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Santé scolaire : un rapport sévère de la Cour des comptes sur sa gestion

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Orientation le mercredi 27 mai 2020.
Mots clés : Cour des comptes, santé, médecins, infirmiers, PsyEn, ASS

La Cour des comptes répond "non" au Premier ministre qui avait demandé si la santé scolaire ne pourrait pas être confiée aux départements. Elle publie ce 27 mai une communication sur "les médecins et personnels de santé scolaire" après avoir été saisie l'an dernier par la commission des finances de l’Assemblée nationale et elle fait remarquer que "les difficultés de la PMI, dont le service rendu est très inégal selon les départements (...) alertent quant aux effets de cette voie" d'autant que "le pilotage des services de santé scolaire est complexe et délicat". De plus, "en cas de péril sanitaire" comme c'est le cas actuellement, "il est souhaitable que l’État conserve l’unité de décision et de commandement au sein du système éducatif". Mais "ce dispositif de santé au sein de l’école mérite d’être préservé à l’impérative condition d’être rénové". En effet, "les difficultés persistantes de la santé scolaire, dotée de 1 260 M € en 2019, ne tiennent pas à un manque de moyens budgétaires, sa masse salariale a crû de 12 % depuis 2013",

Voici des éléments significatifs de l'analyse de la Cour.

Le dispositif s’appuie sur les médecins, les personnels infirmiers, les assistants sociaux, mais aussi sur les psychologues de l’éducation nationale. Il est "fort au total de plus de 20 000 équivalents temps plein". Pour les personnels infirmiers, près de 8 000 ETP, "leurs effectifs ont augmenté de 40 % en 20 ans", la croissance des effectifs d’assistants sociaux a été respectivement de 9 % et celle des psychologues de 5,2 %.

S'agissant des médecins, "qui ne représentent plus que 966 ETP, malgré les postes ouverts, faute de parvenir à les pourvoir par le concours annuel". La Cour plaide pour "une revalorisation indemnitaire par exemple de 30 %, d’un coût estimé à 3 M€", ce qui constituerait "une première étape pour rapprocher les niveaux indemnitaires moyens des médecins de l’éducation nationale de celui des médecins inspecteurs de santé publique" dont la rémunération indiciaire mensuelle brute est de 2 160 € en début de carrière et de 5 000 € en fin de carrière. Elle propose d'ailleurs de créer un corps interministériel qui "n’affecterait pas le maintien du rattachement de la santé scolaire au ministère de l’éducation .

La Cour s'est particulièrement intéressée aux taux de réalisation de la visite de la 6ème année de l’enfant, qui est de 18 %, en diminution, une situation dont elle rend notamment responsable un arrêté du 3 novembre 2015 qui prévoit qu'elle " relève du seul médecin, sans mention du bilan infirmier, associé jusque-là à cette visite, qui permettait au médecin de voir beaucoup plus d’élèves". Ce choix "a contribué à la forte dégradation du service public", il répondait à "la revendication persistante (...) de l’autonomie des personnels infirmiers par rapport au médecin". Avec ce partage des tâches, "le ministère s’est mis dans une grande difficulté qui l’a ensuite conduit à contourner sa propre réglementation par des instructions d’application très confuses et mal étayées". Certains personnels infirmiers ont continué leur collaboration avec les médecins, "bravant parfois des consignes syndicales". La Cour note encore que dans huit villes "délégataires des dépistages" (Antibes, Bordeaux, Grenoble, Lyon, Nantes, Paris, Strasbourg, Villeurbanne), le taux de réalisation de la visite de la 6e année est quatre fois plus élevé  (73 %), mais elle ajoute qu'il s'est dégradé depuis quelques années et que "le taux d’encadrement en médecins (y) est quatre fois plus favorable".

S'agissant du bilan de la 12ème année, dont sont chargés les personnels infirmiers, il "n’est réalisé que pour 62 % de l’ensemble des élèves"

Quant aux "visites médicales d’aptitude, préalables à l’affectation à des travaux réglementés pour les élèves mineurs de l’enseignement professionnel", elles sont réalisées à 80 % et certains établissements ont mis en place "des solutions complémentaires ou palliatives par des consultations médicales externes".

Le rapport consacre de longs développement à la situation des psyEN dont la Cour estime qu'ils sont mal utilisés. Le ministère les a laissés "de façon surprenante" en marge de l'action de prévention en matière de santé mentale des jeune, une charge qu'il "fait porter essentiellement par les personnels infirmiers", "alors même que leur recrutement garantit désormais qu’ils ont une formation initiale appropriée (licence et master de psychologie) et que l’affectation des psychologues au sein des écoles et des établissements favorise le repérage des élèves en situation de difficulté et le suivi de leur prise en charge". Mais cela supposerait, dans le 2nd degré, de mettre fin "à l’association systématique et réductrice, fruit de l’histoire, de l’orientation et de la psychologie dans le second degré" et d'harmoniser les missions des PsyEN du 1er et du 2nd degrés.

