Chronique ordinaire des jours extraordinaires - 16 avril
Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 16 avril 2020.
Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, une seul chronique hier,
Christine V., engagée dans le secteur associatif dans le sud de la France
Jour 4 semaines + 3 jours, 3 jours que nous savons que cela durera 1 mois de plus, et que je commence à bien réaliser que le 11 mai… la vie ne va vraiment pas repartir comme avant.
Mes journées restent très pleines, car comme disait mon papa : « T’as des projets, t’as des amis ? Alors ça va ! ». J’ai surtout la chance de la partager ma vie avec un homme que j’aime, de savoir que mes enfants sont prudents (même si je suis impatiente de voir revenir ma fille d’Irlande), que mes amis vont bien ; que les apéro skype sont fort réconfortants ; que Internet fonctionne bien. Et que nous avons un jardin !
J’alterne les temps d’engagements associatifs avec des visioconférences (où la joie reste bien présente heureusement) et des temps de projets jardinage, rangement, ce qui fait que dans la phase 1 on dirait vraiment qu’une tornade a traversé la maison… gros déballage avant le rangement… Pour le jardinage et le potager, on part niveau 0... Une belle aventure ! On commence par les radis, paraît que c’est fastoche. Une copine nous fait des plants de tomates, on verra bien ! Je me surprends à regarder pousser les fleurs, je ne leur parle pas encore… mais…. c’est un risque !
La MJC de ma ville où j’ai des responsabilités, me réchauffe vraiment le cœur par l’implication et l’inventivité dans cette crise majeure, tant du côté des salariés que des bénévoles. La question du lien entre tous est vraiment centrale C’est la même chose pour l’association régionale et nationale d’Education nouvelle et populaire dans laquelle j’occupe des fonctions d’administratrice. J’y mesure les solidarités, les soutiens, la créativité et j’essaye d’y contribuer… La vie est pleine de gens formidables. Et vraiment les visios pour moi sont importantes, VOIR les personnes c’est vraiment « un plus ». J’avais lu cela, petite dans un roman de Jules Verne, un téléphone à image… et cela continue à me fasciner… un peu comme les avions lourds qui volent…
Et j’ai facilement la larme à l’œil en mesurant petits et grands engagements des personnes, que je connais, que je ne connais pas, dans cette situation incroyable. Et oui, je suis d’une nature optimiste, quand on en sortira, je l’espère, on continuera à se retrousser les manches pour un monde autre , un monde meilleur. Je crois que nous commençons à peine à en prendre la mesure…
J-B, directeur national d’un réseau associatif (jour 28)
Le président de la république vient de terminer son intervention. Nous en avons donc pour encore un mois de confinement. Mais à y regarder de plus près, il a précisé qu’il y aurait une sortie progressive du confinement. Sans préciser ce que veut dire ce progressif. Est-ce que cela va être encore plus long ?
Le point positif, c’est que le gouvernement a arrêté de nous annoncer le prolongement du confinement de 15 jours en 15 jours. Le point plus difficile à comprendre et le fait que les enfants pourront retourner à l’école, pourraient retourner à l’école à partir du 11 mai.
Je suis très sensible au fait d’essayer de tout mettre en œuvre pour rattraper les décrocheur.e.s. D’après les éléments qui nous sont communiqués, il y aurait 5 % d’élèves qui ne seraient plus du tout en contact avec l’Education nationale. En France, il y a 12 millions d’élèves ; 5 % de 12 millions équivaut à 600 000 élèves qui seraient en situation de décrochage à ce jour, le confinement accentuant cet effet. Il faut donc tout mettre en œuvre pour accompagner ces élèves.
Mais en même temps, comment entendre, comment pouvoir comprendre qu’il n’est pas possible d’ouvrir les restaurants (20 à 30 personnes dans une même salle), et qu’il est possible d’accueillir plus d’une centaine d’élèves dans un même restaurant scolaire ? Alors oui, il a bien été précisé un « retour progressif » à l’école. Que veut dire ce progressif. Cela reste à préciser...
Il est important, de tout mettre en œuvre pour ne pas avoir une deuxième vague d’épidémie. Nous avons fait tant d’efforts, nos enfants ont fait tant d’efforts. Il ne faut pas risquer la santé de tous, la santé et la vie d’un grand nombre, pour une raison X ou Y.
J-B, (jour 29)
C’est autour du ministre de l’Education nationale de s’exprimer. Il vient de terminer son intervention au journal, de France 2, de 20 heures. Il a bien insisté sur ce progressif. Il a également précisé qu’ils avaient 15 jours pour nous proposer les modalités de déconfinement vis à vis de l’école. Nous allons donc les laisser travailler, les laisser consulter les syndicats enseignants et les fédérations de parents d’élèves, j’espère qu’ils consulteront également les syndicats lycéens…
Pour limiter les risques, plusieurs solutions sont possibles, accueillir les élèves les plus en difficulté dans de petits effectifs à l’école, mobiliser les réseaux d’enseignants et d’enseignantes spécialisé.e.s pour accompagner tel ou tel élève, donner des rendez-vous individuels à l’école…
Lors d’un échange avec des camarades universitaires nous nous sommes dits qu’il aurait également pu être décidé d’annuler cette année scolaire. Tout le monde aurait recommencé son année en septembre. C’est un peu fou, c’est sûr, Comment gérer les nouvelles entrées en maternelle ?
Mais cette opportunité aurait pu donner une base de données exceptionnelle pour conduire des analyses aux chercheurs en sciences de l’éducation et en pédagogie. Nous aurions pu faire une étude nationale sur l’importance de travailler de nouveaux contenus, insister sur un même contenu... Dans la mesure où un trimestre et demi aurait déjà été réalisé l’année précédente, de nouvelles méthodes pédagogiques auraient pu être testées, des voyages scolaires aurait pu être organisés sur du plus long terme (pour remettre du collectif).
Nous aurions également pu tester, dans des protocoles plus aboutis, l’enseignement à distance (sic !)…
Nous aurions pu passer cette fin d’année scolaire à organiser cette année exceptionnelle. Mais ce choix n’a pas été fait, en plus, je le comprends…