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Hors-contrat et écoles démocratiques : première décision de justice (TA de Rennes)

Paru dans Scolaire le lundi 20 janvier 2020.

Le recteur de l'académie de Rennes a mis en demeure les parents des élèves de l’établissement d’enseignement scolaire privé hors contrat Le Carré Libre, à Quimper, "d’inscrire chacun leurs enfants dans un autre établissement dans les plus brefs délais". Le tribunal administratif de Rennes, saisi en référé lui donne partiellement raison, toutefois, selon notre confrère de Tébéo (télévision Bretagne Ouest), les enfants de 31 des 32 familles concernées continuent d'aller à l’école, une seule ayant respecté l'injonction rectorale. Les autres vont déposer cette semaine un référé auprès du Conseil d'Etat ainsi qu'un recours gracieux. Les services de l’Education nationale n’ont pas entamé de procédures à leur encontre tant que les recours ne sont pas purgés.

Devant le TA, les parents faisaient valoir qu'ils n'avaient reçu les mises en demeure que le 21 décembre 2019 et que le délai de quinze jours qui leur était imparti était trop court. Ils dénonçaient l'absence d’une procédure contradictoire organisée avec eux. Ils estimaient que le rectorat ne précisait pas quels documents il aurait fallu que l'école puisse produire et "qu’en exigeant la conservation et la présentation de tous les supports permettant d’évaluer la progression des élèves ainsi que des entraînements réguliers, des retours réflexifs et une évaluation des progrès", il fondait sa décision "sur les méthodes d’enseignement et la justification de ces méthodes" et non pas sur l'obligation d'instruction. Il imposait donc "une obligation de résultat qui n’est pas prévue par le code de l’éducation" et "une méthode d’enseignement qu’(il) n’a(vait) pas le pouvoir de lui imposer".

Les inspecteurs doivent avoir les moyens "d'apprécier la progressivité des acquis"

Ils faisaient également valoir que trois des élèves concernés "ayant plus de 16 ans, les mises en demeure attaquées ne dispos(ai)ent d’aucun fondement les justifiant", d'autant que "les résultats obtenus au bac par les trois élèves de l’établissement ayant passé cet examen permett(ai)ent d’attester de leur acquisition du socle commun".

La représentante du recteur a rappelé que "les mises en demeure contestées ont été prises à la suite de plusieurs inspections réalisées en janvier, en mai et en décembre 2019", que "s’il existe une liberté dans les méthodes d’enseignement, elles doivent permettre à l’administration d’apprécier la progressivité des acquis". Elle a ajouté qu "il n’y avait aucun préjugé négatif sur l’établissement lors du contrôle, ayant été notamment reconnu par les inspecteurs que cet établissement offrait des avantages à ses élèves du point de vue socio-affectif". Elle a estimé que le méthode pouvait "conduire certains élèves à ne pas acquérir le socle commun", prenant "l’exemple de Lenny qui n’avait, lors de la dernière inspection, encore suscité (sic, il faut comprendre "exprimé", ndlr) aucun désir d’apprentissage d’une langue étrangère alors qu’il compte passer le diplôme national du brevet". Elle considère de plus que "les dispositions relatives à l’acquisition progressive des connaissances sont étendues aux élèves qui, au-delà de seize ans, sont inscrits en vue de préparer un diplôme imposant une scolarité plus longue de sorte que les élèves concernés (...) doivent également être inscrits dans un autre établissement afin d’y poursuivre leur scolarité".

L’établissement n'est pas tenu de renoncer à sa méthode pédagogique

Le TA rappelle la décision du Conseil constitutionnel (voir ToutEduc ici) qui précise que "la mise en demeure adressée au directeur de l’établissement doit exposer de manière précise et circonstanciée les mesures nécessaires pour que l’enseignement dispensé soit mis en conformité avec l’objet de l’instruction obligatoire". Ayant constaté "la carence de l’établissement" et en ayant avisé le procureur de la République, "il était tenu de mettre en demeure les parents des élèves de cet établissement d’inscrire leurs enfants dans un autre établissement" et il n'avait ni à motiver les mises en demeure, "ni à organiser une procédure contradictoire avec les parents concernés", même s' "il est permis aux requérants de contester, par voie d’exception, la légalité des mises en demeures adressées à la directrice de l’établissement ainsi que la légalité du constat de carence opéré par le recteur".

Par ailleurs, "s’il est loisible aux établissements privés hors contrat de choisir tant leurs rythmes d’éducation que leurs méthodes pédagogiques", "ces rythmes comme ces méthodes ou la manière de les appliquer ne doivent ni, d’une part, conduire ces établissements à ne pas mettre en mesure leurs élèves d’acquérir ledit socle, ni, d’autre part, faire obstacle à la possibilité pour l’autorité de l’État compétente de déterminer, dans le cadre d’un contrôle, si les établissements en cause respectent l’objet et le contenu de l’enseignement obligatoire". Or "l’insuffisance des traces" ne permettait pas "de garantir l’acquisition du socle commun à l’âge de seize ans". Le TA insiste, "il ne semble pas, en l’état de l’instruction, que ces mises en demeure aient exigé de l’établissement qu’il renonce à sa méthode pédagogique (...). Les différents éléments des cycles d’apprentissage (...) ont été utilisés par les inspecteurs (...) comme une simple référence pour apprécier (...) la progressivité des apprentissages des élèves et n’ont donc pas été imposés à l’établissement."

En revanche, "seuls les enfants âgés de trois à seize ans sont soumis à l’instruction obligatoire". Le code de l’éducation (article L. 122-2) se borne "à instituer un droit à l’instruction pour les jeunes de plus de seize ans", mais ne crée pas "une obligation d’instruction".

La décision n° 1906552 ici, voir aussi les décisions 1906526 ici, 1906546 ici, 1906548 ici, 1906550 ici, le site du TA ici

 

 

 

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