Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Réouverture : sous le signe de la peur (paroles recueillies par R. Aït Oufella et D. Senore)

Paru dans Scolaire le vendredi 24 avril 2020.

Rabah Aït Oufella, journaliste, professeur de lycée professionnel et Dominique Sénore, pédagogue nous adressent ce recueil de paroles d'acteurs de l'éducation qui s'interrogent : La reprise, oui, mais à quel prix ? C'est la question que se posent des enseignants, des élèves, des personnels infirmiers, médecins scolaires, psyEN, agents territoriaux et ATSEM, CPE, AED, personnels de direction, élus régionaux, maires...

"Celles et ceux qui font vivre cette ruche que sont les écoles, les collèges et les lycées, s'interrogent sur le déconfinement, à partir du 11 mai. En dépit des annonces qui se veulent rassurantes, toutes et tous s'accordent à dire que certes, l'économie est à relancer, mais la santé demeure primordiale. Il y a, au demeurant, davantage de questions que de réponses. Ce qui laisse à dire que nous continuons à vivre dans l'incertitude et l'anxiété.

Christine, enseignante de Lettres modernes se demande : Pourraient-ils (la hiérarchie) nous forcer, nous contraindre à retourner au travail ? C'est impossible en fait, renchérit-elle, personne ne peut y retourner. C'est trop tôt. Cela m'angoisse, horriblement. Joëlle, elle, enseignante de Lettres-Histoire et mère de deux filles, ne veut pas aller au lycée. Dans son message, elle mentionne : J'ai peur, moi ! C'est la première fois que je ne veux pas y aller. Mais si on m'y oblige, je serai obligée de faire cours dehors ou sous le préau. Je viendrai avec mes gants, mon masque, ma nourriture. Je n'ai pas envie que ma fille aille au collège.

Questions sans réponses

Le ton est donné. La crainte d'une éventuelle reprise prend le dessus. Emma, enseignante de Lettres classiques, pense à sa santé mais également à celle des autres. La nouvelle de la réouverture des établissements scolaires, dit-elle, je l'entends... C'est la cloche de l'école qui sonne ? Mais non, c'est le glas de l'école ! Pour qui sonne le glas ? Mais pour toi, pour tes élèves et leur famille, ton collègue, celui qui boite, qui met trois heures pour traverser la cour, ta collègue qui a déjà du mal à respirer pour aller au deuxième étage, pour lui aussi, le vieux prof de SVT, et puis aussi l'institutrice des écoles, de ton enfant, la dame toujours malade qui s'occupe de la garderie, l'agent de service qui a eu l'année dernière une infection pulmonaire... Et toi ? T'as pas peur ? La boule au ventre oui, même en bonne santé, même pas trop fragile, même pas trop à risques. La boule au ventre et le souffle court car, non content de pouvoir le choper le virus, tu peux aussi le transmettre sans le savoir, en bonne santé, en un souffle à ton collègue qui boite ou à l'agent qui tousse tout le temps. Alors le 11 mai, tu restes chez toi : tu prends soin de toi et tu prendras soin des autres.

Lisa, enseignante en L.P. et maman, à son tour, s'interroge : L’annonce d’une probable reprise pour les écoles et les établissements du second degré me pose beaucoup de questions. D’abord, effrayée au lendemain de cette nouvelle, j’ai rapidement appelé quelques-uns de mes collègues pour savoir ce qu'ils en pensaient. Entre soulagement d'une part, d’avoir enfin une date de déconfinement et de pouvoir retrouver les élèves (Nous voyons enfin la lumière au bout du tunnel ! Me disent-ils… Ce qui m’a renvoyé à une expression plus mortuaire qu’emplie d’espoir…), et crainte, d'autre part, que cela ne soit pas réalisable dans de bonnes conditions sanitaires, j’ai eu vent d’avis et de ressentis très divers. Le point commun de ces témoignages reste les innombrables questions sans réponse de la part de nos dirigeants. Tout d’abord, se pose le problème des équipements de protection. Aurons-nous suffisamment de masques, de gel hydro-alcoolique, de points d’eau et de détergent à disposition ? Ensuite, les agents territoriaux de surface auront-ils le temps et les moyens nécessaires pour désinfecter, après chaque passage, les classes et les espaces communs ? Aussi, un dépistage sérologique pourrait-il être envisagé en masse, afin de permettre une expertise épidémiologique vérifiée ? 