Et surtout, la Cour s'inquiète de la mauvaise gestion de la santé scolaire, "en tuyaux d’orgue dans des services séparés", sans "vision globale de la gestion de la santé scolaire et de ses personnels". C'est ainsi qu'au ministère "les médecins scolaires sont suivis par une conseillère technique placée auprès du chef de service tandis que les conseillères techniques infirmière et de service social sont placées dans le bureau de la santé et de l’action sociale de la sous-direction de l’action éducative, la gestion des PsyEN relève d’un autre service, celui de l’instruction publique et de l’action pédagogique et en son sein de deux bureaux différents selon le niveau d’enseignement au sein duquel ils interviennent (...). Une unification de la gouvernance d’ensemble au sein de la DGESCO permettrait d’améliorer la visibilité et la performance de la politique de santé en faveur des élèves." La Cour recommande de même de "créer un service de santé scolaire dans chaque rectorat et chaque DSDEN", "de revoir le partage et l’organisation des tâches entre médecins de l’éducation nationale et personnels infirmiers", de nouer des liens contractuels avec les ARS, l'assurance maladie, les collectivités territoriales", de "créer des comités d’éducation à la santé et la citoyenneté  de bassin"...

D'ailleurs, faute de structures unifiées, mais aussi "en raison d’un boycott des statistiques par certains personnels depuis plusieurs années", le ministère ne connaît pas "les taux de réalisation des dépistages obligatoires" pour lesquels la Cour a mené "une enquête directe auprès des services des rectorats et des DSDEN car le ministère ne dispose pas de cette information" et "les responsables académiques et nationaux n’ont qu’une vision très vague de l’activité et de la performance des services de santé scolaire".

Une autre aberration concerne les infirmiers, pour lesquels la DGESCO ne prend en compte que "les effectifs d’élèves du public dans la mesure où les établissements privés sous contrat disposent d’agents exerçant ces fonctions, rémunérés sur les crédits budgétaires consacrés à l’enseignement privé", tandis que la DAF (direction des affaires financières) "procède à une réfaction de ces crédits au motif que les personnels infirmiers traitent les élèves scolarisés dans le privé".

Une autre encore est à mettre sur les systèmes informatiques. "Les médecins scolaires doivent utiliser l’application ESCULAPE dont le déploiement est sur le point de s’achever. Certains médecins en refusent l’usage, invoquant l’absence d’interface avec les logiciels utilisés par les PMI (...). Les infirmiers doivent utiliser le logiciel SAGESSE actuellement obsolète (...). Certaines académies développent de ce fait des applications spécifiques, en lien notamment avec les ARS (...). Les PsyEN et les assistants de service social ne disposent pas d’un logiciel professionnel (...). Aucun logiciel ou application ne permet à tous les professionnels concernés de connaître la situation et les actions déjà réalisées pour chaque enfant (...). Il est envisagé de créer une interface ESCULAPE/dossier médical partagé de l’enfant (DMP)", mais pas "avant plusieurs années".

L'évaluation fait également problème. "Les ASS, médecins et infirmiers doivent être évalués dans le cadre d’entretiens professionnels annuels. Les PsyEN, comme les enseignants, sont évalués uniquement dans le cadre de trois rendez-vous de carrière (...)." Les PsyEN du 1er degré sont évalués par des IEN qui ne sont pas, "en général, des psychologues". Leur activité "ne fait l’objet d’aucune enquête ou évaluation interne" et "l’Education nationale, première émettrice d’informations préoccupantes ne connaît pas le nombre d’informations transmises chaque année." Quant aux PsyEN du 2nd degré, ils sont évalués "par le directeur du CIO et par l’inspecteur de l’éducation nationale chargé de l’orientation. Depuis 2017, aucune synthèse de ces évaluations n’est plus remontée au niveau national."

La Cour s'intéresse aussi au temps de travail de ces personnels dont les obligations de service "met en lumière une conception réductrice, particulièrement pour les infirmiers et les PsyEN du 1er degré, dont les missions seraient limitées à la seule présence des élèves". Or certaines tâches "peuvent être au moins partiellement réalisées pendant les vacances scolaires". De plus, rien de justifie "l’écart du temps de présence hebdomadaire (24 h et 27 h) entre les PsyEN du 1er et du 2nd degré", qui se situent "en deçà des heures de présence demandées aux médecins, ASS et infirmiers". Certains investissements permettraient des économies ou une meilleure gestion du temps. Dans les EPLE, "les infirmiers réalisent quand ils sont présents l’accueil des élèves malades ou blessés", une tâche qui pourrait être confiée aux AED (assistants d’éducation) s'ils recevaient une "formation aux premiers secours, coûteuse certes pour le système scolaire, mais d’utilité commune", ce dont les rectorats ne se préoccupent pas, s'agissant de "personnels peu stables", malgré le temps libéré pour des soins infirmiers. De même des secrétariats médico-scolaires permettraient aux médecins "de se concentrer sur les élèves, au lieu de consacrer une part trop importante de leur temps à des tâches administratives".

Enfin la Cour s'inquiète de la qualité des actions d’éducation à la santé. "Certaines interventions de prévention des addictions, évaluées par Santé publique France, se sont ainsi révélées avoir produit l’effet inverse du but recherché (...). L’éducation à la santé n’est pas un dispositif robuste et concernant tous les élèves, sa teneur, aléatoire, est peu contrôlée. De façon générale, les activités des personnels de santé sont mal mesurées ce qui ne veut pas dire que la présence des personnels de santé, notamment des personnels infirmiers, dans les établissements ne soit pas active et réelle, appréciée et attendue par la communauté éducative, les élèves et leurs parents. Seulement, les conditions de leurs services ne peuvent être optimisées par défaut d’une connaissance objectivée et partagée."

Le rapport de la Cour des comptes ici

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