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"Devoirs faits" : un dispositif qui peine à faire évoluer les pratiques pédagogiques (Inspection générale)

Paru dans Scolaire le mardi 17 décembre 2019.

"Dans les quelques établissements qui l’ont inscrite dans leur politique d’établissement, la mesure 'Devoirs faits' a été intégrée au projet d’établissement, et fait pleinement partie du paysage du collège, les enseignants et les élèves y trouvant de plus en plus de sens." Le rapport de l'inspection générale que publie le ministère de l'Education nationale sur la mise en place de l'une des mesures phares initiées par Jean-Michel Blanquer ne précise pas quelle proportion représentent ces "quelques établissements" sur les 73 collèges visités. Le dispositif y est très bénéfique. Il a provoqué "une démarche de réflexion dépassant souvent le seul cadre des devoirs" et portant sur "le sens du travail personnel de l’élève", "les attentes et la posture de l’enseignant", "les besoins des élèves", l'implication de leurs parents, "l’aide à apporter aux élèves en difficulté" en termes d'articulation avec l'accompagnement personnalisé, le tutorat, la pédagogie inversée, etc."

Mais "dans certains collèges", là encore sans précision sur le pourcentage qu'ils représentent, "il n’y a eu aucune concertation entre les enseignants, ni aucune réflexion collective sur l’intérêt, les modalités et les enjeux du dispositif".

Les objectifs seraient pourtant assez bien partagés : "redonner confiance aux élèves", "leur donner le goût de l’effort et du travail bien fait", faire évoluer les relations "entre les élèves et les enseignants, entre les élèves et les parents", "l’amélioration du climat scolaire", "pour les élèves des classes de troisième, une meilleure réussite au DNB et une orientation post‐troisième moins subie"... Idéalement, "la perception des difficultés des élèves à réaliser leurs devoirs conduit à des évolutions des pratiques professionnelles". La mission relève aussi que "la majorité des établissements a désigné un coordonnateur pour la mise en place de la mesure, mais les "référents interrogés ont manifesté un certain isolement au sein du réseau académique".

Des effets indésirables

Mais comment évaluer autrement que quantitativement la mesure ? "Quelques établissements, tout en reconnaissant la difficulté d’isoler des autres facteurs ce qui relèverait de la mesure 'Devoirs faits', s’engagent plus ou moins timidement dans la définition d’indicateurs plus qualitatifs", mais d'autres "pensent l’exercice irréalisable, la participation à géométrie variable des élèves au dispositif rendant impossible l’appréciation de l’efficacité de la mesure".

Et les deux inspectrices générales listent toute une série d'éléments de contexte ou d'effets de sa mise en place, plus ou moins attendus.

Elle a "le plus souvent" provoqué la disparition des dispositifs d’aide aux devoirs qui préexistaient, ce qui "a permis dans certains collèges (...) de prendre conscience de la nécessité de privilégier des intervenants internes à l'établissement pour engager une réflexion sur les pratiques professionnelles en termes de devoirs", mais "la réflexion sur la dimension qualitative de cette évolution de la mesure est encore embryonnaire dans nombre d’établissements". De plus, la remise en cause d'une aide aux devoirs "a créé une certaine tension" avec "des associations financées par des fonds d’État" ou avec les élus lorsqu'elle est organisée par la mairie. La mission constate également souvent "une absence d’articulation" avec d’autres dispositifs internes au collège, comme l’accompagnement personnalisé.

Où dans l'emploi du temps ?

Si les moyens financiers sont le plus souvent, mais pas toujours, suffisants, "la plupart des établissements évoque comme frein principal au déploiement de la mesure l’insuffisance de moyens humains et matériels" et ils font état du "manque d’enseignants volontaires, un certain nombre d’enseignants étant opposés à la mesure ou ne souhaitant pas s’y impliquer", mais aussi de "l’impossibilité d’organiser des groupes supplémentaires par manque de créneaux dans les emplois du temps des élèves ou par manque de salles disponibles", de "la surcharge des emplois du temps des élèves" et du risque "de concurrence avec des activités socioculturelles ou sportives (chant choral, association sportive, etc.)". S'y ajoute "la contrainte des transports scolaires" pour "nombre d’établissements ruraux ou périurbains".

En ce qui concerne les élèves, "peu de collèges" s'en tiennent au seul principe du volontariat qui, "dans la majorité des collèges visités", "se double d’une forte incitation des familles à faire profiter leur enfant de la mesure (...) Dix pour cent des établissements visités ont fait le choix de rendre obligatoire le dispositif soit pour tous les élèves, soit pour un ou deux niveaux de classe."

Le nombre d'élèves par séance varie, "il se situe majoritairement entre deux et vingt élèves", mais peut "atteindre quarante élèves". Certains sont "motivés", ils "ont un réel besoin d’être accompagnés", et en tirent profit, mais d’autres ont des lacunes trop importantes pour que ce soit le cas. Autre catégorie d'élèves, ceux "qui auraient besoin d’être accompagnés pour faire leurs devoirs mais qui ne sont pas volontaires, voire qui sont réfractaires" et dont l'attitude, "quelquefois perturbatrice, peut amener à des difficultés de gestion du groupe". Toutefois, certains élèves "qui n’étaient pas volontaires au début" y trouvent progressivement un intérêt. "De manière récurrente, les équipes soulignent que certains élèves qui auraient besoin d’être accompagnés ne s’inscrivent pas dans les séances Devoirs faits. Même s’il existe parfois des effets d’entraînement entre élèves pour participer aux séances Devoirs faits, leur volontariat spontané, malgré d’importants efforts de communication sur le dispositif, est faible."

Un sentiment d'impuissance face à la grande difficulté

De plus, "seules les familles dont les enfants sont scolarisés dans des établissements qui ont élaboré des outils de liaison à destination des parents sont réellement informées du fonctionnement de la mesure ou tout au moins censées l’être".

Par ailleurs, les intervenants éprouvent un "sentiment d’impuissance" face aux élèves "en grande difficulté scolaire ou cognitive" et qui devraient "être pris en charge par d’autres types de dispositifs". Le rapport met d'ailleurs en évidence les difficultés des adultes intervenants. "La mission a rencontré des équipes au sein desquelles les intervenants s’interdisent de communiquer sur les séances Devoirs faits afin de ne pas s’immiscer dans la pédagogie de leurs collègues. Pour exemple, des intervenants ont témoigné avoir constaté un excès de devoirs pour certains élèves sans oser le signaler aux professeurs concernés." Le rapport pointe "le rôle essentiel de l’équipe de direction du collège pour accompagner les enseignants dans la construction d’un réel collectif de travail", qui fait manifestement défaut. "Certains intervenants ne se sentent pas suffisamment légitimes pour entraîner leurs collègues, ne serait‐ce que dans une réflexion partagée sur leurs pratiques respectives concernant les devoirs (...) Cette situation est celle qui a été le plus fréquemment observée dans les établissements" où il s'agit "d’éviter une forme de fracture entre les enseignants, une équipe Devoirs faits se constituant comme une entité en soi au sein du collège avec peu de liens avec le reste de l’équipe éducative".

Le rapport "Devoirs faits" ici

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