 J'ai peur, Monsieur

Les avis des élèves abondent dans ce sens. Ils s'interrogent sur la fiabilité de ce déconfinement forcé. Si pour certains le retour à l'école semble souhaitable, pour les autres il est un peu tôt. Ma mère, dit Anaëlle, élève en lycée général, a hâte que mes frères et sœurs retournent à l'école car leur faire faire leur travail, c'est vraiment difficile. J'ai essayé de les aider à faire un exercice de CM2 en maths mais je n'ai pas réussi. Ils ne sont pas motivés. Et ils ont, eux aussi, envie de voir leurs amis. En ce qui me concerne, j'ai également hâte de reprendre les cours le 11, ou quand cela reprendra, car j'ai vraiment beaucoup de mal avec les cours en ligne. Je me ferai une joie de revoir mes amis et les gens en général.

Marek, son camarade, lui, n'est pas de cet avis. Je partage le point de vue d'Anaëlle. Mais le déconfinement m'a l'air trop hâtif. Je pense que l’État pense plus à la survie de l'économie qu'à celle des citoyens. L'heure est grave et le gouvernement profite de notre incapacité à manifester pour nous diriger comme bon lui semble. Nous devons agir, nous les jeunes, mais comment ? Je ne pense pas que les adolescents de ma génération aient la maturité de mesurer l'étendue de ce sujet si grave. Je ne sais pas comment cette affaire va se terminer mais mes hypothèses sont plutôt négatives… Aurore, une autre camarade, elle, met l'accent sur le risque de la contamination : Mes parents et moi partageons le même avis sur cette reprise. Ils sont pour l’instant réticents à l’idée de me renvoyer au lycée. Même si des mesures sont prises, prendre des risques serait un non-sens.

D'autres élèves, pourtant en mal de vivre, qui souhaiteraient une reprise pour pouvoir, entres autres, s'alimenter correctement, craignent pour leur santé, eux qui ont déjà vécu la traversée du désert. A. a faim, n'arrive toujours pas à faire ses devoirs mais… J'ai peur, Monsieur, j'ai déjà eu peur, pendant longtemps. L'ennemi était l'homme. Aujourd'hui, il est invisible. D., lui, est partagé entre le désir de reprendre et, comme A., il préfère mourir de faim que de ce virus. L. pense à l'internat. Comment allons-nous retourner au lycée ? Nous serons obligés de nous loger sur place car nous habitons loin, dit-il. Quels seraient les moyens de protection ? Comment être sûr que mes camarades, que je n'ai pas vus depuis plus d'un mois, ne soient pas contaminés ? Je me pose beaucoup de questions mais, sincèrement, je n'ai aucune réponse.

Ma maman m'interdit de mourir

B. n'a aucun doute. Il ne remettra pas les pieds au lycée. Il a passé son confinement à s'informer, à appeler ses parents qui sont en Afrique. Ma pauvre maman m'interdit de mourir. Eux, là-bas, ils n'ont aucune protection. Elle m'intime l'ordre de continuer à vivre. Elle a tellement pleuré au téléphone… Elle a raison ma mère. Je vais faire attention. Elle m'a longtemps pleuré.

Abdoul préfère étudier à la maison. Mon humble avis, écrit-il à travers un texto, c'est une mauvaise décision de rouvrir les écoles. Au moment où le personnel soignant commence à nous donner de l'espoir contre le Covid-19, le gouvernement ouvre une autre porte à ce virus. Je ne veux ni être contaminé ni contaminer les autres. Ils nous disent que cette réouverture des classes peut être un moyen pour combattre les inégalités. L'injustice sociale était déjà présente, avant cette pandémie. Rouvrir les écoles, c'est ouvrir les portes des cimetières.

