé en dépit d’une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions et formalités prescrites au présent chapitre est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende."

Les établissements privés "communiquent chaque année à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation les noms des personnels ainsi que les pièces attestant de leur identité, de leur âge, de leur nationalité et, pour les enseignants, de leurs titres" et "à la demande des autorités de l’État", l’établissement fournit "les documents budgétaires, comptables et financiers qui précisent l’origine, le montant et la nature des ressources de l’établissement".

L’une des autorités de l’État peut adresser au directeur d’un établissement "une mise en demeure de mettre fin (...) aux risques pour l’ordre public, la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs que présentent les conditions de fonctionnement de l’établissement ; aux insuffisances de l’enseignement, lorsque celui-ci n’est pas conforme à l’objet de l’instruction obligatoire (...), aux manquements aux obligations en matière de contrôle de l’obligation scolaire et d’assiduité des élèves (...). S’il n’a pas été remédié à ces manquements après l’expiration du délai fixé, le représentant de l’État dans le département peut prononcer, par arrêté motivé, la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement ou des classes concernées."

"En cas de refus de se soumettre au contrôle des autorités compétentes ou d’obstacle au bon déroulement de celui-ci, le représentant de l’État dans le département peut prononcer (...) la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement sans mise en demeure préalable (...). Le fait (...) de n’avoir pas pris (...) les dispositions nécessaires pour remédier aux manquements relevés est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (...). Le fait de ne pas procéder à la fermeture des classes ou de l’établissement faisant l’objet d’une mesure de fermeture (...) est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende."

L'étude d'impact indique que "des contrôles d’accueils collectifs de mineurs (...) et d’organismes de 'soutien scolaire' (...) ont mis en évidence l’existence d’écoles de fait", dont deux en Seine-Saint-Denis. "Des associations accueillaient ainsi des enfants officiellement déclarés instruits dans la famille(...). Dans le meilleur des cas, la vacuité de l’enseignement prodigué dans l’établissement ne correspond pas à l’obligation d’instruction. Dans le pire des cas, ce qui se veut un enseignement s’apparente davantage à un endoctrinement."

Il donne le chiffre de 62 398 enfants qui reçoivent l’instruction dans la famille ("+73,5% par rapport à 2018-2019"), dont "16 737 enfants inscrits au CNED réglementé" et 17 009 enfants âgés de trois à cinq ans "à la suite de l’abaissement de l’instruction obligatoire".

L'étude d'impact précise que "la procédure de déclaration d’instruction dans la famille" est remplacée "par un régime d’autorisation" pour laquelle "les motifs envisagés correspondent essentiellement à ceux ouvrant aujourd’hui droit à la prise en charge, par l’Etat, d’une inscription aux enseignements à distance dispensés par le CNED". L’inscription au CNED n'est pas obligatoire mais elle sera systématiquement proposée.

La loi conduit "conduit à une baisse du nombre d’enfants instruits dans la famille" et elle est donc susceptible de générer une baisse de revenus pour le CNED et les établissements privés d’enseignement à distance.

Quelque 29 000 enfants actuellement instruits dans la famille devraient être "scolarisés dans les établissements publics et privés sous ou hors contrat". "Le nombre d’enfants qui seraient autorisés à être instruits dans la famille est évalué, quant à lui, à 20 à 30 000." Si 19 200 de ces élèves sont scolarisés dans le premier degré public,  le coût "brut" est évalué à 840 équivalent temps plein. Pour 5 250 élèves supplémentaires scolarisés dans le second degré public, le coût brut est évalué à 337 ETP. pour 3 140 élèves supplémentaires dans le premier degré privé sous contrat, il est évalué à 125 ETP et pour 1 410 élèves supplémentaires dans le second degré privé sous contrat, à 56 ETP.

