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EXCLUSIF - SNU : le Conseil des sages de la laïcité atteint par le conflit au sein de la Ligue de l'enseignement

Paru dans Scolaire, Périscolaire le dimanche 02 février 2020.

Gabriel Attal annonce dans Ouest-France que "le SNU pourrait devenir obligatoire dès 2021, avec 100 000 recrues, puis 200 000 prévues en 2022. Et à terme, 800 000 par an." Cette annonce survient alors que le conflit qui oppose Jean-Paul Delahaye à Joël Roman, et qui a conduit à la démission du vice-président délégué de la Ligue de l'enseignement, en charge de la laïcité (voir ToutEduc ici), vient d'atteindre le "Conseil des sages de la laïcité". Celui-ci a adressé, le 20 janvier, un courrier au président, que ToutEduc s'est procuré, dans lequel Dominique Schnapper, soutenue par le Conseil unanime lui demande de rétracter "un propos injurieux", ce que Joël Roman, interrogé par ToutEduc, a fait. Au-delà de questions internes au fonctionnement du Conseil d'administration de la Ligue de l'enseignement, le débat porte sur le caractère "universel" du SNU, "service national universel" et sur le rôle que les associations, notamment la Ligue de l'enseignement, peuvent y jouer.

Dans un avis en date du 4 février 2019, le "Conseil des sages de la laïcité" unanime estime qu' "il est fondamental qu'à l'âge de l'adolescence tous les jeunes, filles et garçons, puissent vivre et partager des moments collectifs pendant quelques semaines dans le cadre d'internats", et que "le SNU ne peut qu’intégrer dans son fonctionnement, l'application pleine et entière des règles et obligations de la laïcité". Il considère que, "les appelés étant mineurs, la puissance publique a l’obligation, comme elle le fait dans ses établissements scolaires du premier et du second degrés, de les protéger contre toute pression idéologique ou religieuse et de garantir un respect mutuel entre tous". Il appelle au "respect de la neutralité religieuse tel que la loi du 15 mars 2004 l'a défini et mis en place dans les écoles, collèges et lycées publics". Il précise que "seules des associations laïques, non confessionnelles, pourront accueillir les jeunes appelés durant leur période de stage".

Une révision de la constitution ?

Le Conseil des sages milite de plus pour l'adoption d' "une disposition législative imposant le respect du principe de laïcité par les appelés et les intervenants". Il estime qu'on pourrait appliquer au SNU les disposition du code du service national selon lesquelles "les obligations de laïcité prévalent lors des journées Défense et citoyenneté" et reprendre des éléments de la loi de 1997 sur le Service national, mais il estime que la mise en place du SNU "pourrait requérir une révision de la Constitution, pour asseoir son caractère obligatoire et universel".

Les instances dirigeantes de la Ligue de l'enseignement réagissent alors avec une "note de positionnement", adressée le 13 décembre aux fédérations, dans laquelle elles s'inquiètent : "Il ne faudrait pas qu'une approche trop interdictive (de la laïcité) nourrisse une nouvelle fois des logiques d'objection de conscience (...). Ceci aboutirait à des exclusions de fait de toute une partie de la jeunesse, alors que l'enjeu est bien de leur proposer une expérience d'engagement laïque (donc respectueux tant des croyances que de la liberté d'en changer) à visée émancipatrice et non stigmatisante." Joël Roman commente pour ToutEduc : "si jamais l'interdiction du port de signes religieux permettait de faire valoir une objection de conscience, le SNU ne serait plus universel. Cette interdiction pourrait toutefois être justifiée par les contraintes liées à certaines activités." Actuellement, le règlement intérieur stipule qu' "il est interdit aux volontaires de porter tout signe ostensible d'appartenance religieuse au sein des centres SNU, à l'exclusion des espaces privés (le cas échéant, leur chambre personnelle uniquement). Un espace dédié, accessible à tous et réservé au recueillement individuel, est aménagé dans chaque centre." Pour le président de la Ligue de l'enseignement, il s'agissait de signaler une difficulté potentielle, dit-il.

