Le Conseil d'Etat reconnaît implicitement le caractère de contrats aux PEDT (André Legrand)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 22 octobre 2020.
Les projets éducatifs territoriaux ou PEDT constituent un instrument important de coopération entre l’Etat et les collectivités territoriales dans le domaine éducatif. Ayant pris la suite des "contrats éducatifs locaux", ils ont fait l’objet d’un renouvellement non négligeable avec la réforme des rythmes scolaires instaurée par Vincent Peillon, puis avec la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour l’école de la République. Ils sont actuellement régis par l’article L. 551-1 du code de l’éducation et constituent le cadre d’organisation essentiel des activités périscolaires. Elaborés conjointement, ils prennent la forme d’une convention entre le maire, le préfet, le DASEN et, éventuellement, d’autres partenaires, par exemple associatifs.
Avec l’arrêt rendu le 9 octobre 2020, c’est la première fois qu’un contentieux concernant un PEDT arrive au niveau de la Haute juridiction. La commune de Montpellier avait conclu en 2015, pour l’organisation des activités périscolaires offertes dans la commune, une convention de PEDT avec l’Etat et la caisse d’allocations familiales de l’Hérault. Des parents d’élèves mécontents ont demandé au TA de Montpellier l’annulation du projet, qu’ils contestaient sur plusieurs points : d’une part, selon eux, la convention ne fixait pas avec suffisamment de précision la liste des activités concernées. En second lieu, soulignaient-ils, elle établissait une discrimination entre les écoles de la commune situées en ZEP et les autres : une fois par semaine, contre deux fois pour les autres écoles ; les auteurs de la convention estimait en effet plus important de maintenir des séances existantes d’aide aux devoirs au bénéfice des élèves en difficulté. Enfin, la convention autorisait une dérogation aux taux d’encadrement que les parents contestataires jugeaient nocive pour la sécurité des élèves.
Si le TA avait rejeté le recours, la CAA de Marseille l’avait accueilli favorablement en appel, en annulant le PEDT. Son arrêt était déféré en cassation devant le Conseil d’Etat par la ville de Montpellier. Le Conseil censure le point de vue de la Cour, annule son arrêt et lui renvoie l’affaire pour nouvel examen. Cette série de contradictions successives nous confronte à une question classique du droit administratif : celle de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir intenté par les tiers contre les clauses d’un contrat.
On sait, depuis l’arrêt Croix de Seguey-Tivoli de 1906, que les usagers peuvent déférer au juge de l’excès de pouvoir tous les actes qui se rapportent à l’organisation ou au fonctionnement d’un service public ; que ces actes figurent dans des dispositions réglementaires ou qu’ils relèvent de clauses détachables d’un contrat. Le juge en avait même déduit en 1996 que les clauses réglementaires d’un contrat relevaient du juge de l’excès de pouvoir. "Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, rappelle ici le Conseil, un tiers à un contrat est recevable à demander, par la voie du recours pour excès de pouvoir, l’annulation des clauses réglementaires contenues dans un contrat administratif qui portent une atteinte directe et immédiate à ses intérêts. Revêtent un caractère réglementaire les clauses d’un contrat qui ont, par elles-mêmes pour objet l’organisation ou le fonctionnement d’un service public."
En l’espèce, la convention définissait les instances d’élaboration et de coordination du projet, la composition de son comité de pilotage, la liste des types d’activités périscolaires concernées, les horaires et la fréquence et elle déterminait les personnels et les associations susceptibles d’y participer. Comme on l’a déjà dit, les principales clauses contestées touchaient à la liste des activités concernées et à la fréquence des séances. Ces clauses concernaient bien l’organisation et le fonctionnement du service public facultatif des activités périscolaires. Elles avaient bien un caractère réglementaire et étaient donc susceptibles d’être attaquées par la voie du recours pour excès de pouvoir.
"En s’estimant saisie d’un litige de plein contentieux, la CAA de Marseille a commis une erreur sur l’étendue de ses pouvoirs, laquelle doit être relevée d’office par le juge de cassation." Son arrêt est donc annulé et l’affaire lui est renvoyée pour réexamen du fond.
La décision 422483 du 9 octobre ici
André Legrand.