"S’agissant de l’impact pour l’Etat et pour les collectivités locales de la scolarisation dans les établissements d’enseignement privés des élèves précédemment instruits dans la famille (...), il est possible d’estimer le surcoût lié à la scolarisation de ces élèves à 2,8 millions d’euros pour le premier degré privé (3 140 élèves x 900 euros) et à 0,85 million d’euros (1 410 élèves x 600 euros) pour le second degré. Pour l’Etat, il conviendra également d’abonder (le budget) à hauteur des forfaits générés par la scolarisation des élèves précédemment instruits dans la famille." S'y ajouteront l’allocation de rentrée scolaire, soit 6,25 M€ supplémentaires et une hausse de la subvention au CNED. 

"L’examen des demandes d’autorisation d’instruction dans la famille représente une charge supplémentaire pour les médecins conseillers techniques qui seront amenés à expertiser un nombre croissant de demandes d’instruction dans la famille pour un motif médical" et pour "les services académiques qui devront vérifier les pièces transmises" (l'entourage du ministre avait assuré, lors de la présentation du projet de loi à la presse, que des moyens supplémentaires seraient accordés aux services administratifs, ndlr). "La détection de flux financiers suspects et l’identification d’éventuelles structures écrans nécessiteront une formation des services académiques et une coopération avec les services du ministère chargé du budget."

En ce qui concerne les collectivités territoriales, la mesure devrait se traduire par des dépenses supplémentaires évaluées à 69,6 M€ "en intégrant l’ensemble des coûts immobiliers, d’hébergement, de restauration, de transports scolaires", compensées partiellement par la baisse de la démographie ce qui les ramènerait à 12,6 M€. "Cette mesure ne constitue pas une extension de la compétence scolaire des collectivités territoriales".

L'étude d'impact donne l'exemple de quatre affaires récentes qui "illustrent les limites du dispositif actuel" : un établissement où avaient été constatés "des manquements pédagogiques auxquels il n’avait pas été remédié", et dont le tribunal correctionnel avait prononcé la fermeture "plus de dix-huit mois après les faits", mais une procédure d'appel avait suspendu le processus et l'établissement n'a été fermé que parce qu'il avait fait faillite. Une "école démocratique" a "continué de fonctionner et a même procédé à l’inscription de nouveaux élèves" malgré les mises en demeure et la justice n'a pas procédé à sa fermeture judiciaire. Un troisième établissement où avaient été constatées "des carences dans l’enseignement dispensé" en 2016, avait été fermé par le tribunal correctionnel compétent mais le jugement infirmé par la Cour d’appel en 2018 tandis que "deux nouveaux établissements ont été ouverts à la même adresse que l’établissement précité, accueillant les mêmes élèves". Le 4ème cas exposé concerne une "école clandestine" qui n'a pu être fermée que "parce que cet établissement de fait méconnaissait les règles applicables(...) dans le cadre de la crise sanitaire".

En ce qui concerne la passation sous contrat des établissements hors contrat, le projet de loi (article 24) prévoit qu'elle "est subordonnée à la vérification de la capacité de l’établissement à dispenser un enseignement conforme aux programmes de l’enseignement public", mais pour le contrat simple, il s'agit de "la capacité d’organiser l’enseignement par référence aux programmes de l’enseignement public

L'étude d'impact précise qu'il "est proposé de prévoir explicitement la possibilité pour l’Etat de fonder un refus de conclure de tels contrats au motif que l’établissement n’est pas en mesure de satisfaire aux obligations de nature pédagogique qui procèdent de ces contrats. Ce motif s’ajoutera à ceux déjà prévus par les dispositions actuellement en vigueur. Un tel contrôle permettra de vérifier la capacité pédagogique de l’établissement à dispenser un enseignement conforme ou par référence aux programmes de l’enseignement public, en s’appuyant notamment sur le matériel pédagogique utilisé, la proximité de l’enseignement dispensé avec les programmes, les qualifications des enseignants ou encore la progressivité dans les apprentissages."

Le projet de loi ici

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