Archives » Recherches et publications

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Politique de la ville : climat et résultats scolaires évoluent peu malgré une amélioration entre 2013 et 2018 (Cour des Comptes)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le lundi 07 décembre 2020.

La Cour des Comptes a publié, mercredi 2 décembre 2020, un rapport consacré à "L'Évaluation de l'attractivité des quartiers prioritaires", l'éducation ayant été choisie parmi les trois thématiques sur laquelle la Cour a concentré son travail, avec le logement et l'activité économique. Cette évaluation a porté sur la décennie 2008-2018 et sur 8 quartiers qui ont été étudiés dans 4 Régions, Hauts-de-France, Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur. Alors que c'est une "politique publique majeure" - l'État lui consacre environ 10 milliards d'euros chaque année, auxquels s'ajoutent les financements de la rénovation urbaine et les dépenses des collectivités territoriales concernées -, la Cour des Comptes observe, pour ce qui relève du champ scolaire, que les résultats scolaires évoluent peu (ils restent inférieurs aux moyennes nationales) et fait le constat d'une "faible coordination entre l'Éducation nationale et les autres parties prenantes – collectivités, associations, familles –" qui "ne valorise pas le rôle central de l’éducation dans l'évolution 'par le haut' des quartiers". Elle observe aussi que les dispositifs périscolaires et d'accompagnement éducatif sont "peu utilisés, faute d'information ou de motivation des bénéficiaires" et qui semblent mal répondre aux besoins spécifiques des habitants.

La Cour des Compte identifie 4 orientations générales à suivre et formule 13 recommandations, parmi lesquelles figurent une réforme substantielle de la politique de la ville en renforçant sa décentralisation pour permettre une différenciation accrue autour de "projets de quartiers" affichant leurs propres priorités, objectifs et indicateurs de suivi, mais aussi mieux faire connaître les dispositifs de l'éducation prioritaire pour rendre attractifs les établissements scolaires et mieux les articuler avec les dispositifs des communes ou des départements, des centres sociaux et des associations financées par l’État sur les crédits de la politique de la ville ou par les collectivités.

Des dispositifs qui peinent à maintenir le niveau scolaire, mais une amélioration quand même des résultats

"Le climat et les résultats scolaires évoluent peu", écrit en effet la Cour des Compte. Un constat qu'elle étaye mais son évaluation laisse apparaître quelques effets positifs quand même. Certes, les établissements scolaires en quartiers de la politique de la ville (QPV), qui relèvent majoritairement de l'éducation prioritaire, présentent des résultats scolaires "inférieurs à ceux constatés hors QPV" mais ils se "sont légèrement améliorés depuis dix ans" et ne sont pas non plus "notablement" orientés à la baisse. Selon l'évaluation "Repères CP et CE1" publiée en 2019, l'écart entre les élèves de l'éducation prioritaire et ceux scolarisés hors éducation prioritaire se réduit en CE1 pour s'établir à -10 points, contre -12 en 2018. De même, si le retard scolaire à l'entrée en sixième est plus important pour les élèves habitant dans un QPV (écart deux fois plus élevé), il a connu néanmoins une "forte diminution" entre les rentrées 2013 et 2018 puisque leur proportion est passée de 30 % en 2013 à 16,6 % à la rentrée 2018.

De même, si le climat scolaire est "moins favorable pour les établissements scolaires en éducation prioritaire", la Cour note néanmoins que dans les huit quartiers étudiés, "la plupart des chefs d'établissement ont jugé que le climat scolaire s'était plutôt apaisé au cours des dernières années, notamment grâce à une amélioration des relations avec les familles et à des projets spécifiques permettant de valoriser l'engagement des élèves". En effet, stabilité et implication des équipes pédagogiques influent sur l'évolution du climat scolaire. Or, justement sur ce plan, écrit la Cour, les dispositifs mis en oeuvre dans le cadre de l'éducation prioritaire ont permis d'augmenter le nombre d'enseignants et de stabiliser ces équipes.

Des dispositifs périscolaires qui répondent mal aux besoins spécifiques des habitants

Pour autant, la plupart des constats faits par la Cour restent sévères. Le point le plus négatif semble se trouver du côté des dispositifs périscolaires et d'accompagnement éducatif. Alors qu'ils sont "nombreux", la Cour relève qu'ils "sont peu utilisés, faute d'information ou de motivation des bénéficiaires" et semblent mal répondre aux besoins spécifiques des habitants pour des raisons à la fois culturelles et économiques, alors que ce sont des "leviers d'ouverture et de mixité pour les jeunes comme pour les parents", ce qui concerne autant les dispositifs qui relèvent des communes (cantine scolaire, centres de loisirs) que ceux de l'Éducation nationale ou de la politique de la ville (contrat local d'accompagnement à la scolarité, actions de sensibilisation aux valeurs de la République, programme de réussite éducative, plan "devoirs faits", etc.).