 "Déjà, en temps normal, nous n'arrivons pas à soigner les bobos"

Par ailleurs, les infirmières scolaires interrogées restent sceptiques quant à cette reprise prématurée. Hélène est catégorique. Pour elle, les établissements sont des nids à microbes. Honnêtement, je ne sais pas comment on pourrait protéger tout le monde. Déjà, en temps normal, nous n'arrivons pas à soigner les bobos par manque de personnel… Il y a des infirmières qui travaillent dans plusieurs établissements à la fois. Je pense aux petits établissements. Les médecins scolaires, eux aussi, “voyagent” d'un établissement à l'autre. On m'aura comprise : il est incertain que nous puissions faire notre travail sans dégâts outre mesure.

Sonia n'a pas de doute non plus. Je suis réquisitionnée. J'ai fait deux semaines dans un hôpital. J'ai vu mourir des gens. Ce virus est une saloperie, permettez-moi l'expression. Si la priorité n'est pas donnée à la protection de tout le monde, alors il faudra tout simplement poursuivre le confinement. Alain, lui aussi réquisitionné, ne mâche pas ses mots. C'est le bordel, mon ami. J'ai juste envie de démissionner. Il y a deux jours, un patient est décédé sous mes yeux. Je n'ai pas l’habitude de voir ça. Au lycée où je travaille, je soigne, je veux dire, j'essaie de soigner un mal de tête, une blessure et autres bobos. Là, c'est sérieux. La mort est au bout. Elle nous guette sournoisement. Alors, quand j'entends que nous allons reprendre le chemin de l'école, j'ai juste besoin, là aussi, d'appeler à la désobéissance.

On navigue à vue

Un médecin scolaire, à son tour, nous renvoie, entre autres, à un article de France info de janvier 2020, dont lequel on peut lire : 500 postes de médecins scolaires sont vacants cette année faute de candidats, laissant le reste de la profession surchargée. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 900 médecins... pour 12,5 millions d'élèves. Il ajoute que la messe est dite et s'inquiète de ce qu'il va advenir de cette réouverture des établissements scolaires. Au-delà des moyens sanitaires à mettre en place, il y aura forcément certains élèves qui reviendront avec des traumatismes dus au confinement. La tâche est rude, très rude.

Une psychologue de l'Éducation nationale, elle, parle de sa mission difficile à accomplir en ces moments où on navigue à vue. Pour contribuer au parcours de la réussite des élèves, ça fera défaut. Ajoutez à cela qu'il faudrait agir en faveur du bien-être psychologique et de la socialisation des élèves. Oui, comme l'indique ma mission, je vais développer l'intérêt et la motivation. Oui, je vais créer les conditions nécessaires pour un équilibre psychologique des élèves. Oui, je vais favoriser la réussite et l'investissement scolaires des élèves. Oui, je vais mettre en place l'élaboration progressive de leur projet d'orientation. Oui, oui et oui… Je ne sais comment cela pourra se faire…

Bien sûr, nous avons peur

Les agents territoriaux, eux, n'ont, jusqu'à présent, aucune directive qui les aiderait à savoir où ils en sont. Ils sont dans la réserve. Fabienne, néanmoins, a pu joindre ses collègues pour nous livrer quelques témoignages. Le ton est commun. Nous sommes, par habitude, dans la crainte de dire ce que nous pensons. Nous sommes des petites gens. Nous restons discrets. Nous avons peur de perdre notre travail. Pourtant, nous sommes comme les autres. Nous sommes des adultes responsables, aussi, auprès des élèves. Nous faisons notre travail avec les moyens du bord. Comment une telle et un tel pourraient-ils faire face au travail demandé, lorsqu'on sait que nous manquons de mains ? De main-d’œuvre, pour utiliser une autre expression. Bien sûr, nous avons peur. Dans les lycées où nous travaillons, parfois on frise déjà l'insalubrité, en temps normal. L’hygiène est notre priorité, normalement. Mais quand on dit à Samira, à deux mois de la retraite, souvent avec arrogance, que son travail est mal fait… Quand, toujours à la même Samira, on demande de nettoyer les couloirs, de servir les élèves à la cantine, de faire la plonge, de nettoyer les salles de cours et les salles de professeurs qui laissent traîner leur gobelets… Quant à l'autre, Rico, on demande de ne pas converser avec les profs car c'est une perte de temps. Quant à l'autre encore, Fabien, on met la pression jusqu'à perdre la raison... Alors, monsieur, nous voudrions bien revenir au travail. Mais comment allons-nous nous protéger et protéger les autres ? On s'inquiète. On a peur.

