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Orientation : rendre obligatoires au lycée les 54 heures annuelles qui y sont dédiées (rapport d'information, Assemblée nationale)

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 01 octobre 2020.

Si les évolutions structurelles renforcent la place de l'orientation, la mise en œuvre de cette orientation est "laborieuse" et son organisation "complexe". Telle est la principale analyse que font les députés Nathalie Sarles (LaREM) et Régis Juanico (SOC) dans un rapport remis à l'Assemblée nationale fin juillet. Les députés avaient été désignés en mars 2019 par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques pour réaliser une mission d'évaluation de l'accès à l'enseignement supérieur, avec l'assistance de la Cour des Comptes. Ceux-ci font 14 propositions parmi lesquelles figurent celles de faire de l'orientation "une matière à part entière avec des accompagnants spécialement formés", en rendant notamment obligatoires dans l'emploi du temps des lycéens les 54 heures annuelles consacrées spécifiquement à l'orientation. Ces mesures sont justifiées par un constat global : l'orientation reste "le maillon faible" de l'accès à l'enseignement supérieur (la Cour des Comptes fait notamment état d'un nombre important d'inscrits sur Parcoursup au titre d'une réorientation) et malgré "la sensible évolution récente de l'organisation et des acteurs de l'orientation", la mise en oeuvre et la coordination de ce dispositif d'accompagnement restent "insuffisants" puisque l'orientation "reflète toujours les inégalités qu'elles soient sociales, territoriales ou le fruit d'autocensures subies". Ces mesures doivent permettre, poursuivent les auteurs du rapport, de "transformer l'orientation subie en orientation choisie".

Les députés préconisent d'abord de faire des 54 heures "une matière à part entière", obligatoire, inscrites "dans un cadre structuré, avec des objectifs définis pour ses intervenants". C'est d'autant plus nécessaire, expliquent-ils, que les 54 heures, "sans financement spécifique, ne sont pas clairement définies" et que "la participation des collectivités territoriales au dispositif n'est pas précisée", rendant ainsi "très difficile de distinguer ce qui relève des régions de ce qui relève des établissements ou des CIO".

Définir un référentiel de compétences à acquérir par les élèves en matière d'orientation

Ils s'appuient aussi sur le rapport de la Cour des Comptes qui souligne que cette absence de la grille horaire des enseignements obligatoires revient "à arbitrer entre l'orientation, les enseignements optionnels ou les dédoublements, avec le risque d'inégalités entre les établissements" et "pourrait entraîner paradoxalement une régression par rapport à la situation préexistante", où les heures d'accompagnement personnalisé étaient en revanche inscrites dans la grille horaire. De fait, la Cour a constaté qu'en 2018-2019 les semaines d'orientation avaient été "organisées de manière très inégale" et le temps cumulé consacré à l'orientation "souvent très inférieur à deux semaines".

Les rapporteurs invitent aussi à faire évaluer par les recteurs les actions réalisées au titre de l'orientation (dans le cadre des 54 heures et au-delà). Ils rejoignent aussi la préconisation du CNESCO de "développer un cadre de référence national précisant le socle commun de compétences que les élèves doivent acquérir sur le sujet de l'orientation, des exemples d'actions qui permettent d’y parvenir et les modalités de leur évaluation" et de construire donc un référentiel ad hoc avec les acteurs de terrains et des experts – chefs d’établissement, PsyEN, enseignants du secondaire et du supérieur, CPE, ONISEP, universitaires, représentants du monde du travail. Ces compétences regrouperaient les capacités à recueillir, analyser, synthétiser, organiser les informations sur les formations et les métiers mais aussi la capacité à se connaître soi-même, sachant "que des erreurs de choix de filières" sont "parfois liées à une mauvaise interprétation du contenu de certains enseignements". Et il faudrait aussi, selon eux, que les lycéens puissent utiliser les cours en ligne de France université numérique, pour expérimenter les formations qu'ils souhaiteraient suivre.

