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Former aux enjeux de la transition écologique : une hybridation de compétences plutôt que de nouvelles compétences (France Stratégie)

Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 06 novembre 2020.

"Quelle adaptation de l'offre de formation aux enjeux de la transition écologique ?" : telle est la question à laquelle ont tenté de répondre les intervenants à une webconférence organisée le mercredi 4 novembre par France Stratégie. Cette webconférence était la 3e d'un cycle de 5, cycle construit par France Stratégie, le CEREQ (Centre d'études et de recherches sur les qualifications), l'ADEME et l'Observatoire national des emplois et métiers de l'économie verte (Onemev) pour réfléchir à la façon dont on doit transformer les emplois, les compétences et les formations. Parmi les besoins et attentes identifiés par les intervenants, figurent le développement de compétences sociales, dont la capacité de coopération, et de nouvelles formations hybridant plusieurs blocs de compétences. Cette session, après une première consacrée aux enjeux et une seconde aux méthodes d'observation de ces nouveaux besoins, était organisée autour d'un fil rouge : quels ajustements de l'offre de formation peut-on faire en réponse à ces évolutions ? Et ce, alors que l'on est face à un "maillage complexe des dispositifs de formation" (formation initiale, scolaire ou professionnelle ou en apprentissage, supérieure, formation continue professionnelle) et impliquant beaucoup d'acteurs (les pouvoirs publics qui peuvent être formateurs et certificateurs, les Régions, les entreprises avec les branches professionnelles et les partenaires sociaux, France Compétences, les Maisons de l'Emploi, les chambres consulaires, les organismes de formation...).

"La dimension humaine" apparaît aujourd'hui aussi importante dans les secteurs de l'agriculture et de l'alimentation que "l'expertise technique". Tel est l'un des constats que pose Joëlle Guyot, adjointe à la sous-direction des politiques de formation et d'éducation à la direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, à l'aune des résultats d'une "large consultation", qui s'est achevée début 2020, pour faire remonter les attentes en matière de formations relevant de ce ministère, alors que ce dernier poursuivait aussi un objectif : "rendre plus lisible l'offre de formation", voire "l'élargir".

La dimension humaine aussi importante que l'expertise technique

Si le "tournant vers l'agro-écologie" s'est opéré dès 2014 avec la loi d'avenir pour l'agriculture qui avait "posé comme principe la triple performance, environnementale, économique et sociale" et engagé le rénovation des diplômes en prenant en compte ce prisme, cette étude, qui a identifié la "préoccupation environnementale" comme "préoccupation majeure" devant la transition numérique puis la dimension économique, a aussi mis en avant la nécessité de renforcer les compétences dites "sociales" ou "soft skills" : "savoir travailler en équipe, s'engager dans des projets, expliciter, avoir de l'aisance à l'oral...".

Elle rejoint le constat d'une étude commanditée par ministère de l'Éducation nationale en 2007-2008, qui concernait les attentes en matière de développement durable et de gestion de l'environnement, en ciblant le champ majeur à cette époque, l'énergétique du bâtiment. De cette étude remontait l'attente d' "une culture commune qui favorise une dimension de savoir-faire technique et surtout une manière d'exercer ensemble", explique Brigitte Trocmé, adjointe à la sous-directrice des lycées et de la formation professionnelle au ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. Manière d'exercer qui suppose notamment, précise-t-elle, "des logiques de coopération, de projet". Une dimension "importante" qui impliquait aussi "une évolution dans la manière d'enseigner, donc de la pédagogie". La "méthode d'intégration" bâtie dans ce cadre a ensuite servi de cahier des charges pour l'ensemble des référentiels de toutes les formations et les "rénovations" progressivement étendues au secteur des services, de l'aide aux personnes, etc.

Davantage de besoins en hybridation de compétences que de compétences pour de nouveaux métiers

Autre besoin important souligné par Antoine Amiel, l'administrateur de la Fédération de la formation professionnelle (FFP) et le directeur adjoint de la certification professionnelle à France Compétences, Vincent Caputo, transformer l'offre de formation davantage avec une "hybridation d'activités" que développer de nouvelles compétences. Car, même s'ils existent, les métiers émergents sont moins nombreux que "les métiers en phase d'évolution", constate ce dernier qui illustre cette tendance au travers de deux exemples : le végétaliseur urbain, qui constitue "un croisement typique d'activités" puisqu'il demande à la fois des compétences de jardinier mais aussi des connaissances particulières de certains matériaux ; ou encore l'aquaponie, métier qui est un "croisement de l'horticulture et de la pisciculture" (les poissons produisent des déjections pleines d'ammonium qui sont transformées naturellement en nitrates par des bactéries et les plantes consomment ces nutriments pour leur croissance et filtrent alors l'eau des poissons).