Et cette "lacune"est d'autant plus "problématique" qu'elle est concurrencée par le développement d'une offre périscolaire associative, voire des écoles hors contrats, d'inspiration religieuse ou communautaire, que les collectivités ou les services de l'État identifient comme peu en phase avec les principes du service public. L'un des paramètres de leur développement actuel est d'ailleurs "la proximité de ces offres en 'pied d'immeuble' avec des horaires adaptés à la vie des familles". Il faudrait donc améliorer les outils de connaissance des besoins spécifiques de ces quartiers et de leurs habitants, écrit la Cour, afin d'assurer un "juste calibrage" des dispositifs de droit commun avant de leur attribuer des moyens spécifiques, travail conjoint que doivent mener le ministère de l'intérieur et l'ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires).

Mieux faire connaître les dispositifs de l'éducation prioritaire

Il conviendrait également de mieux faire connaître les dispositifs de l'éducation prioritaire pour rendre attractifs ces établissements scolaires et mieux les articuler avec les dispositifs des communes ou des départements, des centres sociaux, voire des associations financées par l'État sur les crédits de la politique de la ville ou par les collectivités. L'ensemble devrait notamment être coordonné dans le projet éducatif territorial (PEDT) pour l'articulation des temps scolaires et périscolaires et dans contrats éducatifs locaux (CEL) pour les autres actions, pour qu'elles puissent s'inscrire dans la durée, être adaptées aux besoins de chaque territoire et des parents, écrivent les auteurs du rapport qui citent des exemples de pratiques qui vont dans ce sens, comme une crèche communale qui propose un dispositif passerelle avec l'école maternelle dans le QPV des Provinces Françaises à Maubeuge afin de faciliter l'intégration des enfants dès l'âge de deux ans, des accompagnements aux devoirs organisés dans les écoles et financés par la commune à Nice, ou encore une restauration scolaire à 1€ pour permettre à un plus grand nombre d'enfants de déjeuner à l'école ou au collège.

Autre constat de la Cour, "la faible coordination entre l'Éducation nationale et les autres parties prenantes – collectivités, associations, familles – [qui] ne valorise pas le rôle central de l'éducation dans l'évolution 'par le haut' des quartiers" et ne contribue pas à l'attractivité du quartier, contribuant de fait à ce que la mixité sociale reste "très réduite", celle-ci s'étant "même dégradée en dix ans". La Cour relève ainsi que les habitants ne trouvent aucune indication concernant les établissements scolaires lorsque leur sont soumises les offres de logement du parc social, "absence" qui "contraste avec les informations mises en avant par les annonces immobilières relatives à des logements proposés à proximité des collèges ou lycées réputés des grandes agglomérations". Or, par exemple, le passage au collège pouvant induire une scolarisation hors du QPV, l'information sur le secteur de rattachement présenterait alors un intérêt manifeste pour les familles. À ce titre, la Cour recommande de fournir cette information sur le site du service national d'enregistrement (SNE) des demandes de logement social ou sur les sites qui l'alimentent.

Ajuster les zonages utilisés en matière éducative, économique et de sécurité pour les faire coïncider avec la géographie prioritaire

Cette efficacité insuffisante est enfin aussi à mettre sur le compte d'un manque de cohérence de l'action publique. Ainsi, l'absence de coïncidence des multiples zonages (zones de reconquête républicaine en matière de sécurité, zones franches urbaines en matière de développement économique, carte scolaire, carte de l'éducation prioritaire, etc.) contribue à rendre illisible cette action renforcée. À tous ces titres, la Cour appelle, pour les prochains contrats de ville 2023-2028, à une réelle déclinaison de la décentralisation inscrite dans les textes. Cette toute première recommandation doit permettre "une différenciation locale autour de 'projets de quartiers' inclus dans chaque contrat de ville et affichant leurs propres priorités, objectifs et indicateurs de suivi". L'État devra se concentrer sur la définition d'un cadre commun adaptable, en contrôlant sa mise en oeuvre, "ce qu'il ne fait guère", alors que la mise en oeuvre et l'évaluation de ces contrats devront être confiées à la collectivité signataire "localement la plus pertinente".

La Cour invite aussi, sous le contrôle et avec l'accord des services déconcentrés de l'État, à autoriser les contrats de ville à ajuster les zonages utilisés en matière éducative, économique et de sécurité pour les faire coïncider au maximum avec la géographie prioritaire, ainsi qu'à intégrer comme axe structurant des futurs projets de quartiers et contrats de ville 2023-2028 la mise en place d’un parcours global d'accompagnement des jeunes de l'enfance à la fin de l'adolescence, travail qui reviendrait à l'ANCT et au ministère de l'éducation.

L'intégralité du rapport ici

Camille Pons

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →