Réouverture des collèges : pas facile (deux principaux témoignent)
Paru dans Scolaire le lundi 25 mai 2020.
ToutEduc a reçu les témoignages de deux chefs d'établissement de collèges ruraux, dans deux académies différentes, l'un très détaillé, l'autre succinct. En voici des éléments significatifs, après anonymisation.
Dans l'un des deux collèges, au nom de l'équipe de direction, la principale s'exclame : "Nous sommes abruties de travail, dans un état de fatigue rarement atteint. En dehors de la charge effective de travail, c’est l’urgence dans laquelle nous sommes depuis le mois de mars et la responsabilité qui minent. Cette responsabilité n’a jamais été aussi lourde et pour ma part, je n’ai jamais subi un tel stress. Et qu’on ne vienne pas me parler de vacances apprenantes… !!!"
Dans ce collège, sur 10 agents, 9 sont présents, 6 salles ont été ouvertes pour accueillir 35 élèves de 6ème (sur 130) et 44 élèves de 5ème (sur 120). "Le protocole sanitaire peut être respecté, mais nous sommes en limite de possibilité (...) Nous n’avons subi aucune pression concernant les modalités de reprise ou le nombre d’élèves accueillis."
Le département a été réactif "pour le prêt d’ordinateurs portables aux élèves", les agents "ont été bien informés et bien dotés en matériel", en revanche la région a refusé de modifier les horaires des cars.
Les élèves n'ont pas droit aux manuels, et les enseignants adressent au secrétariat, par fichiers, les photocopies des pages à reproduire. Celles-ci sont déposées sur les tables des élèves. "Les consignes de la hiérarchie ne sont pas claires ; certains IPR interdisent les photocopies, d’autres s’expriment de façon à ce que le flou persiste !". La salle des profs est "dénudée : tables et chaises de bois". Tout le matériel de cuisine, les livres et documents ont été remisés.
Parmi les enseignants ("jeunes et de passage"), les deux tiers assurent des cours au collège, une douzaine sont "en distanciel dont 5 fragiles". Ils ne sont pas très "respectueux des protocoles de désinfection de leur place en salle des profs et salle de travail". La principale a demandé "à ce que chaque équipe disciplinaire prépare des séances au contenu semblable pour que les élèves, qu’ils soient au collège ou chez eux, avec leurs professeurs habituels ou d’autres professeurs, puissent s’y retrouver". Certains, surtout parmi les plus jeunes, "ont très mal accepté de n’avoir pas leurs propres élèves, leurs classes et de devoir s’entendre avec leurs collègues pour proposer des contenus communs".
"Les élèves de 6è ont été très contents de se revoir ; ils ont bien respecté les contraintes. Certains ont exprimé un sentiment d’angoisse. Une élève a pleuré toute la matinée. Les élèves de 5è se sont montrés beaucoup plus rétifs et plusieurs ont annoncé qu’ils ne souhaitaient pas revenir dans ces conditions. La cour était triste à voir !" Ils étaient "surtout venus pour revoir leurs camarades et les professeurs, mais les enseignants ont affirmé qu’ils avaient trouvé les élèves particulièrement attentifs et réceptifs aux activités proposées, y compris des élèves qui sont habituellement difficiles à cadrer et à motiver. De l’avis des professeurs, cela s’est mieux passé que ce qu’ils avaient imaginé."
Au total, 2 élèves de cinquième ne reviendront pas, mais 3 élèves de 6ème supplémentaires vont rejoindre leurs camarades. La principale "appréhende beaucoup l’ouverture aux 4ème - 3ème car l’organisation et les emplois du temps vont devoir être entièrement revus".
Le principal du second collège a reçu 20 élèves de 6ème (un quart de l'effectif) et une dizaine d'élèves de cinquième (15 %). "Clairement les familles qui sont de CSP + et qui ont mis en place des dispositifs maison les ont gardés, de même que les familles CSP -- que nous sommes allés chercher, mais qui eux aussi les gardent. Sont présents, ceux qui sont soit 'punis' de n'avoir pas trop bossé, soit ceux qui ne pouvaient pas rester seuls." Globalement les relations avec les familles sont bonnes, mais le collège a perdu quelques élèves du fait de "trois explosions familiale avec départ sans trop savoir où".
"L'axe pédagogique prioritaire reste l'enseignement à distance et 19 professeurs sur 23 (82.6%) assurent entre 4 et 6 heures de présence au collège". Les élèves "sont accueillis sur 4 jours". La semaine prochaine, ce sera le tour des 4ème et 3ème, puis la semaine du 8 juin, à nouveau les 6ème - 5ème, etc.
Le principal ajoute : "Aucun soutien du rectorat : un mail du Recteur à ses chefs d'établissement depuis le 13 mars !". Le DSDEN est "plutôt à l'écoute mais sans réels moyens". En revanche, le département et la mairie sont "bien derrière".