Comment réenchanter la géographie et l'extraire des représentations scolaires ? (Les Cahiers pédagogiques)
Paru dans Scolaire le jeudi 27 février 2020.
"J’aimerais tant voir Syracuse…". Cette chanson d’Henri Salvador qui dévoile "le monde d’un habitant qui n’a que la ressource de la force imaginative des noms de lieux pour voyager" est, selon Olivier Lazzarotti, professeur de géographie à l’université de Picardie-Jules-Verne, une bonne introduction à l’étude sa discipline. Une discipline "mal aimée" à laquelle Les Cahiers pédagogiques consacrent à nouveau un dossier intitulé "L‘aventure de la géographie".
Alexandra Rayzal, professeure d’histoire-géographie en collège à Paris et Christophe Duhaut, enseignant à l’Inspé de l’académie de Lille, coordonnateurs de ce dossier, se proposent notamment de démontrer qu’une "autre géographie scolaire est possible et à portée des enseignants". Ils précisent : "Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de décrire la planète sur laquelle nous vivons mais de se demander collectivement ce que nous voulons y faire et en faire. Il s’agit de former des citoyens capables d’agir et de se projeter dans le futur".
A travers ce dossier, il s’agit de témoigner de la diversité des orientations prises par la géographie aujourd’hui : "Les enjeux scientifiques, épistémologiques, didactiques et pédagogiques sont propices à un foisonnement d’expérimentations dans le champ scolaire, qui montrent la vitalité de cette discipline". Pour Alexandra Rayzal et Christophe "Duhaut, tout objet social est un objet géographique, les enseignants de toutes les disciplines peuvent trouver matière à croiser la géographie".
En faire une aventure
"Réenchanter la géographie par l’imaginaire et les cinq sens", "expérimenter l’espace pour mieux l’habiter", "envisager d’autres mondes, vers une géographie citoyenne", en trois grands thèmes, illustrés par de nombreuses expériences pédagogiques, les Cahiers revisitent la géographie telle qu’elle est enseignée aujourd’hui : dans une école du Pas-de-Calais, les élèves imaginent des solutions durables à une situation répétée d’enclavement de leur village ; dans la Manche, des élèves de 3e apprennent à regarder le bord de mer avec l’œil du géographe et la fantaisie du poète ; à Lisieux, des élèves de 1ère S déambulent "sur les traces de sainte Thérèse…".
Benoît Bunnik, formateur en géographie à l’Inspé d’Ajaccio, constate que ses étudiants "perçoivent généralement la géographie comme une discipline peu intéressante destinée à apprendre par cœur des choses peu utiles". Partant de là, il leur demande d’abord de dessiner une ville - doit-on la représenter par un plan, une carte, un paysage ? - ; ensuite il les emmène dans le quartier où est situé l’Inspé et ils doivent en dessiner une carte - doit-on privilégier tel ou tel espace, des monuments, des immeubles, des restaurants ?- ; l’aventure se terminant, par une bonne surprise : la réalisation en 3D de leur projet avec l’aide du Fablab de l’université de Corte. Ce que retient le formateur de cette expérience, "c’est d’abord la difficulté des étudiants à s’extraire des représentations forgées par près de vingt ans de géographie scolaire".
Les Cahiers pédagogiques, n° 559, février 2020, 12€.
Colette Pâris