Les ATSEM, elles, font la moue. Elles travaillent pendant le confinement... Anne, mère d’un enfant en bas âge, doit accueillir les enfants de soignants. Dans l’école où je travaille, dit-elle, nous étions alors cinq encadrants pour nous occuper d’un seul enfant de huit ans. Aberrant à mon sens, au vu des risques encourus ! Mon conjoint devant télé-travailler, j’ai pris la décision de bénéficier des 14 jours octroyés de droit pour garde d’enfant, malgré la pression mise par ma responsable. Mon conjoint ayant pris ses jours de congé, j’ai repris le travail dès le lundi des vacances scolaires, afin de pouvoir nettoyer les locaux. Mais reste l’interrogation de la rentrée des petits de maternelle… J’attends les directives du ministre liées au déconfinement avec une certaine angoisse. Franchement, je ne suis pas rassurée, ni pour les élèves, ni pour ma fille, ni pour moi, ni pour les autres.

J'ai besoin de pleurer

Sabrina est débordée. Son mari est agent de propreté urbaine. Ils ont trois enfants en bas âge. Son quotidien est compliqué. Je ne sais où donner de la tête, fait-elle savoir en riant tout de même. J'ai besoin de repos. Mon mari aussi. Quand il rentre, il évite d'embrasser les enfants avant de prendre sa douche. Moi, il m'oublie. Même pas un câlin. Vous savez, monsieur, j'ai besoin d'affection. J'ai oublié mon corps. Je fais le ménage, la cuisine. J'aide mes enfants à faire leurs devoirs. Je parle doucement à mon mari qui rentre déboussolé. Pourtant, j'ai parfois envie de crier. Je travaille, vous le savez. Je fais mon travail d'ATSEM… Donc, quand on me parle du retour à l'école comme si de rien n'était... J'ai juste besoin de pleurer. Je voudrais bien savoir comment nous allons nous protéger. Ce virus, monsieur, je le vis tous les jours car il peut s'introduire chez moi…

Les Conseillers principaux d’éducation et adjoints d’éducation... (la vie scolaire) et les animateurs périscolaires restent dans l'expectative, attendent des instructions mais, à leur tour, s'inquiètent de l'organisation qui se mettra en place. Ce n'est pas le travail qui pose problème, dit une CPE, je voudrais retourner au collège. Mais, comme tout le monde je pense, cette histoire de sécurité sanitaire m'apostrophe. Organiser la vie collective dans 'l'à-peu-près' ne me rassure pas. Les tensions s’accentueront certainement entre les professeurs et les élèves. Entre les élèves et la vie scolaire... Je ne veux pas paraître pessimiste mais c'est une réalité avec laquelle nous vivons en temps normal. On ne peut vivre comme avant. On ne peut vivre avec des hypothèses. On verra.

S., AED dans un lycée polyvalent, après consultation avec ses collègues, nous livre le message suivant : Pour la reprise, nous sommes dans l'attente. Son organisation sera difficile. Comment gérer l'internat, la cantine... par exemple ? Comment se protéger et protéger les autres ? Comment allons-nous expliquer aux élèves que les habitudes devraient changer ? Comment intervenir, et de quelle manière, auprès de certains réticents à comprendre et à respecter les consignes sanitaires ? Quoi dire à B. qui va revenir encore plus perturbé et plus perturbant qu'avant ? Nous sommes des étudiants, certains d'entre nous ont juste 22 ans, nous ne sommes pas des psychologues. Puis, nous avons peur, nous aussi, pour nous et pour les autres.

