Réouverture des écoles : les stratégies de plusieurs grandes villes françaises
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le vendredi 08 mai 2020.
Des villes comme Lille qui choisissent de baisser la jauge à 10 enfants par classe et non 15, beaucoup qui ne rouvrent que l'élémentaire alors que d'autres, comme Toulouse, font le choix de rouvrir aussi la maternelle, des repas froids dans les cantines plutôt que des repas chauds car plus simples à préparer faute de pouvoir mobiliser tous les agents dans certaines villes, des mesures de gratuité pour la restauration et le périscolaire dans certaines villes, des masques aussi pour les élèves de l'élémentaire alors que ce n'est pas obligatoire... les plans de réouverture des écoles des grandes Villes de France se dévoilent ces derniers jours mais ne se ressemblent pas. ToutEduc fait le point.
Première disparité observée, les proportions très variables d'écoles qui seront rouvertes la semaine prochaine. Si, par exemple, Montpellier a prévu de rouvrir 90 % de ses écoles (une douzaine des 126 écoles seulement ne rouvrira pas), d'autres annoncent des quantités bien plus réduites, comme Toulouse qui ne rouvrira pour l'instant qu'un tiers de ses écoles (68 au total) avec une "jauge maximale" fixée à 45 enfants par école et 90 par groupe scolaire (lire ici). Parmi les critères retenus pour ne pas rouvrir certains établissements, figure l'impossibilité d'assurer la distanciation sociale et la gestion des flux à cause de la configuration des espaces. Montpellier a aussi retenu, pour ces choix, le critère de la proximité "de foyers où il y a eu des cas de Covid ou des risques avérés de contamination".
Toulouse demande à l'État de classer les agents municipaux comme "prioritaires"
Ces différences concernant le nombre d'établissements qui rouvrent expliquent d'ailleurs aussi des grandes disparités dans le nombre d'élèves susceptibles d'être accueillis. À titre d'exemple, Bordeaux prévoit l'accueil du double d'élèves par rapport à sa ville voisine, Toulouse (6000 élèves contre 3500 à 4000 attendus à Toulouse), cette dernière étant pourtant démographiquement bien plus dynamique.
Ces possibilités de réouvertures sont aussi conditionnées à la disponibilité des agents, selon le maire de Toulouse. Celui-ci a, à ce titre, demandé à l'État que ce dernier "considère" les agents municipaux qui interviennent dans les écoles comme personnels "prioritaires", pour permettre la montée en charge de la réouverture des écoles. Jean-Luc Moudenc souligne que deux facteurs expliquent l'indisponibilité d'une partie des agents : certains ont des pathologies qui ne permettront pas un retour dans les écoles et beaucoup d'entre eux aussi ont des enfants. Pour permettre "une montée en charge", il faut donc, estime le maire, que leurs enfants soient prioritaires pour aller à l'école et également en crèches. Or, à Toulouse, c'est "l'Éducation nationale qui priorise les enfants qui vont être accueillis".
Des maternelles restent fermées dans certaines villes
C'est d'ailleurs aussi l'une des motivations qui conduit également la Ville de Toulouse à rouvrir l'ensemble des structures d'accueil petite enfance municipales dès le 11 mai et sur lesquelles les agents municipaux seront prioritaires aussi, comme à Marseille où sont programmées également leur réouverture dès le 12 mai.
Paris, Lille et Lyon feront rentrer leurs premiers élèves le 14 mai, alors que la plupart des autres villes se calent sur le 12 après une pré-rentrée des personnels le 11. Lyon en outre étale l'accueil des différents niveaux sur trois grandes dates : le jeudi 14 mai concernera les grandes sections de maternelle, les CP et CM2, le lundi 25 mai les CM1, le jeudi 4 juin les CE1 et les CE2.
Mais d'autres villes ne feront pas rentrer tous les niveaux. À Lille, pas de réouverture de la maternelle pour accueillir des enfants en grande section, mais celle-ci "pourra être envisagée à partir du 25 mai", en fonction des résultats de l'enquête que devront mener les directeurs des écoles dans la semaine du 11 mai auprès de chaque famille "pour évaluer les intentions d'inscriptions". Et la Ville de Lyon indique qu' "aucune date n'est actuellement arrêtée" pour les autres niveaux de maternelle, "les mesures de distanciation et les gestes barrières étant très complexes à mettre en œuvre".
Possible temps pleins pour des élèves de classes dédoublées en REP et REP+ à Bordeaux
On observe aussi des disparités pour l'organisation des groupes d'élèves dans la semaine et la jauge maximale accueillie par classe. Sur ce dernier plan, Paris et Lille font le choix de limiter des groupes d'élèves à 10 en élémentaire (limitation stricte à Lille, et "le plus souvent à 10-12" pour la capitale) au lieu des 15 préconisés au niveau national.
