Adaptation locale de l'offre de formation : 328 formations actives alors que le ministère de l'Éducation nationale programmait la création de 500 nouvelles formations dès 2017 (CEREQ)
Paru dans Scolaire le mercredi 29 juillet 2020.
Dans son dernier Bref de juillet 2020, le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) dresse un état des lieux, sur la base d'une étude qu'il a conduite entre entre mars 2017 et septembre 2018 pour le compte de la direction générale de l'enseignement scolaire du ministère de l'Éducation nationale (DGESCO), de l'adaptation locale de l'offre de formation relevant du ministère de l'Éducation nationale depuis 2017. Le CEREQ recense aujourd'hui l'existence de 328 formations, alors que, d'une part, le ministère de l'Éducation nationale s'était engagé à créer dès la rentrée 2017 500 nouvelles formations du CAP au BTS, ciblées en particulier sur les métiers en tension et les métiers d'avenir et que, d'autre part, la loi du 5 septembre 2018 sur la formation professionnelle, comme la réforme de l'enseignement professionnel, visaient à "à donner une nouvelle impulsion" à cette adaptation locale de l'offre. Au-delà "d'importantes différences" constatées entre les académies, le CEREQ souligne un "développement modeste" du côté de l'une des deux formes spécifiques que peut prendre cette adaptation, les formations complémentaires d'initiatives locales (FCIL), et évoque des pistes pour développer et renforcer la visibilité de ces adaptations, qu'elles que soient la forme adoptée, FCIL, adaptation qui consiste à "enrichir le contenu, en l'absence de diplôme spécifique visant les activités ou compétences ciblées", ou "coloration" de diplôme, qui consiste à "adapter la formation d'un diplôme spécifique (CAP, bac pro ou BTS) à un champ professionnel particulier".
C'est en effet l'un des constats principaux de l'auteur du Bref, les FCIL sont "encore peu développées et trop souvent méconnues du grand public", alors qu'elles ont été créées en 1985 contrairement aux "colorations" des diplômes, plus récentes. Ainsi, alors qu'il en a recensé "158 actives", il observe que plus de la moitié ont été créées avant 2015 et une sur quatre seulement date de 2017, alors que leur mise en œuvre peut être "rapide" "grâce à une ingénierie de formation relativement souple comparée à celle des diplômes professionnels". Du côté des "colorations" de diplômes, le ministère en dénombrait 170, dont 136 baccalauréats professionnels, 24 BTS et 10 CAP, en juin 2020.
Certifier les formations complémentaires d'initiatives locales
Alors qu'au contraire les "colorations" de diplômes renforcent l'attractivité du diplôme dans lequel elle s'intègrent, le développement des FCIL fait face à plusieurs freins, observe le CEREQ : un manque de visibilité, auprès des jeunes et de leur famille, "ce qui entraîne parfois des difficultés pour remplir les sections de formation", ce à quoi s'ajoute l'absence de reconnaissance nationale puisque les FCIL ne débouchent que "sur une simple attestation de formation". Manque de visibilité et d'attractivité que l'on pourrait pallier, estime le centre, par leur intégration dans un campus des métiers et des qualifications et une "reconnaissance formelle" de la formation. Il cite des exemples de "validations" existantes qui vont dans ce sens, une certification via un DU (diplôme d'université) rendue possible grâce à un partenariat avec une université, ou encore une certification via la délivrance d'un certificat de qualification professionnelle (CQP).
Même si ce sont les FCIL qui souffrent le plus de ce manque de visibilité, le CEREQ évoque une piste pour booster aussi le développement des "colorations" de diplômes. Ils pourraient être encadrés "par l'adoption d'une écriture plus générique des référentiels sur le plan national", écriture possible car cette "coloration" des diplômes "n'est pas perçue par les acteurs du système éducatif comme une spécialisation". Remontée par certains inspecteurs généraux, cette suggestion va dans le sens d'une recommandation faite par la délégation sénatoriale aux entreprises dans un rapport d'information de juin 2020 ("Comment faire face aux difficultés de recrutement des entreprises dans un contexte de forte évolution des métiers"). La délégation suggérait en effet d' "encourager le développement d'outils comme la contextualisation des diplômes nationaux, en prévoyant des spécialisations recherchées dans des secteurs qui recrutent".
Cependant le CEREQ relève des "interrogations" concernant cette deuxième forme d'adaptation locale de l'offre de formation qui mériteraient une réflexion des pouvoirs publics. Réflexion afin d'éviter qu'elle ne dévalorise la valeur du diplôme national au regard des entreprises, qu'elle ne nuise également à son attractivité alors qu'elle met en œuvre des pratiques pédagogiques qui semblent plus attractives (notamment l'usage de méthodes et technologies mises en œuvre dans le champ professionnel concerné et la réalisation de tout ou partie des périodes de formation en milieu professionnel). À ce jour aussi, on ne connaît pas l'insertion professionnelle directe à l'issue de ces formations et l'implication que les entreprises et les professionnels auront dans les recrutements.
Le Bref 393 de juillet 2020 ici
Camille Pons