Réouverture : protéger les enfants et leur permettre de rester des enfants (pédiatres)
Paru dans Scolaire le jeudi 14 mai 2020.
"Les enfants ne sont pas le vecteur principal de l'épidémie" : telle est l’affirmation de plus d’une vingtaine de responsables de sociétés pédiatriques dans une "contribution" publiée par le Quotidien du médecin (ici). Selon eux, les enfants payent aujourd’hui un lourd tribut à l’hypothèse initiale selon laquelle ils étaient le vecteur principal de la circulation du virus. "Nous savons aujourd’hui que ce n’est pas le cas et que la quasi-totalité des enfants qui ont été infectés par le Covid-19 l’ont été au contact d’adultes" poursuivent-ils.
Pour la Société française de pédiatrie et les différentes sociétés de spécialités pédiatriques cosignataires de la contribution, retrouver ses camarades de jeux ne doit pas être considéré comme exposant à des risques car un enfant infecté par le Covid-19 développe très rarement des symptômes sévères. Les sociétés rappellent qu’en France, les cas pédiatriques (0-14 ans) représentent 1 % de l’ensemble des cas symptomatiques hospitalisés et qu’à la date du 5 mai, moins de 100 enfants étaient hospitalisés pour une infection Covid-19.
Mais, insistent les signataires, "ouvrir les écoles est possible si les adultes accompagnent cette rentrée de manière positive. L’exemplarité doit être sans faute, à commencer par les mesures d’hygiène et les gestes barrières ." Ils préviennent : les adultes doivent protéger les enfants tout en préservant des interactions de qualité entre adultes et enfants ainsi qu’entre les enfants eux-mêmes.
Certes, disent-ils, le retour en collectivité doit être organisé en mettant en avant gestes barrières et précautions d’usage. Mais ceux-ci et celles-ci sont aussi très utiles à utiliser au quotidien pour prévenir la transmission des virus hivernaux comme ceux de la grippe, de la bronchiolite ou de la gastro-entérite. Et les mesures barrières reposent pour les enfants essentiellement sur le lavage des mains à l’eau et au savon : leur faire porter un masque n’est "ni nécessaire, ni souhaitable, ni raisonnable".
Quant aux mesures de "distanciation excessive" - suppression des espaces de jeux, interdiction aux enfants de jouer entre eux, refus de consoler un enfant-, elles sont " inutiles voire préjudiciables". Pourquoi ? La réponse des mêmes signataires est qu’elles sont inapplicables et susceptibles d'entraîner une anxiété néfaste au développement des enfants et générateurs de troubles du comportement potentiellement majeurs. En outre, complètent-ils, ces mesures excessives font perdre sens aux métiers exercés auprès des enfants.
Développant son argumentation, l’ensemble des médecins et professeurs signataires martèle qu’ouvrir les écoles et les collectivités est aussi indispensable pour stopper tous les effets délétères du confinement sur certains enfants : décrochages scolaires, victimes de maltraitance, absence de protection vaccinale, rupture de suivi pour une maladie chronique. Pour ces spécialistes de la pédiatrie, le véritable risque pour l’enfant dans cette épidémie Covid-19 est sûrement de le priver d’un environnement socio-éducatif bénéfique à son développement et d’un suivi médical de prévention indispensable à sa bonne santé. Pour eux, l’enjeu du retour en collectivité est "d’abord d’apprendre à vivre ensemble sans peur excessive de l’autre, de s’ouvrir au monde par le jeu et les apprentissages, au contact d’autres enfants et d’adultes professionnels bienveillants et responsables". Cependant, ils précisent que ce retour des enfants à une vie collective est à organiser de manière progressive et avec une bonne collaboration entre tous les acteurs. Et ils lancent un appel : "Sachons montrer aux enfants que nous savons les protéger tout en leur permettant de rester des enfants !".
Arnold Bac