La pédagogie sans peine (ouvrage)
Paru dans Scolaire le dimanche 26 avril 2020.
Et si, Ellen, jeune enseignante, rencontrait Michel de Montaigne, ou Freinet, ou Tolstoï, ou Piaget, ou Condorcet... C'est la fiction que proposent Gérard Morin et Daniel Olivier-Lamesle, enseignants et formateurs à l'ISFEC (les INSPE de l'enseignement catholique, ndlr) aux enseignants en formation. Ils ont pu constater que ceux-ci "ne lisent pas de littérature professionnelle, ou si peu", faute de temps souvent. "Il faut dire que la littérature pédagogique ou didactique n'est pas toujours d'un accès facile." Les deux auteurs ont donc créé un personnage, Ellen, remplaçante et confrontée, à chaque chapitre, à des environnements différents, à des collègues plus ou moins représentatifs des diverses sensibilités qui se rencontrent dans une "salle des maîtres" et à des difficultés nouvelles. Elle n'est jamais très sûre d'avoir bien réagi quand ses élèves échouaient ou que leur attitude n'était pas celle qu'elle avait anticipée. Et elle en parle avec Dumazedier, Rabelais ou Korczak...
Chacun de ces dialogues est assez bref, deux, trois ou quatre pages, et les répliques des grands pédagogues sont écrites avec des caractères différents selon qu'il s'agit de paroles imaginées pour les besoins de la fiction ou de citations, de courts passages, quelques lignes, extraites de son oeuvre. Chacun des chapitres se conclut sur quelques indications sur l'auteur et sur ce qu'il faut en retenir, au minimum, quand on prépare le CRPE... Avec quelques surprises. C'est ainsi qu'Ellen rencontre tour à tour Rabelais qui précise toutes les conditions mises au fameux "fais ce que voudras", et Alexander Neill, l'auteur de "Libres enfants de Summerhill" dont les élèves obtiennent, contrairement à ce qui se dit souvent, des résultats supérieurs à ceux de la moyenne britannique. De même Montaigne a-t-il l'occasion de préciser que la "tête bien faite" qu'il préfère à la "tête bien pleine" n'est pas celle de l'élève, mais du maître.
L'ambition de l'ouvrage est d'y aider. "Jamais un enseignant débutant n'a compris en quoi consistait (la différence entre réussir une tâche et comprendre le concept sous-jacent) en lisant Jean Piaget", mais Ellen rencontre le chercheur genevois au moment où elle en a besoin, ce qui donne à la théorie l'occasion de s'incarner... Ainsi pourra-t-elle "débusquer les idées simplistes, les fausses évidences qui limitent la réflexion sur l'école à des considérations de café du commerce", et sera-t-elle "outillée" pour "inventer les pratiques novatrices dont l'école d'aujourd'hui a besoin".
"Journal d'une enseignante, une approche originale pour découvrir les grands pédagogues", G. Morin et D. Olivier-Lemasle, ESF sciences humaines (collection Pédagogies dirigée par P. Meirieu), 280 p., 22€