Affronter les questions des familles, celles du personnel

Didier, chef d'établissement qui a voulu répondre à nos questions, fait le résumé de cette reprise qui s'annonce ardue : Le déconfinement s’annonce, à partir du 11 mai, de façon progressive dans nos établissements, tout en sachant que le virus n’est toujours pas vaincu… Les chefs d’établissement doivent garantir la sécurité de leurs personnels et de leurs élèves et nous savons que cela ne sera pas une tâche facile, d’autant plus que nous manquons cruellement d’informations et d’instructions. Les consignes de nos autorités de tutelle ne devraient pas tarder à nous parvenir, mais, à ce jour, toujours aucune information… Et même si cela arrive, il va falloir faire preuve de patience pour préparer, programmer, gérer cette reprise à très court terme, affronter les questions des familles, celles du personnel, organiser cette fin d’année (cours, internat, restauration), examens, orientation… et anticiper la rentrée scolaire… Désormais, il faut savoir tirer des enseignements de cette crise. Il nous faut rester unis, solidaires car c’est en équipe (enseignants, vie scolaire, agents, parents…) que nous ferons face à ce défi de reprise en minimisant au maximum tous les risques.

 

Stéphanie Pernod Baudon, Vice-présidente du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, déléguée à la formation professionnelle et à l'apprentissage, insiste également sur ses questions et inquiétudes mais ouvre, elle aussi, le champ à d'autres possibilités : la solidarité, notamment. La Région, dit-elle, son action est en direction de l’apprentissage, formation initiale pour lesquelles nous avons dû, récemment, passer la main, les lycées, pour lesquels nous sommes en responsabilité des bâtiments et des personnels d’entretien et la formation continue. Nous travaillons pour répondre à l’annonce du président de la République mais, nous devons faire face à plusieurs questions pour lesquelles les réponses manquent actuellement. Pour les lycées, par exemple, nous avons besoin d’informations précises qui n’ont pas été communiquées, à l’instant où je m’entretiens avec vous. On évoque le dédoublement des classes, des classes à 15 élèves, mais nous n’avons pas d’échanges avec l’Éducation nationale pour penser à une organisation. Paradoxalement, les lycées professionnels, qui pratiquent déjà le dédoublement des groupes d’élèves, auront peut-être un peu d’avance… Une autre question primordiale est celle liée à la protection des agents, des élèves et des personnels. Aurons-nous les équipements nécessaires et suffisants ? Nous n’en savons rien… Et pour faire respecter les consignes sanitaires, nous n’avons pas la certitude de disposer du nombre d’agents suffisants ; certains sont malades, d’autres doivent garder de jeunes enfants, d’autres encore peuvent faire valoir leur droit de retrait. Quant à la vie au sein des établissements – les entrées et les sorties, les récréations, les cantines... – nous cherchons encore des solutions. Comment gérer une cantine qui accueille quotidiennement 1200 convives ? Nous sommes inquiets, je le dis très simplement, car nous ne savons pas si nous pourrons assurer toute la sécurité nécessaire à une rentrée sécurisée. Enfin, se pose aussi la question des transports scolaires. Comment procéder, si on exige un seul adolescent par siège ? Il faudrait alors prévoir d’autres bus… Quel budget permettra de financer le surcoût ? Les dépenses de la Région dues à la crise sanitaire et au manque de recettes ont flambé. Pour les apprentis, l’État a désormais la responsabilité de leurs formations initiales. Mais la Région gère des stagiaires de la formation continue qui continuent à percevoir leur rémunération, pendant le confinement, pour un coût avoisinant les trois millions d’euros. Pédagogiquement, nous utilisons une plate-forme de formation à distance mais on retrouve les mêmes problèmes de connexion et d’accompagnement repérés dans le cadre de la formation initiale. Une nouvelle question émerge en ce moment : nous reprendrons certainement les formations en présentiel dès septembre, mais avec quels stagiaires et pour quelles formations ? Il faudra réadapter le système. Nous faisons l’hypothèse que nous aurons beaucoup de stagiaires issus de Pôle Emploi. Mais pour quelles formations ? Des pans entiers auront été détruits ou très amoindris. Les dispositifs, prévus pour 2019/2020, n’auront plus lieu d’être. Je pense, par exemple, à l’hôtellerie et à la restauration qui ne devraient pas avoir besoin de formation, tant cette branche sera touchée par le chômage… Il nous faudra mettre en place un nouveau plan de reprise pour des formations à des emplois porteurs qui, cependant, n’attirent pas vraiment : industrie, agroalimentaire, vente en libres services...

