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Chronique ordinaire des jours extraordinaires - 4 et 5 avril

Paru dans Scolaire, Périscolaire le dimanche 05 avril 2020.

ToutEduc tient chronique des petits gestes et des petits faits des jours du confinement, des bonnes et des mauvaises surprises des acteurs de l'éducation, des situations qu'on n'imaginait pas, des outils auxquels on ne pensait pas... Vous pouvez nous adresser vos textes, de 3 à 25 lignes, du positif ou du négatif, mais ancré dans la singularité de votre expérience (redaction@touteduc.fr)

F. proviseure d'une cité scolaire.

Mercredi 1er avril, jeudi 2 avril, Lourde journée, pénible, désespérante …

La fatigue s’est abattue brusquement sur moi, à un moment où je ne m‘y attendais pas.

Le temps a pourtant paru rapide depuis le début du confinement même si mes repères habituels se sont évaporés. J’ai beaucoup de mal à savoir quel jour de la semaine nous sommes par exemple, cela dû sans doute à l’absence des réunions posées chaque semaine le même jour, à la même heure, et qui rythmaient, de cette façon, la semaine de travail.

Je suis confinée, certes, et ne sors pas de l’établissement scolaire mais je continue néanmoins à descendre un étage et à aller chaque jour à mon bureau selon des horaires quasi identiques avec néanmoins un retour impératif à 19H55 pour le rdv des balcons.

Alors, pourquoi, en ce mercredi ou jeudi soir, brusquement, la fatigue sourde a eu raison de mon énergie ?

La colère, peut-être, conséquence elle-même d’un constat d’impuissance face à l’empirisme des croyances et des peurs irraisonnées ?

Il y a plus de 4 semaines maintenant, un des personnels a été hospitalisé. Atteint d’une forme sévère du coronavirus, il a été mis sous coma artificiel et respirateur avec une pneumonie qui s’est doublée d’un œdème pulmonaire. Il est sorti d’affaire, désormais, mais cela a été lent et douloureux. Comme il habite dans l’enceinte de l’établissement, les autres personnels, ses voisins, ont développé une angoisse énorme. Quatre semaines plus tard, ils refusent toute tâche au sein de la cité scolaire et ne prennent jamais le soleil dans une des cours ou dans son parc, persuadés d’être en danger. L’accueil d’enfants de personnels soignants ne les concerne pas, la distribution de masques non plus, les locaux qu’ils entretenaient et qui peu à peu perdent en salubrité… Seule l’imminence d’un danger plus fort qu’ailleurs existe et aucun de mes arguments raisonnés n’y peut rien.

En parallèle, la découverte à chaque heure ou presque de la journée de nouveaux cas d’élèves sans outil numérique alors même que nous pensions avoir recensé et éradiqué le problème me plonge là aussi dans un état d’impuissance. Les tablettes retrouvées nous permettront d’y répondre mais on a perdu, les enfants ont perdu… 3 semaines.

Alors, le standard qui sonne sans cesse dans mon bureau, les visio conférences pour maintenir le lien, les mails par dizaines chaque jour, les enquêtes du rectorat qui voudrait recenser les décrochés, les malades, les non connectés et j’en passe… ce soir…MARRE !

Arch S. : Directeur d’une association d’éducation populaire à Mayotte

La vie militante est bousculée... Aucun administrateur de l’association ne bouge. Coronavirus, maladie de dieu, maladie du siècle, en général, les gens ont extrêmement peur, est-ce que Mayotte va toujours exister ? La question principale des habitants : est-ce que chacun va rester en vie ? Mais, seul espoir, les mosquées sont fermées ! La loi française est plus forte que Dieu, car Coronavirus a conduit la population à ne plus pratiquer la prière collective ! Mayotte est dotée uniquement d’un hôpital surtout équipé pour des naissances, mais pas pour faire face à la pandémie. On craint le pire tous les jours... Personnellement, je suis frustré et cela m’emmène souvent après des interpellations, à aller travailler sur les dossiers à Loni (le village du siège de mon association), pas de connexion à Kani Kéli (mon village où j'habite) ; tous les jours aucun réseau, je me déplace donc pour les dossiers administratifs en cours, le dossier de passage en travail partiel, pour nos conventions et les différents financements de nos partenaires. Les salaires de mars ont été versés à 100%, les personnes sont contentes... Et j’attends la fin du Coronavirus pour retrouver mes idées !

Ch, directeur national d’un réseau associatif

Ces premiers jours d’avril sont synonymes pour moi d’un changement au regard de ma fonction de direction d’une équipe et donc d’animation de salariés, même si je travaille également avec un ensemble de bénévoles militants au sein de notre association ! Les deux dernières semaines de mars, tout le monde était en télétravail... Mais depuis, nous avons basculé sur une situation de travail partiel... En gros, 50% de travail partiel pour toutes et tous, des congés de gardes d’enfants pour certains, il y a quelques situations différentes en fonction de la nature du travail et pour soutenir des temps partiels... En effet, notre travail est celui d’une tête de réseau associatif, comme on dit... dans la mesure où l’activité de la trentaine de nos sites régionaux ont dû arrêter la presque totalité de leurs activités... Le travail au siège national s’en ressent ! Il a fallu donc individuellement organiser ce travail partiel... Les personnes salariées travailleront plutôt le matin... La complexité pour certains d’entre nous vient du fait que nous travaillons aussi avec des bénévoles... alors il y a cet engagement militant qui continue... et qui pour moi est essentiel !

La vie en confinement c’est aussi une modification des relations familiales. Moi mes enfants sont grands ! Ils sont tous les deux en télétravail ainsi que leurs conjoint.e.s. Mais j’ai le grand plaisir d’avoir un petit fils de 18 mois ! Alors, ne pas le voir..., on devait fêter des anniversaires... Annulés... c’est dur ! Depuis de très nombreuses années, notamment comme président d’un collectif citoyen national sur la question des enfants, des jeunes et des médias, je milite pour une éducation aux médias et à l’information systématique pour tous et toutes (d’actualité en ce moment, j’y reviendrai une autre fois)... Et surtout j’ai été à l’origine, avec d’autres, collectivement, de la mobilisation « Pas d’écrans avant 3 ans !! ». Je dois dire que j’ai quand même hier soir organisé sur un ordinateur, un court « moment skype » avec mon petit fils et ses parents... Son regard accaparé par cette image de ses grands-parents qui lui parlaient, faisaient rouler son petit camion préféré devant la caméra. Enco, enco.. (encore), disait-il ! Il nous a fait des bisous et un au revoir de sa main au moment de mettre fin à cette liaison à distance. Un peu d’émotion partagée... mais je confirme, cela reste et doit rester exceptionnel, les petits ont besoin de relations humaines vraies et de situations motrices et affectives authentiques, sans écrans !!! Vivement la fin du confinement.

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