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Pourquoi inverser la classe ? L'association détaille le sens de son action avant la CLISE (interview)

Paru dans Scolaire le mercredi 15 janvier 2020.

L'association "Inversons la classe !" organise du 27 janvier au 2 février la CLISE, la semaine de la "Classe inversée et des pédagogies actives" (dont ToutEduc est partenaire). Nous avons demandé à Claude Tran, président de l'association, quels étaient le sens et l'ambition de cet évènement.

Claude Tran : La CLISE est une solution innovante de socialisation professionnelle enseignante entre pairs à large échelle. L’objectif est de permettre à tous les enseignant.e.s qui le souhaitent d’échanger et d’interagir, autour de rencontres, entre enseignant.e.s au sein de leur académie. Il s’agit d’un mouvement de terrain proposé par des enseignant.e.s qui ont à coeur de partager leurs pratiques.Les initiatives sont diverses et variées comme des classes ouvertes, des ateliers en co-construction, des séminaires et autres webinaires

Nous organisons une semaine, mais notre objectif est de généraliser ce type d’initiatives dans le temps et l’espace en encourageant les rencontres entre enseignants tout au long de l'année, et au plus près de leurs établissements ; que partout en France, de petits groupes d'enseignants, grâce au soutien des coordinateurs académiques de l’association, organisent des évènements pour échanger sur leurs pratiques, créent de nouveaux réseaux, dans un large maillage du territoire.

ToutEduc : Avec quel objectif ?

Claude Tran : Notre mouvement est construit sur la conviction que l'on apprend aussi par les pairs, qu'on soit élève ou enseignant. Nous impulsons et accompagnons le développement et la mise en œuvre des pratiques pédagogiques centrées sur l’apprenant mais également favorisant la motivation et la réussite dans toutes les disciplines et à tous les niveaux d’apprentissage. Avec pour objectif bien évidemment de lutter contre les inégalités et le décrochage scolaires. Tout cela n'a d'ailleurs rien de révolutionnaire, ces deux principes sont très anciens, même si le numérique permet de les décliner différemment.

ToutEduc : Donc d' "inverser" la classe...

Claude Tran : L' "inversion" n'est qu'une pratique parmi d'autres pour envisager autrement le fonctionnement de la classe et les apprentissages. Nous considérons que le face à face, le temps en classe, est précieux, car il bénéficie de la présence du professeur. En y organisant des activités complexes ou à forte valeur cognitive, et en mettant les élèves en activité dans des petits groupes, l’enseignant va pouvoir accompagner selon les besoins les élèves qui sollicitent son aide. Il ne s'agit pas de faire "le cours à la maison et les exercices en classe", comme certains ont cru pouvoir simplifier, voire caricaturer le mouvement. Mais plutôt d’investir le “hors classe” avec des activités simples mais parfois chronophages qui peuvent absolument être menées sans le professeur. Toutes les études montrent que les “devoirs à la maison” restent socialement discriminants. Il s'agit donc bien de repenser la continuité des apprentissages, entre ce qui se fait en classe et ce qui peut se faire hors de la classe et donc "à la maison". Ces activités sont souvent portées par des outils numériques ce qui les rend plus attrayantes : ce sont par exemple des courtes vidéos de “mise en bouche” pour introduire un concept ou amorcer la séance à venir ou une application permettant le test rapide des élèves. Le cours magistral n’est pas proscrit, il peut être absolument nécessaire, et c'est parfois la seule bonne solution. Nous pensons toutefois que l'hybridation des pratiques pédagogiques est nécessaire pour entretenir la motivation et l’intéret d’apprendre des élèves. C’est d’ailleurs ce que l’on constate la plupart du temps, dans toutes les disciplines et à tous les niveaux, de la maternelle à l'université, et même au-delà.

ToutEduc : "Au-delà", vous pouvez préciser ?

Claude Tran : Oui, les organismes de formation continue et de nombreuses entreprises sont intéressés par notre réflexion et les situations qui permettent de donner la parole à tous les acteurs. La Recherche s’est à notre initiative saisie du sujet.

ToutEduc : En quoi vous différenciez-vous des mouvements pédagogiques qui préexistaient à votre création en 2014 ?

Claude Tran : La directrice d'une école Freinet, une des rares écoles publiques en France, est membre de notre conseil d'administration. Vous voyez bien que nous ne sommes pas en concurrence de ces mouvements, mais en complémentarité aussi bien des mouvements déjà installés que de ceux qui se créent autour des possibilités qu'amènent les technologies, comme la "twictée"... Ce que nous apportons, outre l’utilisation d’applications numériques, c'est cette réflexion sur la part des apprentissages qui peuvent être faits hors la classe de façon à libérer du temps dans la classe pour l'individualisation des aides, pour l'éducation à l'utilisation des médias. Mais également cette liberté d’expérimenter et de créer en partageant sans crainte entre pairs ses réussites et ses erreurs.

ToutEduc : Combien comptez-vous d'adhérents ?

Claude Tran : Nous avons entre 250 et 450 adhérents ; lorsque nous avons organisé notre congrès à Paris, le CLIC 2019 fin juin, ils étaient 700 enseignants participants, venus à leurs frais de toute la France et de l’étranger francophone (ici). Nous intéressons aussi un nombre croissant de personnels de direction et d’inspecteurs pédagogiques de toutes disciplines qui voient là un vrai sujet de réflexion pédagogique et donc de formation professionnelle. Changer de posture enseignante, faire évoluer la forme scolaire c’est aussi revoir l’organisation spatiale des salles de classe pour les rendre plus modulaires avec un impact sur l’architecture scolaire et donc la construction ou la rénovation des établissements; les collectivités ne peuvent qu'être à l’écoute de ces évolutions qui croisent le numérique à l’école. Ayant reçu l’agrément national d’association éducative complémentaire de l’enseignement public, Inversons la classe! a le soutien de l’institution et particulièrement des DANE (directions académiques du numérique éducatif), des CARDIE (conseillers académiques recherche, développement, innovation, expérimentation), des DAFOR (délégations académiques à la formation, du réseau Canopé..

ToutEduc : Et quels sont les freins au développement de la pédagogie que vous défendez ?

Claude Tran : Les freins au développement des classes inversées proviennent souvent du manque d’information des enseignants : près de la moitié des participants aux CLIC sont des enseignants qui ayant eu des échos dans les médias viennent chercher des réponses aux questions qu’ils se posent, aux difficultés qu’ils rencontrent. Enseigner est souvent un métier de solitude. Ouvrir sa classe et témoigner devant des collègues de ce que l’on fait, de façon à partager son expérience, n'est jamais facile, c'est prendre le risque d'être jugé par ses pairs. Le cours magistral apparaît souvent comme une solution plus "confortable" pour l’enseignant. Comment gérer une classe "en îlots" où les élèves circulent librement et parlent entre eux ? Avec la crainte de ne pouvoir maîtriser une classe bruyante, désordonnée, où les élèves avancent chacun à son rythme. C’est bien l’hétérogénéité des classes dans un enseignement de masse avec des élèves désireux de participer à leur apprentissage qui interroge un nombre croissant d’enseignants et les amène a faire évoluer leurs pratiques. L’innovation, la créativité naissent de l’émergence de difficultés dans une ambiance éducative; Internet et les réseaux sociaux deviennent alors des accélérateurs du changement. L’association s’est formée sur l’idée d’utiliser les classes inversées comme vecteur de changement des pratiques enseignantes en développant notamment une approche horizontale par les pairs source de confiance.

 

Propos recueillis par P. Bouchard, relus et complétés par C. Tran

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