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Protection de l'enfance : le Défenseur des droits et la Défenseure des enfants dressent le bilan de leurs 6 ans de mandat

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice, Orientation le dimanche 19 juillet 2020.

"Il faut que la République tienne la promesse d'égalité qu'elle a faite à toutes et à tous" : c'est en ces mots que le Défenseur des droits et la Défenseure des enfants, Jacques Toubon et Geneviève Avenard, introduisent le bilan de leurs six ans de mandat, qu'ils ont publié quelques jours avant que ceux-ci ne touchent à leur fin. C'est le deuxième rapport, fait à l'attention du Comité des droits de l'enfant de l'Organisation des Nations Unies, sur la mise en œuvre de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE). Il met à l'honneur les 22 "combats" menés durant cette période dont, dans les domaines de l'enfance et de la jeunesse, ceux menés pour assurer une vigie sur la protection de l'enfance, pour "faire valoir les droits des enfants à l'école", pour la défense et la diffusion des droits des personnes handicapées. Selon ce rapport, ce sont chaque année 100 000 personnes qui font appel au Défenseur des Droits pour demander à faire respecter leurs droits. Si le rapport fait état d'avancées de progression des droits grâce à son travail d'étude et de résolution de ces réclamations individuelles, - et synthétise à ce titre "les principales victoires et mobilisations" entre 2014 et 2020 qui "se traduisent par des avancées législatives concrètes, par des prises de conscience des pouvoirs publics ou encore par des changements dans les mentalités collectives", il dresse néanmoins un bilan en demi-teinte. Ainsi, écrivent les auteurs, "en 6 ans, de nombreuses avancées ont été réalisées, mais il reste de nombreuses modifications de texte à opérer, parfois très simples, pour mieux garantir l’accès aux droits et le respect des droits fondamentaux".

Dans le domaine de la protection de l'enfance, pour lequel l'institution a enregistré une hausse de 21 % des saisines, c'est certainement la prise en compte de leurs recommandations visant à interdire les châtiments corporels (formulées dans 5 avis et tous les rapports annuels) dans la loi de juillet 2019 réformant le code civil (faisant ainsi de la France le 56e pays à interdire toutes formes de violences envers les enfants) qui satisfait le plus les Défenseurs. Néanmoins, ces derniers souhaitent aussi, et c'est une recommandation qu'ils ont faite dans leur dernier rapport annuel, que cette interdiction soit également inscrite dans le code de l'éducation et le code de l'action sociale et des familles "afin que l'interdiction des violences physiques envers les enfants s'applique dans tous les domaines".

Manque de prise en compte de la parole de l'enfant

Ils ont des attentes encore plus fortes concernant l'amélioration de la prise en charge des enfants suivis en protection de l'enfance. Si le Défenseur des droits dit avoir accueilli avec satisfaction la loi du 14 mars 2016 qui a notamment repris ses recommandations concernant le placement d'enfants auprès de personnes désignées tiers de confiance et visant à "étendre et améliorer l'efficacité du "projet pour l'enfant' " (PPE) (parmi lesquelles figurent celle d'associer systématiquement l'enfant, comme les professionnels qui l'entourent, à l'élaboration du projet, projet qui doit tenir compte aussi de l'environnement familial), il regrette en revanche que "le manque de moyens, de coordination des acteurs et de prise en compte de la parole de l'enfant ne permettent pas toujours de repérer à temps les situations dramatiques encore nombreuses". Le rapport rappelle qu'une grande consultation nationale a été lancée et que 276 propositions pour une meilleure mise en œuvre de leurs droits ont été élaborées avec 2 200 jeunes et 50 associations.

Enfin, si le Défenseur se réjouit que, conformément à ses recommandations, la loi du 10 septembre 2018 ait prévu la délivrance de droit d'une autorisation de travail pour les mineurs non accompagnés pris en charge par l'ASE après leurs 16 ans pour leur permettre de conclure les contrats d'apprentissage dans lesquels ils étaient engagés, il "déplore" toujours, en revanche, "la prise en charge inégale des mineurs non accompagnés sur le territoire, par l'aide sociale à l'enfance (ASE) et demande toujours à ce que soient proscrites l'utilisation des examens osseux afin de déterminer l'âge des jeunes et toute présence de mineurs étrangers en "zone d'attente" à leur entrée sur le territoire.

Un maire ne peut plus refuser une inscription sans motif légitime mais un décret n'était toujours pas publié

Dans le champ scolaire, le rapport fait aussi état d'actions qui ont été à l'origine de modifications législatives et réglementaires comme l'instruction obligatoire à trois ans et la prise en compte des élèves victimes et témoins dans l'organisation des conseils de discipline. Pour autant, parmi les évolutions attendues, le Défenseur évoque une meilleure prise en charge des cas de harcèlement scolaire, notamment via la formation de tous les responsables d'établissements, les médiateurs académiques, les inspecteurs de circonscription, les médecins et infirmiers mais également en exigeant un bilan régulier des établissements. Il souligne également que si la loi pour une école de la confiance garantit enfin qu'un enfant ne peut être refusé dans une école par un maire "sans motif légitime", le décret énumérant les pièces qui peuvent être demandées par le maire pour l'inscription n'était toujours pas sorti (lors de la rédaction du rapport, il a été publié depuis, ndlr).