Pour identifier ces attentes, France Compétences, comme les deux ministères, s'est appuyé également sur un appel à contributions lancé l'an dernier à l'intention de l'ensemble des acteurs (et qui doit être suivi par un deuxième). De ce premier appel, France Compétences a reçu 22 contributions - "en cours d'instruction - pour 36 métiers des secteurs notamment du bâtiment, de la métallurgie, de la plasturgie, du recyclage, de la déconstruction, du désamiantage.

Toutes les filières du ministère de l'Agriculture rénovées pour la transition écologique d'ici à 2024

Différents acteurs de la formation ont d'ores et déjà commencé à intégrer ces évolutions. Au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, par exemple, le secteur de la production agricole a été "passé au peigne fin" depuis 2014, et ses diplômes "rénovés profondément du CAP au BTSA"; le ministère se fixe aujourd'hui pour objectif, initialement programmé pour 2022, la rénovation de toutes les filières pour 2024. Les années qui suivront concerneront à ce titre "les filières connexes" : la transformation alimentaire, l'agro-équipement, les services en milieu rural, la production aquacole et la forêt. Le ministère compte aujourd'hui 122 diplômes et des spécialisations.

L'AFPA a passé de son côté ses 300 titres au "peigne fin de ces nouveaux enjeux" à la demande du ministère du Travail, et expérimente des formations à des métiers émergents, la Région Val de Loire a inscrit la prise en compte de cette dimension dans l'ensemble de son plan de formation...

Une adaptation qui ne passe pas nécessairement par de nouvelles formations initiales

Brigitte Trocmé évoque par ailleurs, comment, à côté de remaniements plus profonds, ont plutôt été opérées des "colorations", alors que le ministère est davantage sollicité pour la mise en place de formations initiales, pourtant "plus lourdes" à mettre en place. À une demande de mise en œuvre d'un diplôme préparant à la maintenance de éolienne maritime, choix avait été fait de créer plutôt une option dans le cadre d'un BTS maintenance des équipements. Il s'agissait d'éviter que cela ne "génère une attractivité trop forte en formation initiale" au regard des débouchés potentiels, tout en maintenant "une employabilité" dans des métiers que l'on n'exerce pas longtemps du fait de leur pénibilité. Ce choix s'était en outre avéré pertinent car "les métiers de l'éolien n'ont pas été au rendez-vous", observe Brigitte Trocmé.

Son homologue du ministère de l'Agriculture cite un autre exemple de possibilité d'adaptation, accompagner des territoires sur des besoins qui leur sont particuliers. Ainsi, ce ministère avait appuyé, avec ses capacités d'ingénierie pédagogique, la création d'une unité d'adaptation régionale pour la Guadeloupe et la Réunion qui étaient confrontées à la pollution de leurs sols, pour la formation de "responsables d'unités de méthanisation agricole", "une partie de diplôme mais qui vaut bloc de compétences", explique-t-elle.

L'acculturation est incontournable, mais ne doit pas être "généraliste" et éloignée des métiers

Les intervenants ont souligné par ailleurs qu'il restait encore des freins à lever. Outre constater que la "maturité sociale n'est pas encore là" (une enquête a montré que 50 % des agriculteurs disaient avoir "conscience que la transition écologique est un sujet" mais une autre moitié non), Antoine Amiel relève d'autres freins, comme la présence dans ce secteur de beaucoup de saisonniers, et de nombreuses PME qui n'ont souvent pas de "politique de formation proactive". Pour lui, il faudrait dès lors conduire une "acculturation globale" dans l'ensemble de ces secteurs, dans l'Éducation nationale, l'Agriculture, etc. 

Acculturation à ne pas mener n'importe comment néanmoins, celui-ci pointant le "risque" d'une approche trop "généraliste" et "pas très proche des métiers". Il faudrait éviter, par exemple, de donner "une certaine vision de la transition, pas forcément partagée", type d'approche qui avait été, selon lui, à l'origine de l'échec de celle qui avait été menée pour le numérique. "On a dit que les Français n'étaient pas matures car leurs usages n'étaient pas bons, mais ils n'avaient pas les mêmes tout simplement", estime-t-il.

Camille Pons

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