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Un portrait nuancé des enseignants (DEPP)

Paru dans Scolaire le jeudi 19 novembre 2020.

"Les enseignants vivent majoritairement en famille", ils sont, trois fois sur quatre, propriétaires de leur logement, plus souvent que les cadres non enseignants. "Ils vivent dans des familles ayant une plus forte stabilité professionnelle, le conjoint ayant souvent un emploi à temps plein et qualifié." La DEPP (le service statistique de l'Education nationale) publie un portait des enseignants dont voici des éléments significatifs, extraits de plusieurs articles de ce fort volume (368 p.).

Si leurs conditions de vie "sont proches de celles des cadres non enseignants", voire "légèrement plus favorables", leurs salaires sont inférieurs à ceux "des diplômés du supérieur de niveau équivalent", d'autant qu'une minorité d’enseignants "est confrontée à des contraintes de vie familiale fortes : en famille avec enfants, et un conjoint sans emploi ; en famille monoparentale ; ou dans des logements suroccupés".

"Au regard de l’ensemble des individus exerçant une activité professionnelle, l’origine sociale des enseignant.e.s est nettement plus élevée", mais ils (elles) sont "plus souvent issu.e.s des couches intermédiaires que l’ensemble des cadres". Depuis les années 1990, "les milieux populaires accèdent plus à la profession d’enseignant.e" et la masterisation "n’a pas diminué l’accès à la profession pour les enfants de milieux populaires". "Les enseignant.e.s ne représentent pas un groupe professionnel homogène au regard de leur origine sociale (...). Un.e enseignant.e sur trois (34 %) est fils ou fille d’ouvrier.e ou employé.e (...). Les professeurs sont donc plus souvent recruté.e.s parmi les fils et filles de parents les mieux positionné.e.s sur l’échelle sociale, traduisant un accès socialement sélectif à la profession." Près de la moitié, 44 % des enseignant.e.s "ont soit un père, soit une mère exerçant dans le secteur public", mais on assiste à "une baisse de la part d’enfants de cadres qui se dirigent vers les professions de l’enseignement".

 "Alors qu’historiquement, les enseignant.e.s du second degré n’avaient pas la même place dans la structure sociale que les instituteur.rice.s, en 2015, les enseignant.e.s du second et du premier degré ont sensiblement la même origine sociale, confirmant ainsi le mouvement de rapprochement des origines sociales identifié dès les années 1970 et confirmé au début des années 2000." En revanche, les enseignant.e.s de lycée professionnel sont les plus issu.e.s des milieux populaires.

Les enseignants se sont engagés dans leur métier pour "jouer un rôle dans le développement des enfants et des adolescents" et pour "apporter [leur] contribution à la société". Ils ont des "attentes élevées à l'égard de la réussite des élèves", en Europe, seuls leurs collègues anglais en ont davantage, mais ceux-ci sont nettement plus stressés. Pourtant, "l’exercice du métier d’enseignant demeure plus solitaire en France que chez nos voisins européens, même s’il faut noter l’évolution des activités collaboratives dans les collèges de l’éducation prioritaire qui pourrait être mise en relation avec la réforme de la politique d’éducation prioritaire intervenue en 2015."

"Les enseignants débutent leur carrière de plus en plus tardivement, avec un âge moyen qui a progressé entre 2008 et 2018 (+ 3,9 ans dans le second degré, + 2,6 ans dans le premier degré) (...). La part des personnes ayant déjà une expérience professionnelle extérieure à l’enseignement, dans les secteurs public ou privé, ou ayant été sans emploi augmente, particulièrement parmi les admis aux concours du premier degré."

"Le groupe professionnel des enseignant.e.s du primaire connaît une crise de recrutement" et on assiste à "une désaffection progressive pour la profession à partir de 2005, c’est-à-dire bien avant la première réforme de la mastérisation". Celle-ci "a amplifié une crise de recrutement qui se profilait déjà quelques années auparavant". Parmi les explication, l'accès des jeunes femmes à des filières d’études "longtemps dominées par les hommes (droit, économie, médecine)" et "à des fonctions autrefois perçues comme masculines", au point que "la reproduction de la profession s’appuie depuis plus de 30 ans sur les reconversions professionnelles de personnes qui décident à un moment de leur trajectoire biographique de la rejoindre".

La représentation que les enseignants se font de leur métier est positive en termes de passion, de plaisir,de rapport à l’élève, de missions éducatives, de qualités humaines. Elle est négative "concernant la charge et les conditions de travail associées à un manque de reconnaissance, sources d’épuisement pour les enseignant.e.s", d'autant qu' "il revient aux professeurs des écoles eux-mêmes de maîtriser la quantité de travail qui leur est demandée". Ils considèrent en grande majorité "qu’ils ne sont soumis à aucun contrôle concernant leurs horaires de travail" et "cette marge de manœuvre est à double tranchant : si elle maintient une certaine autonomie dans la réalisation des tâches, elle peut aussi s’accompagner d’un sentiment d’isolement (...). De plus, les professeurs des écoles sont ceux qui, avec les cadres du public, disent être le moins aidés par leurs supérieurs hiérarchiques."

Les réformes des rythmes scolaires (en 2013) et la mise en place, dans les collèges, des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) ont été "conduites depuis le centre" avant d'être déclinées localement et la perception par les enseignants du fonctionnement de l’Éducation nationale en cours de réformes est "un facteur de renforcement ou de limitation du sentiment d’une dévalorisation sociale de leur métier".

Autre élément négatif, "44 % des enseignants estiment que les élèves dans leurs classes manquent de reconnaissance à l’égard de leur travail et ce pourcentage s’élève à près de 62 % pour les parents (...). Le travail des enseignants ne bénéficie pas de la considération attendue, ni sous le regard extérieur des familles ni sous le prisme des premiers concernés, c’est-à-dire les élèves eux-mêmes. Plus encore, les enseignants du second degré peuvent avoir le sentiment qu’on leur demande d’être efficaces et de rendre des comptes, mais sans gratifications en retour." Quant à leur niveau de salaire, il ne correspond pas au travail "réel". Toutefois, "pour la plupart des interviewés, l’éducation prioritaire est pensée comme un élément facilitant la reconnaissance", liée à un sentiment d’utilité sociale.

3 % des enseignants quittent chaque année l’Éducation nationale, deux fois sur trois parce qu'ils partent à la retraite, d'autres (3 600 en 2018) se mettent en disponibilité, 1 510 effectuent un détachement dans une autre administration (dans l'enseignement supérieur souvent). D'autres encore (1 400) démissionnent. "Le pourcentage de démissions est en augmentation ces dernières années : 0,08 % en 2013-2014 à 0,20 % en 2017-2018." Celles des enseignants stagiaires expliquent en grande partie cette évolution. Hors stagiaires, ces démissions sont essentiellement le fait d'enseignants qui étaient en disponibilité.

Le volume est téléchargeable ici

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