Des ponts de solidarité entre les régions

Malgré tout, nous pouvons retenir quelques points sinon positifs, du moins porteurs pour l’avenir, comme, par exemple, le développement de la formation à distance. La région Occitanie a mis en œuvre une plate-forme performante, même si tous les métiers ne peuvent être concernés. L’installation de la fibre diminue les connexions défectueuses. La décision politique à l’initiative de la Région avec les départements pour l’installation et les communes pour le déploiement est un bel exemple d’un partenariat réussi. Enfin, des ponts de solidarités se sont construits entre les Régions. Nous coopérons davantage. Les branches professionnelles, qui étaient, jusqu’alors, dans une espèce de concurrence, se sont fédérées. Nous faisons le pari que ce qui est créé, en matière de coopération et de solidarité, perdurera pour le 'jour d’après', et les suivants. Ce que nous avons acquis, pendant cette crise, ce qui a été inventé, créé de positif, je souhaite que tout se poursuive après, pour que le monde futur soit différent. J’entends certains demander une reprise économique qui permette de 'rattraper ce qu’on a perdu'. Je pense que ceux-là se trompent car on ne rattrape pas, jamais. Les grands enjeux qui se profilent seront à gérer au niveau mondial et là, je dois bien avouer que des clés me manquent.

Le constat s'avère amer. Nous avons essayé de contacter des maires et autres élus mais le droit de réserve s'impose en ces moments où rien n'est clair. S., élue, a cependant pris le temps de nous envoyer ce message : En tant qu’élue, j’entends l’importance d’une reprise du lien pédagogique direct avec les élèves, en raison des inégalités sociales accentuées par le confinement et leurs conséquences sur les enfants des classes populaires. Cependant, l’impératif sanitaire prime et toute la question est de savoir si les conditions seront réunies le 11 mai pour une reprise de la scolarité, sans mise en danger des enfants, des personnels et des familles. Une mairie est en première ligne pour ce qui concerne les écoles primaires. Nous sommes en attente d’un cadre clair de l’État. Malgré les éléments apportés par le ministre, des incertitudes demeurent : combien d’enfants devront-ils être accueillis dans les écoles ? C’est une question qui touche à des principes fondamentaux qui dépassent les compétences des maires, comme l’obligation de scolarité et le droit à un accueil scolaire pour tous les enfants. Comment, malgré cela, diminuer les flux pour garantir la distanciation sociale dans les locaux, dans la cour, à la cantine, … ? Comment permettre l’accueil des enfants en classe par petits groupes ? Cela pose des questions quant aux locaux disponibles, au nombre des encadrants et aux coûts générés par cette organisation. Comment garantir les conditions sanitaires : nettoyage plus fréquent et plus exigeant des locaux, points d’eau suffisants, gel hydro alcoolique, masques… Des réunions s’organisent avec les représentants de l’État. Permettront-elles de résoudre toutes les problématiques ? 

On aura, en somme, remarqué que le besoin, même dissimulé parfois, de celles et de ceux qui ont témoigné, est celui de retrouver le chemin de l'école. Cependant, par manque de réponses explicites à toutes les interrogations, une autre question se pose : la reprise, oui mais à quel prix ?

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →