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Enfants co-victimes de violences conjugales : créer un cadre plus protecteur et former les professionnels, y compris à l'école (HCE)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice le jeudi 15 octobre 2020.

Le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes a remis, le 9 octobre 2020, son rapport "Violences conjugales - Garantir la protection des femmes victimes et de leurs enfants tout au long de leur parcours" à Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances. Il contient 44 recommandations, dont certaines visent à assurer une meilleure protection et prise en charge des enfants co-victimes de ces violences. Outre recommander que l'exercice de l'autorité parentale ne soit confié qu'à la seule victime, parce que "l'exercice conjoint de l'autorité parentale permet au père violent de continuer à exercer son emprise, voire des violences psychologiques ou physiques, contre la mère et l'enfant" et, dans le cas de meurtre de l'autre parent, à "modifier la loi afin d'étendre la suspension systématique de l'exercice de l'autorité parentale du parent poursuivi ou condamné", le HCE invite à organiser les rencontres père-enfant dans un cadre protecteur et, à ce titre, à augmenter le nombre d'espaces de rencontre protégés et à mettre en place des mesures d'accompagnement protégé avec du personnel spécialisé. Entre autres mesures destinées à mieux protéger les enfants, figurent aussi celles de former et outiller les personnels des établissements scolaires au repérage et à la prévention des violences.

Les premières mesures, qualifiée de "traitement adapté de la parentalité" et qui consistent à limiter le contact avec le parent violent, voire à supprimer son autorité parentale, se justifient, selon les auteurs du rapport, par le fait que "certaines périodes mettent particulièrement en péril les enfants", entre autres la période de la séparation durant laquelle "les enfants peuvent être victimes de pressions et de chantages de la part du père violent". Ceux qui conservent cette autorité parentale peuvent aussi prendre des décisions préjudiciables au développement de l'enfant, observe le HCE : interdiction d'un suivi psychologique, d'opérations médicales ou d'une orientation scolaire, notamment en saisissant le juge des affaires familiales (JAF) pour obtenir une ordonnance d'arrêt de suivi. "Or, une prise en charge psychologique ou psychotraumatique est fondamentale pour les enfants co-victimes de violences conjugales", écrit le HCE qui regrette, en s'appuyant sur le rapport du GREVIO (novembre 2019), que "le retrait de l'autorité parentale de l'auteur des violences reste exceptionnel, même en cas de condamnation pénale définitive, et ce malgré la persistance du danger encouru par la mère et l'enfant".

Plus d'espaces de rencontre protégés

Le développement d'espaces de rencontre médiatisés s'avère également à ce titre indispensable. La présence de seulement 220 espaces de ce type sur le territoire engendre en effet des temps d'attente pouvant aller de 2 semaines à 8 mois, selon une enquête de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), et donc "une incapacité à mettre en œuvre les décisions de justice dans des délais adéquats".

Les auteurs invitent en même temps à penser ces espaces de rencontres sur le modèle de la mesure d'accompagnement protégé (MAP, accompagnement des enfants du lieu de résidence de la mère vers le lieu de droit de visite du père décidé par le JAF) ou le modèle des espaces de rencontre protégés (les rencontres entre l'enfant et le père auteur de violences ont lieu en présence d’un professionnel formé, et font toutes l'objet d'un compte-rendu détaillé et toute tentative d'instrumentalisation de l'enfant par le père est signalée au JAF). Ou encore à s'inspirer du protocole mis en place par l'Observatoire du conseil départemental de Seine-Saint-Denis suite à un féminicide / homicide : le procureur de la République confie les enfants au service départemental de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) en vue d'une hospitalisation au Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger, où ils sont pris en charge par le service de pédiatrie avec des soins en pédo psychiatrie, ce qui "laisse également le temps pour évaluer à qui confier les enfants ensuite".

Vers la création d'un brevet du respect entre les sexes dans les écoles ?

Autre recommandation importante du HCE, développer la formation. D'une part à destination des professionnels qui encadrent les visites (en "déficit" actuellement) pour faire connaître les mécanismes des violences conjugales et leurs impacts sur les enfants, pour que ces professionnels sachent notamment identifier d'éventuelles stratégies d'emprise mises en place par le père auteur de violences (manipulation, intimidation...) et rendre le même type de formation obligatoire à destination des professionnels de l'éducation dans les écoles, en mobilisant le kit de formation Tom et Léna construit en 2015 par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, en lien avec l'Éducation nationale et la Protection judiciaire de la jeunesse.

Pour les personnels des écoles, ils invitent également à mettre en place un module obligatoire de formation initiale et continue sur l'égalité. Car, outre être à l'origine de syndromes de stress post-traumatique, de reproduction de comportements violents (agressivité, brutalité), de décrochage scolaire (mauvais résultats, absentéisme), de mal-être (manque d'estime de soi, anxiété, dépression), voire de suicide, les violences conjugales "influent sur leurs représentations de la conjugalité et des rôles sociaux de sexe" : à l'âge adulte, les garçons ont un risque plus élevé de devenir auteurs de violences, et les filles d'être victimes de violences conjugales. Le HCE recommande aussi, mesure retenue lors du Grenelle des violences conjugales, de dédier un conseil de vie collégienne et un conseil de vie lycéenne à la réalisation d'un diagnostic annuel sur l'égalité filles-garçons en milieu scolaire. Concernant cette dimension, le HCE a aussi été saisi, en mai 2020, par la Secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations et le Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, pour "formuler des propositions destinées à sensibiliser à l'égalité entre les femmes et les hommes dès le plus jeune âge et étudier les modalités de création d'un brevet du respect entre les sexes dans les écoles".

Le rapport du HCE ici

Camille Pons

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