En réaction, le 20 décembre, Jean-Paul Delahaye présente sa démission. Vice président en charge des questions de laïcité, il fait notamment valoir qu'il n'a pas été sollicité pour la rédaction de cette note qui peut être comprise comme "étant l'expression d'une position multiculturaliste, complaisante à l'égard des revendications identitaires".

La loi de 2004, le rappel du droit

Le 24 décembre, Joël Roman réagit à ce courrier de démission. Il fait valoir des éléments de procédure interne à la Ligue dont il juge qu'ils ont été respectés et demande à quelles "revendications identitaires" pense Jean-Paul Delahaye. Celles-ci sont, "à (sa) connaissance", "purement fantasmatiques et constituent l'argument majeur d'une série de gens, comme Laurent Bouvet et Céline PIna". Il ne croit pas "conforme à la tradition de la Ligue de défendre une position 'équilibrée' entre l'Observatoire de la laïcité et ceux qui, sous couvert de la défendre, s'en font les fossoyeurs, du Printemps républicain au Conseil des sages installé par le ministre de l'Education nationale".

Le 5 janvier, Jean-Paul Delahaye conteste les arguments de Joël Roman relatifs aux procédures, et maintient qu'il aurait dû être associé à une session de formation des nouveaux cadres de la Ligue et à la rédaction de la note, il ajoute que la position "équilibrée" de la Ligue entre "une conception de la laïcité plus attachée à la prise en compte de la diversité et l'autre plus attachée à l'unité", a été adoptée par le conseil d'administration. Il fait de plus valoir que le SNU "n'est pas un séjour de vacances", il ajoute : "En quoi s'abstenir de porter un signe religieux pendant deux semaines justifierait une 'objection de conscience' ?" Il fait remarquer que les mots "une nouvelle fois" à propos d'une approche "interdictive" renvoie "implicitement" à la loi de 2004, ce qui "montre que dans l'esprit du ou des rédacteurs de ce passage, la loi de 2004 n'est toujours pas comprise comme une loi de liberté pour les élèves".

Le 20 janvier, Dominique Schnapper adresse à son tour, avec le soutien unanime du Conseil des sages de la laïcité selon les informations recueillies par ToutEduc, un courrier à Joël Roman dans lequel elle considère que la formule "fossoyeur de la laïcité" est insultante et qu'elle "constitue un véritable procès d'intention" alors que les travaux du Conseil "ont consisté principalement en un appui soutenu aux directions du ministère et aux académies" et "dans l'élaboration de deux vade-mecum, le premier sur la laïcité, le second sur le racisme et l'antisémitisme, documents dont l'objet est le rappel du droit".

La "discrétion religieuse" comme valeur de la République

S'agissant du SNU, il a notamment pour vocation "de favoriser l'appropriation des valeurs cardinales de la République, dont la discrétion religieuse dans l'espace public par égard pour les croyances des autres". La présidente du Conseil des sages ajoute que la position de Joël Roman se fonde "sur une vision de la laïcité que démentent notre droit et la tradition républicaine" et qui "ne pourrait que donner prise à des revendications communautaristes, parfaitement incompatibles avec l'objet même du SNU".

Joël Roman admet volontiers une expression "pour le moins maladroite", et, même s'il fait valoir qu'elle a été employée dans "une lettre privée" qui n'avait pas vocation à être rendue publique comme l'a fait Le Figaro, il la retire.

La Ligue et le SNU

Mais ces échanges interviennent alors qu'Eric Favey, ancien président de la Ligue de l'enseignement avant Joël Roman, adresse à toutes les fédérations de la Ligue un réquisitoire contre le SNU (voir ToutEduc ici) et leur demande de ne pas s'y impliquer alors que son successeur estimeà l'inverse qu' "il faut y rentrer" tout en "restant vigilant". Le site de la Ligue donne l'exemple de la fédération de la Haute-Saône dont la directrice générale des services explique pourquoi elle participe à la mise en place du dispositif (ici).

Le courrier de D. Schnapper ici

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