Chronique ordinaire des jours extraordinaires - 25 avril
Paru dans Scolaire, Périscolaire le dimanche 26 avril 2020.
F., proviseure d’une cité scolaire
Fin de la première semaine de « retour ».
Retrouvailles plaisantes avec nos petits élèves dont les parents travaillent en hôpitaux. Lundi on en récupère un autre, en 5ème d’un collège voisin. En repartant, ils ramènent, selon les commandes du service de leurs parents, des visières que notre enseignant fabrique avec nos imprimantes 3D, sans discontinuer depuis plusieurs semaines maintenant et qui sont désormais très "prisées".
On commence à réfléchir au "déconfinement", à ses modalités. On programme les réunions pour y réfléchir collectivement : les conseils pédagogiques collège et lycée, les représentants parents d’élèves, les élèves du CVL, les CA… tout ça en visio conférences.
On participe à des visios conférences avec l’IH2EF sur le sujet, histoire d’échanger avec des chefs d’établissements d’autres académies, de prendre et de donner des idées…
On lit des articles, des communiqués, on écoute la radio pour entendre, comprendre le.s message.s institutionnel.s, les analyser et réfléchir à leur application en fonction de notre contexte.
Lundi, j’attaque avec les deux conseils pédagogiques. J’ai déjà des retours parce que, par confort, j’ai pris Zoom et non la visio conférence de l’ENT de la Région ni la classe virtuelle du CNED. C’est un choix politiquement incorrect et qui mérite certainement un long débat…
La forme avant le fond !
Alors, de là à arriver à discuter du « vrai sujet » à savoir le déconfinement… La semaine prochaine sera complexe
J-B, directeur national d’un réseau associatif (jour 39)
C’est le dernier jour de vacances scolaires. Comme j’en parlais dans une chronique précédente, ce n’est pas normal, dans une vie d’enfant, et encore plus d’adolescent, d’être autant en présence de ses parents. Ils ne peuvent pas tester de nouvelles choses, se confronter à la « limite », … Nous avons eu une discussion avec nos fils ce matin, notamment avec l’ainé. Je lui reproche de passer trop de temps devant ses écrans, il me dit que non, et qu’il fait des efforts pour en passer moins… La discussion s’envenime. La réalité doit être surement entre nos deux positions. Cela nous permet d’avoir une discussion sur « les différents points de vue ». Je lui dis qu’il faut qu’il accepte que d’autres personnes n’aient pas la même représentation de ce que lui perçoit de cette même situation. Et même si c’est d’un de ses propres comportements que l’on parle. Bien évidement, c’est la même chose pour moi !
Nous convenons que pendant une semaine, il va noter toutes les heures qu’il passe devant un écran (sur un carnet) en précisant ce qu’il fait à ce moment (regarder une série, jouer, faire un devoir, répondre à un enseignant…), tout en précisant de quel écran il s’agit. Nous prendrons alors le temps d’analyser ensemble ces données.
Cela nous permet de sortir de notre conflit, nous pourrons ainsi nous appuyer sur de « l’observable ». Je lui dis que pour que cela fonctionne, il doit « jouer le jeu » et tout noter. Nous verrons bien demain matin si cela fonctionne.
Dans la journée nous avons eu une réunion de direction, à l’ordre du jour : le déconfinement, la reprise du travail. Nous mettons en place un protocole permettant à tous les salarié.e.s d’être dans des conditions sanitaires satisfaisantes. C’est très contraignant. Mais c’est de la responsabilité de l’employeur ! Nous discutons également de la pertinence de reprendre, faut-il faire se déplacer des salarié.e.s ? Faut-il continuer massivement le télétravail ? Le réseau continuera d’être en grande partie au chômage partiel, une grande partie de notre travail ne pourra donc se faire à distance. En même temps certaines personnes, seules, dans des conditions de confinement complexe peuvent, doivent se déplacer, venir au bureau, rencontrer des personnes … même de loin. Cette décision est complexe. Le débat n’est pas terminé.
Nous échangeons également sur la manière dont les militant.e.s du réseau peuvent se mobiliser, peuvent mettre en œuvre notre projet politique en ce moment même, mais également pendant le déconfinement.
Juste avant d’écrire cette chronique, je viens de regarder les informations du soir. On nous précise qu’en Allemagne et en Chine, le nombre de malades repart à la hausse. Ces deux pays venaient d’entrer dans une phase de sortie du confinement. Comment interpréter ses données ? Encore beaucoup d’incertitudes !
Sinon, je continue de finaliser une formation, forcément à distance, qui a pour titre : Conduire, dans le cadre d'une formation qualifiante, un pourcentage significatif de séances à distance. Il s'agira pour les stagiaires de clarifier ce qui peut être dispensé directement sur la plate-forme FOAD en autonomie, de ce qui doit être traité en visioconférence avec l'ensemble du groupe... et la part des travaux individuels. Cette formation permettra également de voir comment il est possible de mettre au travail des petits groupes à distance, de voir comment les groupes peuvent échanger sur des productions, et de trouver des solutions techniques, respectueuses des données personnelles, pour partager des documents. Cette formation, peut être utile dans l’immédiat, mais elle participera également d’une réflexion plus globale sur la question de la formation de « l’après » : présentielle vs. distancielle, ou présentielle et distancielle, et dans ce dernier cas, dans quelle proportion ?