Au-delà de cette mission qui vise à formuler des avis et recommandations, l'institution a également initié ou mené elle-même des actions durant ce mandat pour sensibiliser les jeunes à leurs droits et à l'égalité : elle cite à ce titre la création de la plateforme pédagogique "Éducadroit" qui met aussi des ressources à disposition des parents, enseignants et intervenants, ou encore les interventions de plus de 480 Jeunes ambassadeurs des droits (JADE) qui, depuis 2014, se sont engagés auprès de 270 000 jeunes dans 656 établissements scolaires et 58 structures spécialisées. À partir de 2015, le Défenseur des droits a aussi formé les cadres de l'Éducation nationale à la thématique des droits de l'enfant dans le cadre de son partenariat avec l'Institut des hautes études de l'éducation et de la formation.

À quand un code pénal des mineurs et une justice davantage dédiée dans "l'intérêt supérieur de l'enfant" ?

En matière de justice pénale des mineurs, là aussi, si "certaines mesures ont été mises en oeuvre" (à l'instar de l'examen médical systématique en cas de prolongation de la garde à vue), le Défenseur des droits regrette que "de nombreuses recommandations n'ont pas été suivies d'effets": comme l'extension de cet examen médical systématique durant garde à vue jusqu'à 18 ans et la création d'un code des mineurs qui serait "autonome, rassemblant l'ensemble des dispositions civiles et pénales concernant les enfants en danger pour en assurer la cohérence et unifier le traitement judiciaire des enfants en matière de prévention, de protection et de répression".

Dans le même ordre d'idée, le Défenseur des droits souhaiterait une justice des mineurs davantage spécialisée "afin de garantir la prise en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant", et rendre rendre notamment obligatoire le siège de magistrats spécialisés sur les questions de l'enfant à la cour d'assises des mineurs "en toutes circonstances".

En attente d' "aménagements raisonnables" pour les enfants en situation de handicap

Le rapport fait également état des mobilisations et actions menées envers toutes formes de discriminations. Tous domaines et publics confondus, l'institution a enregistré une hausse d'un peu plus de 20 % des réclamations dans ce champ. Elle recense des "victoires" dans le champ scolaire pour les enfants en situation de handicap, comme la circulaire du 3 mai 2017 qui consacre la garantie donnée à tous ces enfants de participer à un voyage scolaire de plusieurs jours (alors que le Défenseur avait été plusieurs fois saisi sur des difficultés liées notamment au financement supplémentaire à la charge des famille ou à l'incompatibilité du statut de l'auxiliaire de vie scolaire à sa participation à un voyage) mais, a contrario, attend toujours la gratuité des droits d'inscription au CNED (Centre national d'enseignement à distance) pour les plus de 16 ans dont l'état de santé l'exige, sachant que tout élève scolarisé en établissement bénéficie de son côté d'un scolarité gratuite, ainsi que la garantie d'un accès aux activités périscolaires et extrascolaires et à la restauration scolaire. Cette garantie passe par la mise en œuvre d' "aménagements raisonnables" - qui font souvent défaut - dont l'obligation échoit à l'État. Le Défenseur plaide aussi pour l'établissement d'un cadre juridique clair en matière d'évaluation du besoin d'accompagnement de l'enfant dans tous ses temps de vie.

Concernant les différentes mobilisations en faveur d'une égalité des droits plus effective envers les personnes LGBTI et les actions de sensibilisation menées en parallèle, le Défenseur cite par ailleurs les publications d'un guide sur les discriminations liées à l'orientation sexuelle et l'identité de genre, d'un dépliant visant à orienter les victimes et d'une étude qui illustre les violences intrafamiliales dont sont particulièrement victimes les personnes homosexuelles et bisexuelles durant leur jeunesse.

Enfin, ce rapport dresse aussi un état des lieux de l'action menée par l'institution dans le contexte de crise sanitaire liée au Covid-19. Il signale à ce titre que son action menée pour demander à ce que soit assurée le droit de visite auprès de leurs enfants aux parents ordonnés par le juge des affaires familiales en espaces de rencontres, a abouti le 31 mai dernier, par publication d'un décret de la Garde des Sceaux, à la réouverture au public de ces espaces.

Depuis 2014, le Défenseur des droits a adressé 123 avis au Parlement, rendu 1409 décisions, publié 28 rapports thématiques donnant lieu à des recommandations adressées aux pouvoirs publics, hors rapports annuels d'activité, et reçu 780 000 demandes. 80 % des demandes ont été formulées auprès des 520 délégués du Défenseur des droits qui constituent le réseau de proximité (ils étaient 398 en 2014). Se sont ajoutés en 2019 12 chefs de pôle régionaux pour coordonner leur action avec les 230 juristes parisiens.

Le bilan du Défenseur des droits et de la défenseure des enfants ici

Camille Pons

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