Dans la plupart des grandes villes, les groupes d'élèves alterneront par rotation dans la semaine, la formule adoptée la plus fréquente étant une présence d'un premier groupe sur les deux premiers jours de la semaine, le deuxième groupe complétant la fin de la semaine (Marseille prévoyant également des horaires d'accueils "étalés, comme ceux des services de la cantine"). Seule Bordeaux fait le choix d'un possible temps plein, mais seulement "pour les élèves de classes dédoublées (CP et CE1 en écoles REP et REP+) à moins de 15 élèves maximum".
Repas chauds vs repas froids
Organisation de la restauration, préparation des repas, les choix sont très disparates aussi. Certaines collectivités ont fait le choix de repas froids comme à Montpellier et Toulouse. Une anticipation de trois semaines pour cette dernière ville, car en temps normal des repas froids sont servis dès juin dans les cantines, et parce que c'est plus simple à préparer. À Lyon et Marseille, ce seront des repas chauds, pour la première avec "menu unique sans viande" et pour la seconde en respectant la double exigence "50 % de bio français, des produits de saison issus des circuits courts".
Dans la cité phocéenne, le temps de restauration sera étendu sur une plage horaire plus longue de 11h à 14h et les self-services seront fermés pour éviter les regroupements d'élèves et respecter les mesures de distanciation physique alors qu'à Toulouse et Bordeaux, on a choisi de faire aussi manger les élèves dans les classes. Toulouse a également décidé, face à l'augmentation des prix des produits alimentaires observés depuis le début du confinement, d'exonérer l'ensemble des familles du paiement des repas scolaires ainsi que du périscolaire. Mesure qui sera suivie en septembre d'une demande au Conseil municipal de diminuer de 20 % le prix de la cantine pour les 6 premières tranches de revenus (c'est-à-dire jusqu'à 2 800 euros par mois de revenus).
Des masques pour les élèves de l'élémentaire dans certaines villes alors que ce n'est pas obligatoire
Si, sur le protocole sanitaire, les mairies ont mis en œuvre le même type de process (désinfection de tous les espaces, marquage au sol et devant les établissements, thermomètres frontaux pour dépister agents et enfants, masques pour les agents et enseignants, aération des salles de classe, nettoyage des espaces communs et des toilettes à plusieurs reprises dans la journée, fourniture de gel hydro-alcoolique...), des collectivités se distinguent par certaines mesures. C'est le cas par exemple de la Ville de Montpellier qui prévoit de mettre à disposition des masques à l'élémentaire, même si ce n'est pas obligatoire (60 000 masques ont été commandés).
Si la plupart des grandes Villes ont prévu le masque pour l'ensemble des personnels scolaires, le maire de Marseille précise qu'ils les porteront "lorsque les règles de distanciation physique ne pourront pas être respectées". 120 000 doivent être livrés cette semaine. Et la Ville de Toulouse annonce avoir prévu dans chaque école un espace où des enfants qui auront été suspectés d'être contaminés dans la journée pourront être isolés en attendant d'être récupérés par leurs parents.
Concernant le transport scolaire, Georges Méric, le président du Département de Haute-Garonne a alerté le préfet et le recteur de l'Académie de Toulouse sur la non-conformité, après mesures prises dans les bus, de la consigne qui invite à neutraliser un fauteuil sur deux, alors que c'est 3 fauteuils sur 4 qu'il faut, selon lui, "neutraliser pour respecter les mesures de distanciation sociale". Celui-ci dit n'avoir à ce jour pas obtenu de réponse mais que lui avait été promis "un courrier". Il a, dit-il, interrogé les deux représentants de l'État sur ce qu'il conviendrait de faire si, dès lors que ces transports scolaires ne pourraient accueillir les élèves que sur un quart des capacités de chaque bus, des élèves en surnombre se présentaient aux arrêts de bus : "devront-ils monter quand même ou devra-t-on les laisser sur le trottoir ?"
Le périscolaire réouvert à Marseille, Toulouse, Lille, Lyon, Bordeaux
L'accueil périscolaire reprendra l'après-midi après la classe à Lille, Bordeaux et Marseille et à Toulouse qui le maintient aussi le matin (à l'exception des maternelles jusqu'au 22 mai). Lille évoque une possible réouverture de l'accueil du matin à partir du 18 mai si les familles qui le souhaitent le font "savoir les 14 ou 15 mai". Pas d'accueil de loisirs du mercredi à Toulouse, contrairement à Lille ou Bordeaux.
À Toulouse, est également programmée la réouverture des 106 centres aérés, et des séjours vacances, proposés à des prix très modiques aux familles modestes, mais réduits au niveau des places et limités géographiquement aux séjours organisés dans 4 centres pyrénéens. Compte tenu de la crise sociale, le paiement des séjours a été différé à la fin et non au début du séjour.
Camille Pons