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L'éducation aux médias et à l'information de 7 à 77 ans ? (CESE)

Paru dans Scolaire, Culture le mercredi 11 décembre 2019.

Proposer une éducation aux médias et à l'information (EMI) qui accompagnerait les individus, tout au long de leur vie où qu'ils soient, dans l'acquisition d'une solide culture médiatique et numérique, et pas seulement les élèves : c'est une ligne directrice originale que soumet le CESE (Conseil économique, social et environnemental) dans son projet d'avis "L'éducation aux médias et à l'information au défi des mutations du monde des médias". Celui-ci a été adopté en séance plénière, ce mercredi 11 décembre 2019, à l'unanimité des membres présents, soit par 144 voix et 0 abstention. En effet, dans cet avis qui était présenté par Marie-Pierre Gariel (groupe UNAF), au nom de la section de l'éducation, de la culture et de la communication, l'ensemble des 19 recommandations visent aussi bien à accompagner le renforcement de l'EMI dans les cursus scolaires qu'à l'étendre à d'autres jeunes, mais plus encore, à tous les âges, puisque le Conseil invite notamment à la création de dispositifs et d'actions en faveur des adultes et des personnes âgées. Il s'agit, "à l'ère du numérique reposant sur de nombreux dispositifs et acteurs", de permettre à tous les publics, "sans pour autant devenir des professionnels, des connaissances et des compétences", "de s'informer, d'émettre, de diffuser, d'analyser et de partager des informations de façon responsable" et de participer ainsi à "leur émancipation individuelle et collective et concourant à un débat démocratique éclairé". L'EMI doit également répondre à un autre objectif : "participer à rétablir un lien de confiance entre les médias et le grand public et proposer des solutions adaptées aux transformations du monde des médias."

Cet avis s'inscrit dans le contexte de la récente loi sur les fake news et celle à venir sur la réforme de l’audiovisuel et se justifie aussi par des "dérives" nées de l'élargissement de l'offre médiatique, de la multiplication de ses formats et de la diversité de ses contenus qui permettent d'alimenter "un flux d'information désormais continu, instantané, planétaire". Parmi les dérives, le CESE cite, entre autres, ceux induits par le fonctionnement des réseaux sociaux numériques, qui comporte, certes, "des potentialités intéressantes" mais "recèle également des risques et des biais". Ainsi, les algorithmes, en établissant des profils, orientent "subrepticement" les choix des utilisateurs par des suggestions d'amis, de contenus, etc., et peuvent produire des phénomènes "d'enfermement", qui peuvent aller "jusqu'à favoriser l'enracinement d'idées fausses et de certitudes contestables".

Les américains de plus de 65 ans ont relayé 7 fois plus de fausses informations que les 18-29 ans durant l'élection présidentielle de 2016

L'élargissement préconisé à tous les âges de la vie se justifie au regard de plusieurs constats. Parmi eux, le fait "que les changements dans le monde des médias et dans les pratiques médiatiques sont continus et exigent de mettre à jour régulièrement ses connaissances et ses compétences". Une étude publiée en février 2019 par le Cnesco (Conseil national d'évaluation du système scolaire) montre aussi que l'entourage joue un rôle prépondérant en tant que source d'information chez les collègiens et les lycéens. Une analyse des partages faits sur Facebook durant la campagne présidentielle de 2016 aux États-Unis, faite par des chercheurs des universités de Princeton et de New York, montre aussi que "ce sont les personnes âgées qui sont les plus enclines à partager ces fausses informations, ce qui va à l'encontre des préjugés que l'on a en direction des jeunes". Ainsi, les internautes de plus de 65 ans en avaient relayé sept fois plus que les 18-29 ans, selon l'étude et 2,3 fois plus que le groupe d'âge des 46-65 ans.

Développer des activités dans les lieux d'accueil des parents

Pour toucher les adultes et les personnes âgées qui "ne constituent pas un public 'captif' comme les jeunes", le CESE fait plusieurs préconisations : d'abord mener une réflexion "pour déterminer comment les toucher", puis s'appuyer sur des structures ou dispositifs existants, en privilégiant chaque fois la pratique - invitation valable également pour le public jeune - : Espaces Publics Numériques (EPN), qui pourraient aussi proposer des activités en dehors de leurs locaux, ou encore bibliothèques et médiathèques pour lesquelles le CESE invite l'État et les collectivités territoriales à élargir leurs activités à cet effet, dans le cadre du deuxième acte du Plan bibliothèques.