Former enseignants et chefs d'établissement à l'orientation

Les députés préconisent aussi de généraliser les modules d'accompagnement à l'orientation dans la formation initiale des enseignants et de valoriser l'implication des personnels des lycées dans la mission d'orientation lors des évaluations réalisées par les inspections académiques. Les rapporteurs soulignent en effet qu'en dépit de leur mobilisation, plus de 40 % des principaux et proviseurs indiquaient n’avoir jamais été formés à l’orientation. 24 % des professeurs principaux de terminale estimaient encore que l'orientation ne faisait pas partie de leurs attributions et 85 % des professeurs principaux déclaraient n'avoir reçu aucune formation spécifique pour exercer leur mission d'orientation. Quant aux nouvelles formations proposées, en majorité par les services du rectorat, elles ont essentiellement concerné la procédure d'affectation des élèves à travers l'accompagnement à l'utilisation de la plateforme Parcoursup. Seule la moitié des professeurs principaux de terminale étaient satisfaits de la formation reçue.

Les rapporteurs soulignent aussi le faible recours aux PsyEN et le manque de coordination avec ces derniers au sein des établissements. Faible recours dû notamment à leur "faible nombre" (environ 1 pour 1500 élèves), écueil relevé par la FCPE, l'UNL mais aussi la Cour des Comptes, ce qui "ne leur permet pas un suivi de chaque élève dans la construction de son projet alors qu'ils gagneraient à collaborer plus régulièrement avec les équipes éducatives".

Compléter les attendus sur Parcoursup par un outil d'auto-évaluation proposé aux candidats

Concernant Parcoursup, si les sénateurs constatent "une information globalement staisfaisante et en net progrès par rapport à APB", ceux-ci regrettent néanmoins que les attendus soient encore "trop généraux pour jouer véritablement leur rôle" et pointent du doigt "des questionnaires d'évaluation qui posent question". Ces faiblesses pourraient être palliées, selon eux, par la mise en place d'un "outil d'aide à l'orientation reposant sur l'analyse des classements, afin de permettre aux candidats d'accroître leurs chances d'accéder à la formation de leur choix et de lutter contre l'autocensure". Concrètement, cet outil permettrait à chaque candidat "de connaître ses chances objectives de rejoindre la formation de son choix en fonction de son dossier". Pour améliorer encore l'information relative au contenu des formations, ces derniers suggèrent aussi d' "ajouter des vidéos de témoignages d'anciens étudiants" et de "renseigner le taux d'insertion professionnelle sur les fiches formation".

Les auteurs du rapport invitent aussi à "renforcer la transparence et l'équité de la procédure". Avec notamment une recommandation, celle d' "anonymiser le lycée d'origine et lui substituer une mesure de l'écart entre les résultats au baccalauréat et la notation au contrôle continu".

Notons du côté des lycéens que, malgré tous ces constats, 76 % des élèves ayant bénéficié d'un accompagnement à l'orientation par leur professeur principal en étaient satisfaits. Néanmoins, près d'un tiers des élèves n'avaient pas bénéficié de conseils au moment de leurs choix d'orientation.

Activités sur la connaissance de soi dès le collège

Il conviendrait aussi, selon les députés, de préparer à l'orientation les élèves dès le collège, par des activités portant sur la connaissance de soi et sur la découverte des filières et des métiers. Les rapporteurs regrettent, comme au lycée, l'absence d'inscription dans la grille horaire obligatoire et le caractère indicatif du volume horaire annuel de 12 heures en 4e et de 36 heures en 3e consacré à l'accompagnement à l'orientation depuis 2019, alors que le choix des matières en fin de seconde générale puis en fin de première donne un "rôle central" à cet accompagnement.

Cet accompagnement devrait favoriser les temps individuels en direction notamment des plus défavorisés (suivre des professionnels durant une ou deux journées, rencontres avec les étudiants et les enseignants du supérieur dans les classes, sur place et avec les parents) et les temps collectifs (journées de découvertes des métiers). Ils invitent également à, dès le collège, communiquer aux élèves et aux familles un récapitulatif des interlocuteurs compétents sur les questions d'orientation, avec les modalités de prise de contact.

Enfin, les rapporteurs invitent aussi à une meilleure coordination des structures académiques et régionales et regrettent que "les modalités d'intervention des régions dans le processus d'orientation peinent à être précisées et mises en place". Ils reprennent aussi une proposition de la Cour des Comptes : structurer une fonction d'orientation commune au ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports et au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, supervisant la plateforme Parcoursup et disposant de moyens pour l'action "orientation" par redéploiement de crédits de la loi ORE (Orientation et réussite des étudiants). Cette proposition devrait aller de pair avec une clarification des crédits consacrés à l’orientation.

Le rapport ici

Camille Pons

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