Internet mettra-t-il fin aux débats pédagogiques? (EducPros)
Paru dans Scolaire le jeudi 15 avril 2010.
Les clivages idéologiques ont-ils encore un sens à l'heure d'Internet? Le débat organisé par EducPros (L'Etudiant) entre Philippe Watrelot et Jean-Paul Brighelli montre au moins que la situation évolue. Le premier est président du CRAP-Cahiers pédagogiques, le second, auteur de "la Fabrique du crétin" (2005, JC Gawsewitch éditeur) anime un blog, Bonnet d'âne, où il critique vigoureusement les thèses des "pédagogistes". Or l'un et l'autre ont, en classe, des élèves pourvus d'ordinateurs branchés sur Internet et leur apprennent comment en faire un bon usage. "Avec Internet, j'ai dans la classe une grosse bibliothèque et un très gros musée. C'est absolument essentiel. En trois clics, c'est très facile de trouver le texte que je veux, la citation exacte", dit l'un. Et l'autre renchérit: "On a là une encyclopédie extraordinaire." Tous deux évoquent les possibilités de mutualisation qu'offre cet outil. Jean-Paul Brighelli explique que, dans son lycée, a été "mis en place un site spécifique, où tous les travaux sont mutualisés". Il ajoute: "Pour moi, le premier réseau social, c'est le mail. Quand je donne un sujet de dissertation, les élèves ont quinze jours pour la faire. J'ai alors des dizaines de questions par mail. Je mutualise ma réponse. D'un clic, toute la classe est informée. Pour les corrections, mes élèves reçoivent 15-20 pages par mail, parce que je décortique et rédige le tout. Chaque correction rejoint la banque de données du site mutualisé du lycée. Ce qui me permet également de leur donner des contenus que je n'ai pas rédigés. On n'est pas tout seul dans sa classe!" Et Philippe Watrelot précise "La mutualisation est aussi valable pour les profs. Aujourd'hui, il existe non seulement les ENT, mais de nombreux sites où sont mis en commun les exercices par disciplines, comme clionautes, weblettres, sesamath, ou encore le site de l'Association des professeurs de sciences économiques et sociales."
La figure de proue de l'anti-pédagogisme évoque l'irruption du numérique dans les années 1970 avec les calculatrices qui ont changé "en cinq ans la façon dont les profs de maths ont conçu les sujets. Dans les années 1960, on nous demandait des résultats. Actuellement, c'est 'quelle est votre méthode?' puisque le résultat, la machine le donne." Le pédagogue s'amuse: "Dans une minute, Jean-Paul Brighelli va défendre l'idée qu'il faut évaluer par compétences! Ce moment est magnifique." Ce que Jean-Paul Brighelli ne conteste pas: "Je ne vais certainement pas déplorer l'arrivée d'un nouvel outil !"
Un tel débat ne suffit pas à liquider des oppositions de fond, il suffit de quelques minutes sur le site "Bonnet d'âne" pour s'en convaincre, mais il montre que la situation est moins figée qu'il n'y paraissait il y a quelques années.