Le CESE invite aussi à transformer la Semaine de la presse et des médias dans l'École® en "Semaine des médias et de l'information pour toutes et tous", "avec un volet scolaire et un volet grand public". Et pour les parents, "qui s'y intéressent mais ont moins de temps pour s'y consacrer", souligne Marie-Pierre Gariel, pourraient être proposées des actions dans les lieux d'accueil des enfants, les espaces parents, les maisons de quartiers, des tiers-lieux, etc. Autre suggestion concrète qui permettrait de toucher tous les publics, "s'appuyer sur l'audiovisuel public" et que soit "prévue dans le cahier des charges des chaînes publiques la diffusion d'une émission télévisée dédiée".

Un plan pour systématiser la création de médias par et pour les jeunes

En direction des élèves et des étudiants, il faudrait par ailleurs mettre en place "un plan systématisant la création de médias (journal, web-radio, télévision, etc.) par et pour les jeunes (à laquelle pourront être associées, parmi les acteurs, les radios et télévisions associatives à but non lucratif), ou la mise en place d'un événement lié à l'éducation aux médias et à l'information, organisé avec les élèves". Préconisation qui s'étend également aux adultes, sur un mode associatif par exemple.

Plus globalement, l'EMI devrait "s'inscrire dans un parcours, dans le temps long plutôt que dans la multiplication de séquences (ateliers ou interventions ponctuels) dont les effets sur les bénéficiaires sont plus limités". Ceci notamment au constat que "si l'EMI est un enseignement transversal dont toutes les disciplines doivent s'emparer, le risque est qu'aucun enseignant ne s'en empare véritablement". Ce à quoi s'ajoute la difficulté de mise en œuvre de l'EMI dans le cadre du Parcours citoyen, parmi "le nombre élevé de sujets concernés et leur hétérogénéité".

Enfin, le CESE suggère de lancer un appel à projets sur ce thème à destination des étudiants, des adultes et des personnes âgées, "qui pourront s'appuyer sur des pratiques inter-générationnelles et les savoirs de chacun".

Formation à l'EMI des intervenants et des journalistes

Pour mettre en place cette éducation tout au long de la vie, le CESE fait évidemment des préconisations en matière d'encadrement. Pour une meilleure coordination des actions, le CESE invite l'État à créer des instances nationale et régionales, pilotées par le CLEMI et réunissant les principaux acteurs de l'EMI.

Cela passe aussi évidemment par une meilleure formation à l'EMI : dans le cadre de la formation initiale et continue des acteurs scolaires, pour laquelle le CESE invite à mieux la définir "en termes de contenus, de méthode et de durée et adaptée à la diversité des personnes formées (enfants, jeunes, adultes y compris les parents, personnes âgées)", réflexion à mener "collectivement avec tous les acteurs" ; en direction des journalistes aussi, "pour qu'ils puissent expliquer leur métier autant que de besoin", précise Marie-Pierre Gariel.

Évaluer les politiques et dispositifs existants : un "préalable indispensable"

Un premier bilan de l'EMI au collège et au lycée est également un "préalable indispensable à l'amplification et à l'adaptation des actions à mener en direction de tous les publics". Pour ce faire, le CESE suggère le lancement d'un appel à projets universitaire afin d'évaluer les effets des politiques publiques et des dispositifs. Le CESE invite aussi à développer un programme spécifique de recherche sur la thématique de la réception de l'information.

Enfin moyens financiers et humains doivent être renforcés, étant jugés "à la fois insuffisants et dispersés", estime Marie-Pierre Gariel, alors que "des enjeux de cohésion sociale et de démocratie" y sont associés. Le CESE estime indispensable la création de fonds pérennes (pour financer les actions, la formation des acteurs et de la recherche), qui pourraient être abondés par une partie des recettes de la "taxe GAFA". Le CESE appelle à davantage de moyens en direction précisément du CLEMI mais aussi en direction des associations accueillant les volontaires du Service Civique "pour mener des missions dans le domaine de l'éducation aux médias et à l'information". Une deuxième recommandation sur laquelle deux groupes, CGT-FO et le groupe des Organisations étudiantes et des mouvements de jeunesse, ont néanmoins émis une réserve. Notons aussi sur le sujet des moyens, le coup de "gueule" de la représentante du groupe des associations, Marie-Claire Martel, qui déplore une tendance "contraire" de celle préconisée par la CESE dans le PLF 2020. Celle-ci dénonce notamment le "plan social massif" qui touche les associations. Ainsi, indique-t-elle, ce sont 17 000 emplois qui ont disparu entre 2017 et 2018, et 8000 associations qui ont été fermées entre 2015 et 2018.

Camille Pons

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