Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Continuité pédagogique : quand ce sont des lycéens qui créent un serveur pour faciliter l'enseignement à distance de leur établissement

Paru dans Scolaire le lundi 06 avril 2020.

Deux élèves de terminale S du lycée Saint-Alyre de Clermont-Ferrand ont créé un serveur internet pour faciliter l'enseignement à distance. S'appuyant sur la plateforme Discord, qu'ils utilisaient déjà pour se "retrouver" et discuter entre amis et élèves le soir et le week-end ou encore pour jouer, ils ont "recréé un lycée", avec des espaces groupes-classes permettant des échanges oraux, visio et écrits, des espaces dédiés à chaque enseignant pour préparer leurs documents, des espaces d'échanges pour élèves, pour enseignants... L'idée, ils l'ont eue le premier week-end du confinement, alors qu'ils se retrouvaient sur la plateforme pour discuter entre eux, au constat que la continuité via l'ENT de l'établissement, "École directe", s'avérait difficile, lente, notamment parce que beaucoup de monde se connectait en même temps et parce que les usages étaient limités à de l'échange de documents, d'exercices et de messages écrits. L'interaction limitée au mode écrit exposait au "risque de perdre les élèves", souligne Marie-Violaine Deville, enseignante d'espagnol qui compte parmi les utilisateurs - le serveur est d'ailleurs utilisé par une grosse proportion d'enseignants, à tous les niveaux dans le lycée -, comme Thomas Hézard, l'un des lycéens à l'initiative de cette création. "On nous envoyait principalement le cours 'brut' par ce biais, des documents avec des questions ou des choses à travailler", explique le lycéen. "Pour un élève peu motivé, ça peut être difficile de suivre car on peut plus facilement se distancier de son travail. Et on a moins de facilités à discuter avec les enseignants, car c'est plus compliqué de s'exprimer par messages qu'à l'oral."

Selon Thomas Hézard, le recours à Discord offrait trois atouts : les élèves utilisaient le système depuis plusieurs années, donc le connaissaient, il est "accessible gratuitement" et enfin, il est "international", ce qui garantissait "davantage de puissance pour qu'il fonctionne dès lors que beaucoup de monde se connecte". Ce à quoi s'ajoute une "création de serveurs facile et intuitive". Et, autre "avantage énorme" selon Marie-Violaine Deville, "il permet d'interagir oralement dans une classe virtuelle", tout en donnant la possibilité, via un chat, de "laisser des traces écrites".

Un "salon vocal", un "salon récré", un "salon salle des profs"...

Le serveur développé par les deux lycéens est composé d'espaces différents, dits "salons". Le salon "vocal", dédié à un groupe classe, permet à l'enseignant de faire la classe en audio ou vidéo, d'interroger ceux qui sont connectés (affichés sur l'écran), ces derniers pouvant aussi à l'inverse intervenir, ce qui permet "d'être réactifs", pour tous soit oralement, soit par le biais d'un chat (qui permet aussi la dépose de documents). Et que "cela profite à tout le monde en simultané", puisque "on peut poser nos questions que tous les élèves entendent", complète le lycéen. L'enseignant dispose d'un salon à lui, où il peut préparer les documents, questions, etc. D'autres salons complètent ceux qui entourent la classe, à l'instar d'un salon "récré" dédié aux échanges entre élèves ou encore d'un salon "salle des professeurs" qui permet à ces derniers de se "retrouver" entre eux.

L'utilisation de la plateforme Discord dans le cadre de l'Éducation nationale fait néanmoins l'objet d'une polémique. Car, alors que le RGPD (Règlement général de la protection des données) protège les utilisateurs européens en renforçant notamment le recueil préalable de leur consentement pour la collecte de certaines données, Discord recueille automatiquement un certain nombre de données comme l'adresse IP et les activités au sein des services. Mais pour Marie-Violaine Deville, "l'intérêt des élèves" primait, à cause de l'enjeu que représentait le bac pour les terminales, et que n'étaient pas connues jusque là les nouvelles modalités du bac (lire ici). "Alors que nous étions dans une situation complètement inédite, le serveur a permis une réactivité extraordinaire, de rentrer à nouveau dans une dynamique de classe, de raccrocher la quasi-totalité des élèves, et de ne pas prendre de retard dans le programme." Autre "point positif", poursuit-elle, par ce biais, "certains qui n'osaient pas prendre la parole en classe se sont lancés". Enfin, elle peut aussi utiliser le serveur pour s'entretenir, approfondir des notions avec ceux qui rencontrent des difficultés, individuellement ou avec des groupes restreints.

Quant à l'initiative, parce qu'enclenchée par les lycéens eux-mêmes, elle a permis également, selon l'enseignante, d'instaurer un changement du rapport élève / enseignant très enrichissant, au-delà de montrer qu' "ils étaient motivés". "Ce sont eux qui nous coachent, nous forment, nous rendent service et il y a réciprocité puisque nous poursuivons ensuite notre enseignement. C'est une interaction humainement très intéressante."

Maintien du lien social

Si l'outil constitue une "aubaine", il "ne remplace pas un cours", souligne l'enseignante lorsqu'on l'interroge sur l'éventualité de faire évoluer ses pratiques après cette expérience. "Ça m'a fait plutôt prendre conscience qu'on ne peut pas faire cours sans présentiel, m'interroger sur ce qu'est le cœur de métier, comment on transmet, on suit ses élèves...". La distance pouvant aussi constituer, entre autres, "un casse-tête pour savoir ce que chacun fait, où ils ont des difficultés, comment les encourager..."

Enfin, poursuit-elle, cette initiative et toutes celles qui ont fleuri ailleurs ont surtout révélé que "la relation humaine compte". "Il y a quelque chose qui se passe au-delà du disciplinaire", analyse l'enseignante. "Ce serveur est source de motivation, car il nous permet de garder nos élèves, et leur permet de garder le lien entre eux. Il a redonné vie au lycée. On vit un moment tragique, anxiogène, face au virus comme au confinement, et c'est aussi un moyen d'accompagner les élèves". "Maintenir le lien, c'était notre but premier : au-delà de pouvoir se réunir en cours, pouvoir se réunir aussi après les cours", confirme de son côté Thomas Hézard. Marie-Violaine Deville évoque encore parmi les initiatives qui vont dans ce sens l'exemple d'une enseignante du premier degré qui a appelé chaque enfant de sa classe pour les entendre réciter leur poésie !

Camille Pons

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →